Restos du cœur : "Ça va mieux que l'année dernière mais nous restons très prudents", explique le porte-parole de l'association

"Nous n'avons pas complètement repris les conditions d'accès des aides", concède Yves Merillon, porte-parole des Restos du cœur. L'association affiche pour 2024 un excédent de 22 millions d'euros alors que l'an dernier, elle sonnait l'alarme avec un déficit de 35 millions.
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Yves Mérillon, porte-parole des Restos du cœur, était l'invité de franceinfo, le 3 mars 2023. (FRANCEINFO / RADIO FRANCE)

"Ça va mieux que l'année dernière mais nous restons très, très prudents", explique mardi 19 novembre sur franceinfo Yves Merillon, porte-parole des Restos du cœur. Après un déficit de 35 millions en 2023, l'association se retrouve en 2024 avec un excédent de 22 millions grâce à "la générosité du public" et "un effort supplémentaire" de l'État.

Les Restos du Cœur avaient été contraints l'année dernière de prendre des mesures de restriction en limitant l'accès à l'aide alimentaire. Toutefois, les perspectives économiques inquiètent Yves Merillon : "Si le chômage doit reprendre, si l'inflation repartait, il est certain que les personnes qui ont besoin de nous reviendraient très nombreuses à nos portes".  Les Restos du cœur renouvellent leur appel aux dons alors que s'ouvre la 40ᵉ campagne de l'association, en ayant une attention particulière sur les 128 000 bébés qui ont besoin de l'aide alimentaire pour survivre.

franceinfo : Alors que vous pointiez le risque de mettre la clé sous la porte, on peut dire que les Restos du Cœur sont sauvés ?

Yves Merillon : Ça va mieux que l'année dernière. Nous avions lancé un appel à la solidarité qui avait bien marché. La générosité du public avait été au rendez-vous et l'État avait fait un effort supplémentaire. Nous avions été obligés de prendre des mesures de restriction très difficiles pour les personnes que nous accueillons. Nous avions restreint l'accès à l'aide alimentaire et, d'autre part, nous avions réduit la dotation. Avec ces mesures, effectivement, nous avons retrouvé un équilibre, mais nous restons très prudents parce que la situation économique est celle que vous connaissez. On parle de plans sociaux, de beaucoup de difficultés. Si le chômage doit reprendre, si l'inflation repartait, il est certain que les personnes qui ont besoin de nous reviendraient très nombreuses à nos portes et que ce serait extrêmement difficile de continuer dans ces conditions.

110 000 personnes refusées l'an dernier aux Restos du cœur, est-ce que ça veut dire qu'avec cet excédent, elles vont pouvoir accéder à votre aide cette année ?  

Nous n'avons pas complètement repris les conditions d'accès des aides. Par contre, on va chercher à les améliorer. Nous n'avons pas pu remonter le barème qui donne accès à l'aide alimentaire aussi fortement que ce qu'il était il y a un an. Mais nous avons, quand même, ré-augmenté nos dotations et, surtout, nous sommes aujourd'hui en mesure de nous donner des priorités pour pouvoir aider les plus démunis des démunis.

Quelles sont ces priorités ?

On a un objectif essentiel qui est celui de lutter contre la reproduction de la pauvreté de génération en génération. L'OCDE dit qu'en France, il faut six générations pour sortir de la pauvreté. Or, le public que nous accueillons est extrêmement jeune. La moitié des personnes que nous accueillons ont moins de 25 ans et nous avons 128 000 bébés de moins de trois ans. C'est absolument énorme.

"Nous voulons absolument tout faire pour que ces 128 000 bébés qui sont aujourd'hui aux Restos du cœur avec leurs parents ne soient plus dans 20 ans de jeunes adultes encore aux Restos du cœur."

Yves Merillon, porte-parole des Restos du cœur

à franceinfo

Nous souhaitons donner un coup de pouce important à ces familles et aux bébés, notamment en nous donnant pour objectif de couvrir l'intégralité des besoins alimentaires des bébés de moins de trois ans et de leurs besoins en hygiène. On va également ouvrir un peu plus l'accès à l'aide alimentaire aux familles monoparentales par rapport aux autres familles. 

Est-ce que vous vous attendez à battre de nouveaux records 2024 en termes de repas servis ?

On espère que non. On était sur une courbe absolument affolante : 140 millions il y a deux ans, 170 millions, l'année dernière. Si nous n'avions rien fait, on passait à 190- 200 millions. Ce n'était pas tenable financièrement, ce n'était pas tenable pour accueillir les personnes dans des conditions dignes. On va probablement, avec cet effet sur les familles monoparentales notamment, ré-augmenter un peu, mais pas au point de pouvoir à nous seuls absorber l'ensemble des besoins des personnes pauvres qui restent encore aujourd'hui très présentes dans la société française.

Les Restos du cœur, c'est 35% de l'aide alimentaire en France. Vous êtes quasiment un service public ?

C'est le problème. C'est au gouvernement de faire en sorte que l'augmentation de la pauvreté qu'on a constatée depuis deux ou trois ans, absolument effrayante, s'arrête. 

"Nous ne pouvons pas, à nous seuls, résoudre le problème de la pauvreté dans la société. La balle est dans le camp des pouvoirs publics."

Yves Merillon

à franceinfo

Les associations ne peuvent pas résoudre ce problème fondamental de la pauvreté. Elles peuvent boucher les trous du filet de sécurité, elles peuvent donner des aides d'urgence, elles peuvent prendre le temps d'accompagner les personnes pour les aider à sortir de l'exclusion. Mais ce n'est pas notre rôle de résoudre le problème de la pauvreté dans le pays.

Vous renouvelez cette année un appel aux dons ?

80% de nos ressources viennent de la générosité du public. Nous avons toujours besoin de la mobilisation du public. Nous avons une grande chance aux Restos du cœur, c'est une association dite "préférée" des Français. Le public a toujours été au rendez-vous. Malheureusement, nous devons toujours lui dire que "oui", surtout en cette fin d'année qui est la période traditionnelle où les dons affluent, nous avons besoin de vous.

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