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Atteinte au principe de laïcité : 720 signalements en octobre, "minoritaire" mais "préocupant", pour le syndicat SE-UNSA

Pour lutter contre les atteintes à la laïcité le syndicat enseignant SE-UNSA entrevoit deux solutions : former les équipes éducatives pour conduire les élèves à penser, choisir et agir librement et assurer la mixité sociale à l'école.

Article rédigé par franceinfo
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Une fresque dédiée à la laïcité peinte sur les murs du lycée du Mas Jambost à Limoges, le 9 décembre 2021 (illustration). (THOMAS JOUHANNAUD / MAXPPP)

720 signalements d’atteinte au principe de laïcité en octobre, dans les 59 260écoles et établissements du second degré, "c'est très minoritaire, mais aussi très préoccupant", estime jeudi 10 novembre sur franceinfo Rémy Sirvent, secrétaire national du syndicat d'enseignants SE-UNSA, en charge du secteur "laïcité, école et société". En septembre, 313 signalements ont été enregistrés. Pour remédier à ce problème, le syndicaliste insiste notamment sur la nécessité "d'assurer la mixité sociale à l'école, notamment dans les établissements les plus ségrégés"

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franceinfo : Que pensez-vous de ce chiffre dévoilé par le ministère de l'Éducation nationale ?

Rémy Sirvent : C'est un chiffre [les signalements d'atteinte au principe de laïcité] qui oscille tout le temps sous la barre des 1 000 cas par mois, pour une population scolaire dans l'enseignement public de 10 millions d'élèves. C'est donc très minoritaire, mais aussi très préoccupant. Il est difficile de savoir si cette hausse correspond à une augmentation des atteintes en octobre, par rapport à septembre, ou bien à une augmentation des remontées de faits qui existaient, mais qui jusqu'à présent ne remontaient pas.

Quelles sont les règles les plus souvent enfreintes ?

Visiblement, ce sont celles qui concernent le port de signes ou tenues manifestant une appartenance religieuse. La contestation de la loi du 15 mars 2004 [qui encadre, en application du principe de laïcité, le port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les écoles, collèges et lycées publics], a commencé le 16 mars 2004. Il y a des groupes, des organisations qui pensent que finalement, cette possibilité pour les élèves d'avoir des signes religieux à l'école est l'expression d'une liberté. Nous, on pense le contraire. Si cette loi n'existait pas, des élèves se verraient imposer le port de signes religieux par leur entourage. Cette loi les protège.

Sur quelle base peut-on affirmer qu'un vêtement est utilisé dans ce but ?

C'est à l'occasion d'une phase de dialogue, prévue par cette loi, qu'on peut déterminer cela. Là où c'est le plus facile, c'est quand il y a des tenues ou des signes religieux, qui sont interdits. Là où c'est le plus compliqué, c'est quand on a une tenue qui n'est pas forcément une tenue religieuse, mais qui est utilisée pour manifester une appartenance religieuse. On peut le déceler si l'élève porte cette tenue tous les jours, s'il refuse de l'ôter, notamment quand il s'agit de faire l'EPS [Éducation physique et sportive] ou bien des sciences expérimentales dans un laboratoire.

Que se passe-t-il dans ce cas ?

À travers la phase de dialogue, on peut voir si l'élève a compris la loi, s'il est capable de l'accepter ou bien s'il s'y oppose catégoriquement. Si c'est le cas, la voie de la sanction reste ouverte. Mais quand on avait interrogé les enseignants en 2018 sur ces questions-là, ils nous avaient répondu que le dialogue arrivait à apaiser la situation dans 98% des cas.

Le ministre de l'Éducation nationale, Pap Ndiaye, veut renforcer la formation, la protection et le soutien au personnel. Les enseignants aujourd'hui ne sont pas suffisamment formés, accompagnés sur ces questions de laïcité ?

Ils sont insuffisamment formés, même si le ministère a lancé un plan formation aux principes de laïcité. La durée de ces formations est d'un jour seulement. Il est quand même assez difficile de traiter [en aussi peu de temps] ces atteintes à la laïcité, mais aussi et surtout de former pédagogiquement les équipes éducatives pour conduire les élèves à penser, choisir et agir librement.

Y'a-t-il d'autres moyens de lutter contre ces atteintes à la laïcité ?

Le deuxième moyen pour agir en faveur de la laïcité, c'est d'assurer la mixité sociale à l'école, notamment dans les établissements les plus ségrégés. C'est dans ces établissements que la revendication religieuse est la plus forte. Cela signifie, en contrepartie, qu'il faut réduire les réservoirs d'entre-soi scolaire, les écoles à haute sélection sociale dont bénéficie la frange la plus favorisée de la population.

"L'entre-soi des uns construit la ségrégation des autres."

Rémy Sirvent, secrétaire national du syndicat SE-UNSA

à franceinfo

Cette sélection sociale à l'école est notamment mise en œuvre par l'enseignement privé, qui est pourtant largement financé par l'argent public.

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