Antisémitisme : "Il y a un niveau d'inquiétude qui est extrêmement fort chez nos compatriotes français juifs"
Le délégué interministériel à la lutte contre le racisme, l'antisémitisme et la haine anti-LGBT a réagi sur franceinfo au rapport de l'Ifop qui affirme que près d'un tiers des Français de confession juive se sentent menacés dans leur quotidien.
"Il y a un niveau d'inquiétude qui est extrêmement fort chez nos compatriotes français juifs", a estimé mercredi 22 janvier sur franceinfo Frédéric Potier. Le délégué interministériel à la lutte contre le racisme, l'antisémitisme et la haine anti-LGBT réagissait aux résultats d'un rapport mené par l'Ifop pour la Fondation pour l'innovation politique. Selon l'étude, un peu plus d'un tiers des Français de confession juive se sentent menacés dans leur vie quotidienne. Un sentiment d'insécurité directement lié à l'appartenance religieuse et qui concerne particulièrement les 18-24 ans.
franceinfo : Etes-vous surpris par ces résultats ?
Frédéric Potier : Les Français juifs se sentent menacés, ils voient une progression de l'antisémitisme que ce soit à travers les actes ou à travers des menaces verbales, donc ce résultat-là ne m'a pas particulièrement surpris. Il y a un niveau d'inquiétude qui est extrêmement fort chez nos compatriotes français juifs.
Comment expliquez-vous que ce sentiment d'insécurité touche particulièrement les jeunes de 18-24 ans ?
Je l'explique par le fait que cette génération des 18-24 ans a connu de plein fouet les attentats. L'attaque à Toulouse de l'école Ozar Hatorah, les attentats de l'Hyper Cacher de Vincennes. Mais il y a aussi, et c'est peut-être plus inquiétant et insidieux, une forme d'antisémitisme du quotidien qui est parfois plus difficile à mesurer, à contrer. Il peut s'exprimer dans la rue de manière très banale. C'est une insulte, une violence. Cet antisémitisme-là frappe les plus jeunes, les familles, et cela entretient ce phénomène d'insécurité.
Est-ce que cela peut expliquer, parfois, le fait que certains juifs décident de retirer la kippa, ou qu'ils pensent à quitter la France ?
Les départs vers Israël se sont réduits ces dernières années parce que l'État a pris un certain nombre de mesures. Mais il y a, en effet, d'autres types de comportements, par exemple une forme d'invisibilisation des signes religieux. Moi je crois que face à ces comportements, face à ces stratégies, il faut surtout que nous, l'État, les citoyens, les collectivités locales, nous puissions redire tout le soutien envers nos compatriotes juifs et surtout y apporter des réponses. En modifiant, par exemple, la loi qui régit internet en France. Un texte sera voté à l'assemblée nationale pour faire retirer, sous 24 heures, des contenus manifestement illégaux. C'est toute une batterie de mesures qui vont de l'éducation à la prévention qu'il faut mettre en place, et pas uniquement des grands discours.
Vous pensez que l'expression de ce soutien doit être plus importante ?
Oui, cela fait toujours du bien d'entendre que la République soutient tous ses enfants et les défendra mordicus. Je pense que le président de la République aura des mots forts en Israël, puisque c'est une rencontre placée sous le signe de la mémoire de la Shoah. Mais, au-delà des paroles publiques et des représentants d'État, il y a aussi les témoignages des citoyens pour que nous puissions dire, non à la haine, non aux crispations identitaires, non aux extrémismes, d'où qu'ils viennent.
Qu'est-ce que vous attendez de cette visite officielle d'Emmanuel Macron en Israël à l'occasion du 75e anniversaire de la libération du camp d'Auschwitz-Birkenau?
C'est un temps symbolique très fort puisque ce sont les 75 ans de la libération d'Auschwitz donc toute une série de cérémonies sont organisées. Ce que j'attends, c'est une prise de conscience transnationale de ce phénomène, puisque l'antisémitisme n'est pas quelque chose de franco-français. Il a frappé aux États-Unis, plusieurs fois, lors des deux dernières années avec des attaques meurtrières contre des synagogues. Il a tué en Allemagne à Halle. Donc ce n'est pas un phénomène qui est franco-français. Je pense qu'il y a des réponses à apporter au niveau européen et au niveau mondial.
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