Sophie et Valérie, deux sœurs victimes des prothèses PIP
Elles font partie des 5 127 plaignantes du procès qui s'est ouvert à Marseille, mercredi. Elles ont accepté de témoigner pour francetv info.
"On faisait toutes partie de ce fameux lot PIP." Sophie, sa sœur Valérie, sa belle-sœur, quelques amies : toutes se sont fait poser des implants mammaires au début des années 2000. Elles étaient complexées par leur poitrine, l'une d'elles a franchi le pas. Et, devant un résultat réussi, cela a donné envie aux autres. Après les opérations chirurgicales, toutes se retrouvent avec des prothèses de la même marque : celles de la société française Poly Implant Prothèse (PIP).
Aujourd'hui, elles font partie des quelque 5 000 plaignantes du premier procès du scandale des implants défectueux PIP, qui s'est ouvert devant le tribunal correctionnel de Marseille (Bouches-du-Rhône), mercredi 17 avril. Pour francetv info, Sophie et Valérie ont accepté de raconter leur expérience. Deux vécus, à l'opposé l'un de l'autre.
Sophie ne s'est "pas alarmée" quand le scandale a éclaté
"A la suite de trois grossesses, ma poitrine s'est aplatie, la peau s'est affaissée. J'étais complexée, y compris vis-à-vis de mon mari. Je ne me sentais pas femme. J'ai attendu dix ans avant de franchir le pas", raconte Sophie, qui a pris la décision de se faire poser des implants mammaires en 2003.
"J'avais peur d'une opération ratée et de complications. Finalement, c'est ma belle-sœur qui m'a motivée. Elle m'a dirigée vers la clinique Mozart, à Nice, où elle-même avait été opérée deux mois plus tôt. Elle m'a dit : 'Tu vas voir, ce ne sera pas une grosse opération'", poursuit la quadragénaire, gérante dans la restauration en Corse. "C'est ce qui s'est passé : si je n'en parle pas, personne ne sait que j'ai des prothèses. Ma poitrine semble naturelle. Je n'ai jamais eu mal, ni de problème."
Jusqu'au jour où le scandale autour des prothèses PIP éclate. Fin décembre 2011, le gouvernement français recommande le retrait de tous les implants de la marque, par précaution. Informée par un courrier de son chirurgien esthétique, Sophie décide de suivre l'avis du ministère de la Santé. "Quand je l'ai appris, je n'ai pas ressenti d'anxiété, je ne me suis pas alarmée. Ma sœur, comme d'autres femmes, a eu des complications, mais je préfère ne pas y penser", confie-t-elle. "Mais il y a toujours un doute : est-ce que les nouvelles prothèses sont bonnes ? s'interroge-t-elle. Avec les copines et la famille, opérées en même temps que moi, on s'est posé la question. J'ai choisi de relativiser : avec les nouveaux contrôles, on ne risque plus grand-chose... Enfin j'espère."
Sophie fait partie des femmes opérées à titre préventif : ses prothèses ne se sont pas détériorées. Francetv info l'a rencontrée le jour de l'intervention chirurgicale, le 28 février 2012, à Nice. Pour payer cette opération, qui a coûté 1 600 euros, elle a pioché dans ses économies, et a emprunté une partie de la somme à une amie. L'intervention s'est déroulée sans problème. Un peu plus d'un an plus tard, contactée par téléphone, elle dit qu'elle va "bien". Elle est retournée une seule fois à la clinique Mozart, pour un contrôle de routine. Son médecin généraliste l'ausculte régulièrement.
Valérie, "traumatisée par les implants mammaires"
Agent de maintenance dans un lycée de Nice, Valérie, de quatre ans l'aînée de Sophie, a eu moins de chance. En 2010, elle ressent des douleurs à la poitrine. Une échographie révèle que ses prothèses sont fissurées sur 11 mm. Le docteur Denis Boucq, un des chirurgiens esthétiques de la clinique Mozart, qui a également opéré sa sœur, les retire en octobre 2011. Aujourd'hui, elles sont sous scellés à Marseille, où une information judiciaire a été ouverte pour "blessures et homicides involontaires", le 8 décembre 2011.
Valérie n'a pas voulu remplacer ses prothèses PIP par des implants d'une marque différente. Elle est l'une des rares femmes qui ont renoncé à porter des prothèses mammaires. Le coût de l'ablation est pris en charge par l'Assurance-maladie. Pourtant, Valérie a dû débourser autour de 1 700 euros pour cette nouvelle intervention. "La clinique Mozart ne m'a pas laissé le choix. On m'a expliqué que l'opération ne pouvait se limiter à l'ablation. Il faut modifier la poitrine, donc recourir de nouveau à la chirurgie esthétique", explique-t-elle, dépitée. Pour financer l'opération, elle contracte un prêt auprès de sa banque. La clinique accepte qu'elle paye en dix fois sans frais. Soulagée, elle est prête à tourner la page.
En réalité, le parcours du combattant commence pour Valérie. Deux mois après le retrait de ses prothèses PIP, une boursouflure apparaît sous son sein gauche. "Par chance, ma sœur était à Nice à ce moment-là. Horrifiée, elle m'a emmenée de force à la clinique", raconte Valérie, qui a contracté une infection nosocomiale, un streptocoque. Elle est soignée par antibiotiques pendant un mois et demi. Mais la guérison est lente. Le chirurgien procède à des retouches au laser. Valérie enchaîne les arrêts de travail. "Psychologiquement, c'était horrible. Je suis tombée en dépression. Je commence tout juste à voir le bout du tunnel", confie-t-elle à francetv info.
Valérie a regretté sa décision dès 2006, au lendemain de la pose de ses implants. "J'avais une malformation des tétons, une petite anomalie qui me complexait. Je voulais des seins normaux. J'ai décidé de me faire opérer après avoir vu le résultat sur ma sœur. Elle a une très belle poitrine. Tout l'inverse de moi : les implants n'ont pas embelli mes seins", explique-t-elle. "Si j'avais su tout cela, je ne l'aurais pas fait. Avec tous les problèmes que j'ai eus, je suis traumatisée par les prothèses mammaires, résume-t-elle. Mais je ne baisse pas les bras. Ma sœur me soutient. Comme elle, grâce au procès, j'espère être indemnisée."
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