Pédocriminalité dans l'Église : l'instance de réparation, critiquée pour sa lenteur, pointe "un manque de moyens humains"
Huit mois après la création de cette structure, plusieurs collectifs dénoncent sa lenteur et même son "amateurisme".
"On manque de moyens humains", a affirmé mardi 14 juin sur franceinfo Marie Derain de Vaucresson, présidente de l'Instance nationale indépendante de reconnaissance et de réparation (Inirr), chargée des réparations pour les faits de pédocriminalité dans l'Eglise, alors que plusieurs collectifs dénoncent la lenteur de traitement des dossiers et même son "amateurisme". Huit mois après la création de cette structure, l'Inirr a reçu ce mardi les associations de victimes. "On entend des personnes qui sont mécontentes, et il y a des personnes qui sont plus satisfaites", souligne Marie Derain de Vaucresson. Elle explique la lenteur par le fait que "les choses se construisent au fur et à mesure" et souhaite rester bénévole de l'instance pour "une question et d'indépendance vis-à-vis de l'Eglise."
franceinfo : Que pouvez-vous répondre à ces associations de victimes que vous avez reçues à Paris ?
Marie Derain de Vaucresson : La décision de la création de l'Inirr date de la mi-novembre 2021, il y a sept mois. Vous imaginez bien que, partant de rien, nous avons dû absolument tout construire avec des enjeux de sécurisation de partages d'informations. Nous avons eu des locaux le 7 janvier. Toutes les choses se construisent au fur et à mesure. On a, sur demande des personnes victimes, accepté d'engager les échanges et toute la démarche de réparation très rapidement, en janvier, tout en finissant de construire tous les process de l'instance. Moi, je ne peux que comprendre les personnes victimes, leur insatisfaction, notamment sur le temps que cela peut prendre. Les choses s'améliorent et iront de mieux en mieux. On s'y attelle. Que cela prenne du temps, je suis la première à le déplorer. Je ne crois pas que derrière, ce soit de l'amateurisme. Bien au contraire. C'est plutôt un moyen de sécuriser la façon d'intervenir.
"On a plus de 120 situations aujourd'hui qui ont été accompagnées. C'est forcément très insuffisant quand on sait qu'on est à 800 situations. Mais en même temps, les choses avancent."
Marie Derain de Vaucresson, présidente de l'Instance nationale indépendante de reconnaissance et de réparation (Inirr)à franceinfo
On entend des personnes qui sont mécontentes de ce qui se passe. Il y a heureusement des personnes qui sont plus satisfaites et qui peuvent expliquer pourquoi cela leur fait du bien d'échanger et pourquoi elles sont satisfaites des perspectives qui s'ouvrent. J'espère que ce sera le cas du plus grand nombre. La porte est ouverte.
Est-ce que vous manquez de moyens humains ou financiers pour recueillir et traiter des centaines de dossiers qui sont encore en attente ?
On manque de moyens humains. Mais ce n'est pas parce qu'on ne nous les donne pas ou qu'on ne les prend pas. C'est parce qu'on est sur un exercice qui est éminemment inédit. La démarche de réparation n'est pas, contrairement à ce qu'on entend partout, une démarche d'indemnisation. Peut-être que c'est un niveau d'exigence qui est trop compliqué que de vouloir être sur la mise en œuvre de la justice restaurative au sens générique du terme, plutôt que sur l'indemnisation sonnante et trébuchante. La dimension pécuniaire pour certaines personnes est absolument essentielle. Et il n'y a aucune difficulté à aller sur ce terrain-là. Mais conduire cette démarche-là, cela demande une exigence, cela demande du temps, cela demande des process solides. Et il faut accompagner des référents, former des référents. Et aujourd'hui, c'est vrai, nous en manquons.
Est-ce que cela occupe 100% de votre temps et est-ce que la Conférence des évêques pourrait vous aider davantage ?
Cela n'occupe pas 100% de mon temps parce que je suis comme toute personne, j'ai besoin d'équilibre personnel, que cet équilibre personnel, pour bien vivre mon engagement bénévole, passe par une vie de famille, par une vie professionnelle. Ce que je crois aussi, c'est que je ne peux pas être salariée de cette instance. En revanche, il y a un secrétaire général. Il y a des référents et trois autres profils de professionnels qui arrivent en septembre pour coordonner les référents et pour m'assister plus intensément que le secrétaire général. Cette question-là garantit aussi l'indépendance de l'instance parce qu'elle garantit mon indépendance. Je ne souhaite pas être salariée de l'instance et encore moins de la Conférence des évêques de France pour mener à bien ce projet. La question du bénévolat, c'est une vraie question de distance et d'indépendance vis-à-vis de l'Eglise. Et pour moi, c'est essentiel dans la façon d'assumer les responsabilités.
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