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Procès pour proxénétisme : les victimes "ont une perte d'intime d'elles-mêmes" et se sentent "dégradées"

Catherine Champrenault, procureure générale de la cour d'appel de Paris a estimé, lundi 25 juin sur franceinfo, que dans les affaire de proxénétisme les victimes "ont une perte d'intime d'elles-mêmes, ayant été traitées comme des marchandises."

Article rédigé par franceinfo
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Une salle d'audience du tribunal de grande instance de Paris, le 27 mars 2018. (VINCENT ISORE / MAXPPP)

Le procès de douze hommes, jugés pour avoir prostitué seize jeunes filles, dont onze mineures âgées de 14 à 17 ans au moment des faits en 2015 et 2016, principalement en Ile-de-France, a démarré lundi 25 juin 2018 devant le tribunal correctionnel de Paris. Ce type d'affaires se multiplie ces dernières années. De 14 affaires enregistrées en 2014, la brigade de protection des mineurs à la police judiciaire de Paris est passée à 71 enquêtes au cours de l'année 2017.

Invitée de franceinfo lundi 25 juin, Catherine Champrenault, procureure générale de la cour d'appel de Paris, souligne que dans ces affaires, les victimes "ont une perte d'intime d'elles-mêmes, ayant été traitées comme des marchandises." Elles se sentent "absolument dégradées." La procureure souligne que "la souffrance des familles est aussi à prendre en considération." Elle tient enfin à rappeler le travail des associations et des pouvoirs publics pour "aider" les jeunes filles à "faire émerger leur parole" et amorcer avec elles le parcours de sortie de prostitution.

franceinfo : Est-ce que cette hausse du nombre d'affaires est liée à l'émergence des réseaux sociaux offrant un accès direct à ces victimes qui sont des proies ?

Catherine Champrenault : C'est lié à beaucoup de choses. Les réseaux sociaux facilitent et accélèrent les relations entre les personnes. Il y a parfois un chantage affectif de celui qui se prétend l'amoureux, le boy-lover de la jeune fille, en lui disant qu'ils vivraient mieux si elle se prostituait et s'ils gagnaient ensemble de l'argent. Le schéma, c'est toujours de profiter de la faiblesse d'un certain nombre de jeunes filles que l'on repère et que l'on va exploiter. Ce qui est très intéressant, et ce procès va le montrer, c'est que dans ces personnes, il y a souvent d'anciens délinquants qui ont essayé d'autres modes de délinquance et notamment le trafic de stupéfiants.

Dans ce procès, les victimes sont des jeunes filles adolescentes qui vivent en banlieue. Est-ce que c'est le profil des jeunes filles dans ce genre d'affaire ?

Ce sont d'abord des jeunes filles qui peuvent être très jeunes, certaines ont moins de 15 ans. Je rappelle que faciliter la prostitution d'une mineure de moins de 15 ans, c'est un crime qui est puni jusqu'à 15 ans de réclusion criminelle. Evidemment, ces jeunes filles, qui sont de milieux défavorisés, peuvent être plus facilement tentées par de l'argent facile et avoir le sentiment qu'elles vont gagner beaucoup d'argent en un minimum de temps. Là où c''est un piège terrible, c'est que certes, au début, elles gagnent de l'argent. Mais très vite ce piège se referme. Leurs proxénètes vont de moins en moins leur donner de l'argent et garder la majorité des profits pour eux. S'il y a des velléités de s'extraire de la prostitution ou de contester les cadences il peut y avoir des violences, des menaces. Cela fait toute la complexité des enquêtes. Ces victimes ont du mal à déposer plainte. On est entre honte et peur. Dans un premier temps parce qu'elles ne s'appréhendent pas comme victimes. Ce sont des personnes qui étaient vulnérables et qui sont encore plus vulnérables par la prostitution. Ce qui me semble important de dire – et un certain nombre de victimes ont pu le dire par le relais de leur mère ou d'associations – c'est qu'elles se sentent absolument dégradées. Elles ont une perte d'intime d'elles-mêmes, ayant été traitées comme des marchandises. Il y a cette espèce de dépersonnalisation.

Quelles sont les conséquences sur les familles ? Il y a de la souffrance, de l'impuissance, de la honte chez les parents qui découvrent la situation ?

La souffrance des victimes est réelle. La souffrance des familles est tout aussi à prendre en considération. C'est une détresse totalement partagée qui rend encore plus vulnérable. Aujourd'hui, encore plus qu'avant, sont déployés des réseaux positifs d'entraides, de solidarité, par la voie associative. Je rappellerai le travail extraordinaire que fait le mouvement du Nid pour aider ces jeunes filles à faire émerger leur parole, et pour amorcer avec elle le parcours de sortie de prostitution. Et il y a tous les pouvoirs publics mobilisés, l'Education nationale, la vie associative, ou la justice qui est là pour protéger les victimes, pour qu'il y ait une sortie la plus positive possible de ce monde de la prostitution.

Quels conseils donner aux parents face à des situations comme celle-là ?

S'ils ont des soupçons, rien ne les empêche de les signaler aux services de police ou de gendarmerie, ou de s'adresser à une association qui est spécialiste de la prise en charge des victimes pour leur dire, votre fille n'est pas perdue. Nous pouvons la sauver, la récupérer tous ensemble. Il faut lui donner ce statut de victime. Ce n'est pas elle la coupable. Elle a été exploitée, piégée, trompée. Il faut l'aider en l'entourant d'affection et essayer ensuite de restaurer l'image et l'estime de soir. La famille est très importante.

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