Abus sexuels dans l'Eglise : "Il est urgent d'ouvrir aux femmes la prêtrise, l'épiscopat, l'accès à toutes les responsabilités", estime la théologienne Anne Soupa
Réunie à Lourdes depuis jeudi, la Conférence des évêques a annoncé lundi que 11 anciens évêques ont été "mis en cause" devant la justice civile ou la justice de l'Église pour des signalements de violences sexuelles.
"Il est urgent d'ouvrir aux femmes la prêtrise, l'épiscopat, l'accès à toutes les responsabilités", a déclaré mardi 8 novembre sur franceinfo Anne Soupa, théologienne candidate à l’archevêché de Lyon en 2020. Le cardinal Jean-Pierre Ricard a reconnu s'être "conduit de façon répréhensible avec une jeune fille de 14 ans" il y a 35 ans quand il était curé. L'ancien archevêque de Bordeaux a demandé "pardon".
Selon Eric de Moulins-Beaufort, le président de la Conférence des évêques de France (CEF), 11 anciens évêques ont été "mis en cause" devant la justice civile ou la justice de l'Église pour des signalements de violences sexuelles. Annie Soupa a renouvelé son appel à la démission collective des évêques qu’elle avait lancé en 2021. "Il ne s'est rien passé de notoire sur ce sujet, sinon des révélations et de nouveaux abus", a-t-elle regretté.
franceinfo : Saluez-vous la volonté de l’Eglise de France de regarder un peu plus en face les affaires d’abus sexuels ?
Annie Soupa : D'abord je regrette et je suis même très triste qu'il y ait des nouvelles victimes. ensuite, je crains que cela ne reste encore une affaire entre évêques. Mais c'est la communauté catholique dans son ensemble qui devrait être bien informée. Je trouve qu'il y a une manière de rétrécir le problème à la communication interne aux évêques qui me paraît une procédure tout à fait mineure.
L’Eglise de France joue-t-elle la carte de la transparence ?
Au bout d'un an du rapport Sauvé, je vois que la transparence n'est toujours pas un mode de fonctionnement adopté par l'Église. C'est assez désespérant. Et surtout, je crains que ça ne cache la question de fond qui est d'aller aux structures.
"Le rapport Sauvé avait vraiment mis en évidence qu'il y avait un problème systémique, c'est-à-dire que tout le système clérical est générateur d’abus."
Anne Soupa, théologienneà franceinfo
Tant que nous sacraliserons le prêtre, il y aura des abus. Tant qu'il y aura un système qui favorise l'entre-soi, la sélection dans un corps déjà limité, les évêques, un corps exclusivement masculin, il y aura des abus. Ça veut dire qu'il y a une réforme du droit canon très profonde à opérer et il est urgent d'ouvrir aux femmes la prêtrise, l'épiscopat et l'accès à toutes les responsabilités.
Les révélations des abus sexuels ne vous suffisent pas ?
Non, c'est très désolant et c'est une nouvelle importante, bien sûr, mais le vrai problème, c'est la question des structures. Et c'est pour ça qu'en 2021, Christine Pedotti directrice de la rédaction de Témoignage chrétien, François Devaux de La Parole libérée et moi-même avons lancé un appel à la démission collective des évêques. Que cette démission aille à Rome et Rome se chargera de renommer les évêques qu'il souhaite nommer. Mais nous renouvelons cet appel. Nous leur demandons parce que depuis un an, il ne s'est rien passé de notoire sur ce sujet, sinon des révélations, de nouveaux abus. Voulons-nous, nous, catholiques, oui ou non, que ça change ? Si nous le voulons, rejoignons cet appel, faisons-le savoir haut et fort.
Le cardinal Ricard doit-il démissionner ?
La décision doit revenir au pape, mais je souhaiterais qu’effectivement il ne soit plus cardinal. C'est tout de même extrêmement choquant que Monseigneur Ricard reste dans le collège électoral qui nommera le pape suivant. C'est quelque chose que les catholiques ne peuvent pas comprendre.
Le Vatican doit-il être plus actif ?
Oui, parce que la réforme de fond du système, elle revient à Rome. Les évêques de France ne peuvent pas la décider par eux-mêmes. Ils ne peuvent pas changer le droit canon. Ils ne peuvent pas ordonner des femmes prêtres. Ils ne peuvent pas nommer des femmes évêques. Tout cela revient au pape. Donc, le Vatican doit effectivement prendre le problème en main de manière beaucoup plus constructive.
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