: Témoignages "Je vois la lumière" : comment les personnes prostituées sont accompagnées par des associations pour s'extirper des réseaux
À quelques semaines des Jeux olympiques qui vont voir affluer en France des millions de touristes supplémentaires, le gouvernement réaffirme sa volonté de lutter contre les réseaux de prostitution. Jeudi 2 mai, il a présenté une stratégie nationale de lutte contre ce fléau. Il s'agit de "renforcer et d'harmoniser l'application de la loi sur tout le territoire et de mieux prendre en compte les nouvelles formes de prostitution", a déclaré la ministre chargée de l'Egalité entre les femmes et les hommes, Aurore Bergé.
Saluée comme une avancée majeure par les abolitionnistes, la loi de 2016 a notamment abrogé le délit de racolage et l'a remplacé par la pénalisation des clients, désormais passibles d'une amende de 1 500 euros - 3.750 euros en cas de récidive.
Mais sur le terrain, les résultats sont en demi-teinte : les observateurs pointent un accompagnement insuffisant des personnes prostituées souhaitant en sortir et des disparités régionales en termes de condamnations des clients. Alors, plusieurs associations, comme Le Nid que franceinfo a rencontré, s'activent pour extirper les travailleurs du sexe des réseaux et leur permettre de se réinsérer.
"De l'argent sale"
Hélène et Catherine ont suivi le même parcours et subi la loi des mêmes réseaux d'immigration clandestine : une dette à payer et la prostitution comme seul horizon pendant des années avant d'en sortir à force de trop de souffrance et après la rencontre avec une maraude de l'association Le Nid.
Elles sont aujourd’hui avec une quinzaine d'autres femmes dans une maison de Seine-Saint-Denis à l'abri de proxénètes, en cours de réinsertion, mais surtout de reconstruction. "Je voyais que c'était bien, j'avais des amies, on faisait ça ensemble, mais après il y avait trop de violences. Ça donne de l'argent, mais c'est de l'argent sale", témoigne l'une. "J'aimerais dire à mes copines prostituées de ne plus se laisser manipuler avec ce travail. Je vois la lumière. Dès que j'ai mes papiers, je vais faire ma formation d'aide-soignante et commencer à vivre comme tout le monde avec le respect, comme une femme !", poursuit l'autre.
Tarir "la source"
La loi de 2016 permet aux prostitués qui quittent les réseaux d'obtenir un titre de séjour provisoire si besoin ainsi qu'un pécule - l'aide financière d'insertion sociale (Afis) - de 342 euros par mois pendant deux ans au maximum. Dans l'immense majorité des cas la réinsertion est une réussite, mais les places manquent dans les centres comme dans les accueils de jour souvent la première étape sur la longe route du retour à la vie normale.
L'autre volet majeur de la loi, c'est la pénalisation du client. Elle est encore au stade du balbutiement, estime Delphine Jarraud déléguée générale de l'association Le Nid.
"Il y a 40 000 personnes en situation de prostitution, il n'y a même pas 2000 personnes par an qui sont poursuivies. Tant qu'on ne tarit pas la source, l'exploitation humaine se poursuivra"
Delphine Jarraud, déléguée générale de l'association Le Nidà franceinfo
Des clients qu'il faut de plus en plus aller chercher sur internet : la prostitution de rue ne représente plus que 20% du phénomène. Une cellule de cyber-enquête va ainsi être chargée de détecter "des situations d'exploitation sexuelle, de supprimer des comptes mais aussi de démanteler des réseaux et recueillir les preuves pour condamner les proxénètes". Enfin, une campagne de sensibilisation sera lancée dans le cadre des Jeux olympiques et paralympiques de Paris cet été au cours desquels les autorités ont d'ores et déjà indiqué s'attendre à un afflux de clients de prostituées. Cependant l'enveloppe budgétaire globale du plan n'a pas été communiquée.
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