: Témoignages "Elle a retrouvé des peaux de banane dans son jardin" : ces Français racontent comment la parole raciste s'est libérée depuis les élections européennes
"Bientôt, c'est la fin de la France pour les bougnoules comme toi !", "Sale arabe"... Le journaliste Mohamed Bouhafsi, chroniqueur de l'émission C à vous sur France 5, a publié mardi 25 juin des messages racistes le visant, reçus sur son compte Instagram. Le journaliste de France 5 Karim Rissouli a, quant à lui, reçu à son domicile un message raciste qui affirme que "le peuple français historique en a plein le cul de tous ces bicots". Dans un reportage de l'émission "Envoyé spécial", diffusé sur France 2 le 20 juin, on y découvrait une aide-soignante victime de racisme de la part de ses voisins, militants du Rassemblement national.
Quelques jours plus tard, la porte-parole du gouvernement, Prisca Thevenot, avait alors dénoncé "la libération de certains discours haineux" depuis la victoire du Rassemblement national aux européennes.
Comme ces personnalités racisées, de plus en plus de témoignages font en effet état d’une augmentation des injures ou actes à caractère raciste depuis plusieurs semaines. C'est ce que confie Samantha, 31 ans. Née en France d'origine caribéenne, elle vit à Ermont, dans le Val-d'Oise, dans une résidence pavillonnaire où elle n'a aucun conflit avec le voisinage. Pourtant, depuis quelques jours, "on m'a laissé sur le pare-brise de la voiture, des mots où il est écrit : 'Je t'emmerde', 'dégage', etc, raconte-t-elle. J'ai une amie qui reçoit des déchets dans sa boîte aux lettres. J'ai une autre amie qui vit en résidence pavillonnaire et elle retrouve des peaux de banane dans son jardin, etc. Je le sens, je le vois autour de moi : l'ambiance a changé depuis les élections européennes", déplore la jeune femme.
"De plus en plus de réflexions désagréables"
Dans le cas de Samantha, comme dans la lettre ou les messages reçus par les journalistes de France 5, les auteurs sont anonymes. S'il est difficile de quantifier ces actes, "il y a globalement une forme de libération de la parole qui s'est passée et surtout, il y a des petits signes", estime Véronique Reille-Soult, la présidente de Backbone Consulting, spécialiste de l'opinion et des réseaux sociaux. "Par exemple, il y a un espace comme LinkedIn, qui est un réseau social professionnel, où les gens parlaient peu de politique ou en tout cas étaient plutôt dans le positif. On y voit que les gens font de plus en plus de réflexions désagréables. Ce sont de plus en plus souvent des mots qu'on n'aurait pas utilisés avant", note-t-elle.
Ces injures, parfois présentées comme des blagues ou émises au second degré, ont donc commencé à investir la sphère professionnelle. Et c'est ce qui préoccupe Audrey, 27 ans, qui vit en Seine-et-Marne. "En ce moment, je suis en train de chercher un nouveau travail. Je passe des entretiens, on me pose des questions farfelues qu'on ne m'avait jamais posées de ma vie entière... Il y a des questions sur ma religion, sur là d'où je viens. On me demande combien de frères et sœurs j'ai. Je pense que c'est juste devenu normal. Moi, c'est ce que j'observe."
"Mon problème, c'est que ma vie va devenir ingérable. Je m'en fous qu'on me traite de singe, maintenant c'est au niveau de la vie, du quotidien. Ma vie va juste devenir insupportable."
Audrey, 27 ansà franceinfo
Pour Audrey, c'est bien parce que l'opinion publique a basculé et que le Rassemblement national a remporté les élections, que certains s'autorisent désormais ces comportements.
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