Date de fin du ramadan : pourquoi "deux visions s'opposent" entre le Conseil français du culte musulman et la Grande Mosquée de Paris

Ce mois de jeûne s'achèvera le 10 avril par la fête de la rupture du jeûne, l'Aïd el-Fitr. La Grande Mosquée de Paris et le Conseil français du culte musulman ont annoncé la même date mais se sont basés sur deux méthodes différentes pour la fixer.
Article rédigé par Sonia Ghobri
Radio France
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Toit de la Grande Mosquée de Paris. (XAVIER DE TORRES / MAXPPP)

Alors que le Conseil français du culte musulman affirmait dès le 1er avril, "conformément aux données scientifiques", que l'Aïd el-Fitr, la fête qui marque la fin du ramadan, aura lieu mercredi 10 avril, la Grande Mosquée de Paris, elle, insiste sur son attachement "à la tradition de la Nuit du doute en France". Elle consiste à observer le ciel à l'œil nu pour y déceler la nouvelle lune, marquant ainsi la fin d'un mois lunaire. Le ramadan correspond au neuvième mois du calendrier islamique. Ce mois de jeûne prend fin au premier jour du chawwal, le dixième mois.

Ainsi, la Grande Mosquée de Paris a refusé d'annoncer une date officielle pour la fin du ramadan avant l'observation du croissant lunaire. Une commission religieuse dédiée à cet effet s'est réunie lundi 8 avril en fin de journée et a fixé également la date du 10 avril. "La Nuit du doute est bien plus qu'une simple observation du ciel à la recherche du croissant de lune", avait écrit le 2 avril dans un communiqué Chems-eddine Hafiz, recteur de la Grande Mosquée de Paris.

Méthode oculaire contre méthode scientifique

"Deux visions s'opposent", concède lundi 8 avril sur franceinfo, Mohamed Moussaoui, coprésident du Conseil français du culte musulman (CFCM) et président de l'Union des mosquées de France. Il note que la Grande mosquée de Paris conserve une méthode "oculaire" alors que le CFCM a décidé de se baser sur des données astronomiques. Cette décision a été actée le 9 mai 2013 lors d'un colloque organisé à Bagnolet (Seine-Saint-Denis). Une résolution a été prise "pour la mise en place du calendrier lunaire basé sur le calcul astronomique". Mohamed Moussaoui souligne qu'elle a été signée par Dalil Boukabeur, à l'époque recteur de la Grande Mosquée de Paris.

Le coprésident du CFCM défend une méthode plus précise permettant de déterminer "l'heure exacte à quelques secondes près de la conjonction, c'est-à-dire grossièrement à l'instant où la Terre, la Lune et le Soleil se trouvent alignés, rendant la Lune invisible à tout observateur quelle que soit sa position sur la Terre". Il explique que la "nouvelle lune n'est pas visible à l'œil nu pendant au moins une dizaine d'heures après sa naissance". Or, insiste-t-il, "des outils, qui n'ont rien à voir avec la religion musulmane, utilisés par tous les amateurs d'astronomie, permettent de dire à quel moment la nouvelle lune sera visible. Plus besoin d'attendre la veille pour le lendemain".

Un "rituel" contre une "méthode tenable théologiquement"

Mais pour le recteur de la Grande Mosquée de Paris, "réduire la Nuit du doute à une date qui valide, en Islam, depuis l'observation du ciel et l'apparition du premier croissant de Lune, à la fois le commencement et le terme du mois de ramadan, c'est ôter à ce rituel toute sa dimension spirituelle et religieuse". Dans son communiqué, Chems-eddine Hafi ajoute qu'"ignorer cette nuit sous prétexte que la technologie moderne nous permet des calculs précis serait comme négliger l'appel à la prière simplement parce que nous avons des montres où des appareils connectés".

Mohamed Moussaoui rétorque que, déjà, "les musulmans lorsqu'ils n'entendent pas l’appel à la prière du muezzin, se remettent à leurs calendriers basés sur le calcul et vérifient l’heure sur leur montre ou leur téléphone". Il argue par ailleurs que les musulmans en France par exemple, "ont besoin de connaître suffisamment tôt la date de l'Aïd pour pouvoir poser un jour de congé" afin de célébrer la fin du jeûne.

Puis, le coprésident du CFCM estime "qu'il faut se donner des moyens d'observation avec des commissions équipées de télescopes un peu partout dans le pays". Or, poursuit-il, "la Grande Mosquée de Paris ne l'a pas fait. Ils vont se réunir dans un bureau et faire un arbitrage en fonction des annonces des différents pays musulmans qui utilisent le calcul mathématique". Il maintient donc que "cette méthode scientifique est tenable théologiquement".

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