L'Église "doit admettre et reconnaître la complicité" dans les crimes pédophiles, déclare Olivier Savignac du collectif Foi et Résilience
Il attend non seulement de la Conférence des évêques qui s'ouvre mardi une reconnaissance institutionnelle de la complicité "active et passive" de l'Église dans ces crimes mais aussi une indemnisation financière pour essayer de réparer car les thérapies "coûtent très cher".
"L'institution" de l'Église "doit admettre et reconnaître la complicité qui a été la sienne, de manière active et passive, dans les crimes de masse sur des enfants", a déclaré mardi 23 mars sur franceinfo Olivier Savignac, membre du collectif Foi et Résilience, qui réunit des victimes de prêtres pédophiles. Il est interrogé alors que s'ouvre la Conférence des évêques, qui doit notamment se pencher sur la pédocriminalité chez les prêtres. Le collectif Foi et Résilience demande une indemnisation individualisée des victimes, car "les thérapies coûtent très cher", et souhaite qu'un mémorial pour toutes les victimes de violences sexuelles soit érigé près du sanctuaire de Lourdes.
franceinfo : Qu'attendez de cette Conférence des évêques ?
Olivier Savignac : L'important, c'est que l'institution, qui se définit elle-même comme la gardienne de la morale, doit admettre et reconnaître la complicité qui a été la sienne, de manière active et passive, dans ces crimes de masse sur des enfants. Il faut bien comprendre que l'Église a couvert pendant des décennies, voire des siècles, des monstres qui ont abusé de leur pouvoir d'autorité, de leur pouvoir spirituel afin de parvenir à leurs fins. Et encore, jusqu'à il y a peu.
"L'Église n'a jamais aidé ni considéré les personnes victimes alors qu'elle défend des valeurs évangéliques qui placent normalement le plus petit, le plus faible au centre."
Olivier Savignac du collectif Foi et Résilienceà franceinfo
Quels sont les mots que vous avez envie d'entendre de la part de la hiérarchie de l'Église ?
Qu'ils reconnaissent collectivement, institutionnellement, leur responsabilité, la complicité de l'Église active et passive dans ces crimes. C'est vraiment la première démarche, ce qu'attendent toutes les personnes victimes, à travers aussi les collectifs, les associations. C'est une reconnaissance publique, comme cela a été le cas quand l'État français a reconnu certaines choses, comme le génocide en Arménie. C'est important de l'inscrire dans l'histoire de la société. Il y a eu des dizaines de milliers de victimes, donc elles doivent être reconnues à juste titre et sachant en plus que la plupart de ces personnes n'ont jamais eu de procès par rapport à leur agresseur. Moi, je parle d'amplification de la souffrance avec les années. J'écoute des personnes qui ont 60-70 ans, on se rend compte que le traumatisme est une plaie qui est encore plus béante que lorsqu'on reçoit des personnes qui ont 20-30 ans et dont le traumatisme est plus récent.
"C'est comme une gangrène qui vient paralyser la vie de la personne qui est blessée, anéantie à vie."
Olivier Savignacà franceinfo
Faut-il une indemnisation des victimes par l'Église directement ?
Ce sera important parce que neuf personnes sur dix ne peuvent prétendre à une justice des hommes, une justice pénale civile. Ce qui est important, outre de donner une somme d'argent, c'est d'entendre le traumatisme personnel de la personne et en fonction de ce traumatisme-là, il faut qu'une évaluation soit faite pour ajuster une somme. Il y a des personnes qui ont dépensé des dizaines de milliers d'euros. Une des personnes victimes a chiffré à 176 000 euros le coût d'une thérapie, c'est énorme ! Donc, l'Église doit prendre en compte ça et doit pouvoir aussi aider les personnes sur le plan financier, parce que les thérapies coûtent très cher.
Sur un aspect plus symbolique, vous proposez la construction près du sanctuaire de Lourdes d'un mémorial destiné aux victimes de prêtres pédophiles. Ça ressemblerait à quoi ?
Ce serait dédié à toutes les victimes de violences sexuelles et d'abus sexuels, à toutes les personnes qui ont vécu, pas simplement les personnes victimes dans l'Église. Il s'agit vraiment de faire mémoire visible parce que rendre visible ce traumatisme, c'est comme dire à ces personnes : oui, votre souffrance, elle est là, elle a été incarnée, elle est reconnue publiquement, physiquement, à travers un monument. Mais ce ne serait pas qu'un monument ou une plaque, ce serait aussi un lieu pour comprendre ce que sont les traumatismes de ces violences sexuelles, un lieu de témoignage et un lieu de formation aussi de prévention. Ce que souhaitent avant toute chose les victimes, c'est que ça ne se reproduise pas, qu'il n'y ait plus d'autres victimes. Donc, c'est important de se tourner vers l'avenir et vers la prévention.
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