Polémique sur les propos d'Amélie Oudéa-Castéra : comment les établissements scolaires privés bénéficient largement de financements publics

Les écoles, collèges et lycées privés sous contrat avec l'Etat sont financés à plus de 75% par les deniers publics et obtiennent parfois davantage de moyens, sans que des contrôles stricts soient effectués.
Article rédigé par Robin Prudent
France Télévisions
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L'entrée du collège privé Stanislas, à Paris, le 16 mars 2017. (GARDEL BERTRAND / HEMIS.FR / AFP)

Des établissements privés très gourmands en financements publics. Alors que la nouvelle ministre de l'Education nationale et des Sports, Amélie Oudéa-Castéra, est vivement critiquée à propos de la scolarisation de ses enfants dans un établissement privé, à Paris, cette polémique relance le débat sur le financement de l'enseignement privé.

Les élus communistes de Paris ont ainsi dénoncé, lundi 15 janvier, l'octroi "au-delà des obligations légales" de 487 000 euros de subventions au collège-lycée Stanislas, établissement cossu du 6e arrondissement de Paris, où sont scolarisés les enfants de la ministre, en plus des dotations de fonctionnement de 1,3 million d'euros pour l'année scolaire 2022-2023. Dimanche, le syndicat SUD Education a également demandé, dans un communiqué, "la fin du financement de l'école privée avec de l'argent public".

Le privé financé à 75% par des fonds publics

En France, en 2022, plus de deux millions d'élèves étaient scolarisés dans l'un des 7 500 établissements privés sous contrat avec l'Etat, selon la Cour des comptes. Leur régime a été créé par la loi du 31 décembre 1959, dite loi Debré, sur les rapports entre l'Etat et les établissements d'enseignement privés. Elle prévoit un certain nombre d'engagements, comme la conformité aux programmes définis par le ministère de l'Education nationale. A la différence des écoles, collèges et lycées publics, qui ont l'obligation d'accueillir tous les élèves de leur secteur géographique, ceux du privés peuvent, quant à eux, inscrire les élèves de leur choix.

Si les établissements privés sous contrat bénéficient d'une large autonomie d'organisation, leur autonomie budgétaire est, elle, très limitée. En effet, 76,8% du financement de ces établissements est assuré par de l'argent public, en provenance de l'Etat et des collectivités territoriales, selon un rapport de la Cour des comptes de juin 2023. Seuls 23,2% du budget de ces établissements privés est directement financé par les ménages et les entreprises.

Dans le détail, les établissements privés du premier degré (écoles maternelles et élémentaires) sont financés à 55,2% par l'Etat et à 21,5% par les collectivités territoriales. Dans le public, l'Etat finance quasiment la même part, 58,6%, et les collectivités territoriales, 37,3%. Les établissements privés du second degré (collèges et lycées) sont davantage financés par l'Etat (67,2%) et dans une moindre mesure par les collectivités territoriales (9,6%). Dans le public, l'Etat finance 74,3% du budget, tandis que les départements et les régions prennent en charge 21,4% du financement de ces établissements.

Au total, l'Etat a ainsi consacré 8 milliards d'euros en 2022 aux établissements privés, notamment pour rémunérer les 142 000 professeurs gérés par les rectorats et affectés dans les établissements privés sous contrat.

Davantage de moyens dans le privé

Le nerf de la guerre du financement de ces établissements se joue chaque année, au moment de la répartition des dotations horaires globales (DHG). Celles-ci correspondent au nombre d'heures (et donc de professeurs) que l'Education nationale attribue aux collèges et aux lycées, publics comme privés. Or, selon des documents consultés par Le Monde, les lycées privés de Paris disposent de davantage d'heures d'enseignement rapportées au nombre d'élèves que les établissements publics, pour la filière générale, à effectifs et composition sociale équivalents.

En 2021, la moyenne de dotation horaire par élève était de 1,1 pour les lycées généraux publics parisiens, contre 1,27 dans le privé. Ce chiffre correspond au nombre d'heures hebdomadaires d'enseignement divisé par le nombre d'élèves. "Plus il est élevé, plus l'encadrement des élèves et les conditions d'enseignement sont favorables", précise Le Monde, qui n'a pu consulter que les données des établissements de la capitale. Dans le détail, le lycée Stanislas, où sont scolarisés les enfants de la ministre de l'Education nationale, bénéficie ainsi d'une dotation horaire par élève de 1,14 ; et l'école alsacienne, fréquentée par le Premier ministre Gabriel Attal durant sa jeunesse, d'une dotation horaire par élève de 1,24. Le nombre moyen d'élèves par classe est également plus bas dans les lycées privés parisiens, rapporte Le Monde. Les élèves étaient ainsi en moyenne 29,7 par classe dans ces établissements privés, contre 34,2 dans le public. 

Enfin, selon la Cour des comptes, le contrôle des attributions publiques attribuées aux lycées parisiens privés sous contrat avec l'Etat pose question. Les règles de contrôle financier de ces établissements "ne sont ni connues, ni a fortiori appliquées par les différentes parties prenantes (...) Cette inapplication des textes n'est pas admissible et doit être corrigée dans les plus brefs délais", conclut la juridiction financière.

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