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Routes : limiter la vitesse à 80 km/h "diminuerait le nombre de morts d'environ 400 par an"

Selon "Le Point", le gouvernement devrait annoncer début 2018 une baisse de la vitesse autorisée sur les routes nationales et départementales à deux voies sans séparation centrale. Anne Lavaud, déléguée générale de l'association Prévention routière, a répondu aux questions de franceinfo.

Article rédigé par Vincent Matalon - propos recueillis par
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 4 min
Un panneau de limitation de la vitesse maximale à 80 km/h est installé sur la nationale 7 à hauteur de Valence (Drôme), le 30 juin 2015. (MAXPPP)

Le gouvernement est-il prêt à accélérer sur la limitation de la vitesse sur les routes ? D'après les informations du Point parues vendredi 1er décembre, l'exécutif devrait annoncer au début de l'année 2018 une baisse de 10 km/h de la vitesse maximale autorisée sur l'ensemble des routes nationales et départementales à deux voies sans séparation centrale (rail ou muret). Cette limitation passerait donc de 90 km/h à 80 km/h.

Mesure de bon sens pour endiguer la mortalité sur les routes ou moyen déguisé d'augmenter les verbalisations pour excès de vitesse ? Franceinfo a interrogé Anne Lavaud, déléguée générale de l'association Prévention routière.

Franceinfo : La baisse annoncée de la vitesse maximale autorisée sur la majorité du réseau hors voies rapides et autoroutes va-t-elle dans le bon sens ?

Anne Lavaud : Cette annonce est présentée comme acquise par la presse, mais rien n'a été officialisé. Il faut donc la prendre avec toutes les réserves nécessaires. Mais si elle était effectivement appliquée, elle concernerait la grande majorité de notre réseau routier : les routes communales représentent en effet 63% du million de kilomètres de routes que nous avons en France, les routes départementales 35% et les routes nationales 0,8%.

Les chiffres du ministère de l'Intérieur nous indiquent que sur le réseau dont la vitesse est limitée à 90 km/h, la vitesse moyenne des automobilistes s'établit aujourd'hui à 82 km/h. Ce qui signifie que les conducteurs limitent déjà d'eux-mêmes leur vitesse, en fonction de l'état des routes notamment.

Ces chiffres pourraient être encourageants si on ne constatait pas une surreprésentation du nombre d'accidents mortels dans lesquels la vitesse est impliquée sur ce même réseau. En effet, 36% des accidents mortels survenus sur ces portions impliquent une vitesse trop élevée, contre 32% sur le reste du réseau routier. Il reste donc des portions du réseau limité à 90 km/h où la vitesse est une problématique très importante. A ce titre, il est logique d'agir.

Une expérimentation de cette mesure avait déjà été lancée en 2015...

Oui, mais elle était trop courte et ne concernait que moins de 100 kilomètres de routes, ce qui est trop peu pour être représentatif. C'est pourquoi, avant de généraliser la baisse de 10 km/h de la vitesse maximale autorisée, il faudrait selon nous la préfigurer sur un réseau beaucoup plus large et une période plus longue, ce qui permettrait d'obtenir des données qui valideraient son efficacité.

Aujourd'hui, nous ne disposons que d'hypothèses sur l'efficacité de cette mesure. En effet, une règle couramment admise indique que baisser la vitesse maximale de 1% entraîne une baisse de 1% du nombre d'accidents, de 2% du nombre de blessés, et de 4% du nombre de tués. Or, en 2016, sur le réseau limité à 90 km/h, un peu plus de 2 000 personnes ont été tuées. Abaisser la vitesse maximale à 80 km/h permettrait donc de diminuer le nombre de morts de 400 par an environ.

Ne pourrait-on pas seulement appliquer cette mesure aux zones où les accidents sont les plus nombreux ? 

On peut le penser, car la configuration du réseau dont la vitesse est actuellement limitée à 90 km/h est très diverse. Mais cela rendrait la mesure plus difficile à lire pour les conducteurs : il est plus simple d'édicter une règle avec peu d'exceptions que de multiplier les applications de cette même règle.

Cette méthode aurait en outre le défaut de changer fréquemment de limitation de vitesse sur un même trajet, ce qui pourrait entraîner une hausse des infractions.

De telles mesures ont-elles été déjà expérimentées ailleurs ?

Oui. Plusieurs pays d'Europe du Nord sont adopté la limitation à 80 km/h, mais les premiers résultats ne sont pas aussi probants que ce qui avait été annoncé préalablement.

Ces résultats sont toutefois à prendre avec prudence, car il faut laisser à ces mesures le temps de s'installer. Il faut surtout se garder de comparer aveuglément ces situations avec la nôtre : les comportements sur la route y sont différents et la mortalité y est déjà plus basse qu'en France, où le réseau est particulièrement dense.

Les associations de défense des automobilistes dénoncent déjà une mesure coûteuse, et destinée avant tout à augmenter les verbalisations…

Avec l'alcool, la vitesse reste le principal facteur d'accidents. Et, comme je le disais, les chiffres démontrent que sur ce réseau précis, la vitesse est plus présente qu'ailleurs dans les accidents. Il faut donc agir.

Mais il s'agit d'une mesure difficile à prendre, car elle demande à tous d'agir pour qu'un comportement homogène se crée sur la route. Or, le sentiment d'urgence et la volonté d'aller vite sont très prégnants chez les automobilistes. Il faut faire de la pédagogie concernant le rapport à la vitesse : en baissant de 10 km/h la vitesse maximale autorisée, on ne mettra que six minutes supplémentaires à faire un trajet de 90 km par rapport à aujourd'hui. La plupart des automobilistes veulent aller vite en voiture, alors que la réalité du temps gagné en accélérant est finalement très faible.

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