Des révélations de Mediapart aux accusations de "mensonge", on vous résume la polémique qui touche la ministre de l'Education nationale, Amélie Oudéa-Castéra

Article rédigé par Thibaud Le Meneec - avec AFP
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Publié Mis à jour
Temps de lecture : 9min
La ministre de l'Education nationale et des Sports, Amélie Oudéa-Castéra, visite le village olympique et paralympique à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), le 15 janvier 2024. (JEANNE ACCORSINI/SIPA)
La ministre a demandé, lundi, de "clore" le "chapitre des attaques personnelles", alors que sa défense est fragilisée par le témoignage de l'ancienne enseignante de son fils aîné dans le public.

A peine nommée ministre de l'Education nationale, Amélie Oudéa-Castéra est vivement critiquée, depuis le vendredi 12 janvier, pour sa décision de transférer ses enfants d'un établissement public vers le privé.

Après des révélations de Mediapart, la membre du gouvernement de Gabriel Attal s'est justifiée en dénonçant "les paquets d'heures qui n'étaient pas sérieusement remplacées" dans une école publique du 6e arrondissement de Paris. L'opposition et les syndicats d'enseignants n'ont pas tardé à fustiger ces déclarations. Franceinfo revient sur la première polémique qui touche le nouveau gouvernement.

1 Mediapart révèle qu'Amélie Oudéa-Castéra a transféré ses enfants du public au privé, à Paris

Le site d'information a révélé, vendredi, que l'ancienne joueuse professionnelle de tennis, entrée au gouvernement en 2022, a scolarisé ses trois enfants au collège-lycée Stanislas, dans le très cossu 6e arrondissement de Paris, après avoir initialement inscrit son aîné à l'école publique Littré, située dans le même quartier. L'établissement privé catholique est visé depuis février 2023 par une enquête administrative à propos d'accusations d'homophobie et de sexisme, qui avaient été évoquées par plusieurs médias, dont Mediapart et L'Express.

2 La ministre justifie sa décision en évoquant sa "frustration" face aux heures non remplacées

Amélie Oudéa-Castéra a répliqué aux révélations de Mediapart pour justifier son choix. Son fils Vincent "a commencé comme sa maman à l'école publique, celle de Littré. Et puis, [il y a eu] la frustration de ses parents". "Mon mari et moi (…) avons vu des paquets d'heures qui n'étaient pas sérieusement remplacées", a justifié la ministre, lors d'une visite dans un collège des Yvelines.

Amélie Oudéa-Castéra défend son choix de mettre ses enfants dans l'établissement privé Stanislas

"On en a eu marre, comme des centaines de milliers de familles", a-t-elle ajouté, évoquant un choix de "proximité". "Depuis, de manière continue, nous nous assurons que nos enfants sont non seulement bien formés, avec de l'exigence dans la maîtrise des savoirs fondamentaux, et qu'ils sont heureux et qu'ils sont épanouis, qu'ils ont des amis (…) qu'ils se sentent en sécurité, en confiance", a poursuivi la ministre, qui a également dénoncé un "procès d'intention" et des "attaques personnelles" après l'article de Mediapart. 

3 Les syndicats d'enseignants et de parents d'élèves expriment leur mécontentement

Les propos de la nouvelle ministre de l'Education nationale ont immédiatement suscité un tollé auprès de la communauté éducative et de ses représentants. "Ce sont des propos provocateurs et scandaleux qui montrent certainement les limites d'une ministre qui, dès sa première sortie, réussit l'exploit de marquer un but contre son camp", a fustigé sur franceinfo Sophie Vénétitay, secrétaire générale du Snes-FSU, principal syndicat du second degré.

Moins véhément, le président du Snalc, autre syndicat du secondaire, a dit "attendre de la ministre qu'elle remédie à la crise d'attractivité qui crée ces semaines, mois, voire années non remplacées. Car désormais, elle a la responsabilité des enfants des autres, et non juste des siens", a déclaré Jean-Rémi Girard auprès du Figaro. "Maintenant qu'elle a dit ça, elle a plutôt intérêt à trouver une solution", a également estimé sur franceinfo Laurent Zameczkowski, porte-parole de la Peep, la Fédération des parents d'élèves de l'enseignement public.

4 L'opposition d'extrême droite et de gauche s'engouffre dans la polémique

Au-delà des syndicats, la contestation a pris un tournant plus politique, avec les récriminations des oppositions. "Sept ans qu'ils sont au pouvoir, sept ans qu'ils n'ont rien fait pour redresser l'école de la République. Et ils s'offusquent aujourd'hui du délabrement de l'enseignement public, comme s'ils n'en étaient pas responsables", s'est ainsi indignée sur X Marine Le Pen, présidente du groupe RN à l'Assemblée nationale.

Le patron du Parti socialiste, Olivier Faure, a jugé sur le même réseau "hallucinants" les propos de la ministre, en les parodiant : "'L'école publique dont je suis désormais la ministre n'était pas assez bien pour mes enfants, alors je les ai scolarisés dans un lycée privé dont les valeurs sont, selon les enquêtes qui y ont été réalisées, loin des valeurs républicaines'"

Le député de La France insoumise Rodrigo Arenas, ancien coprésident de la fédération de parents d'élèves FCPE, a pour sa part dit saisir le recteur de l'académie de Paris "pour vérifier les propos dénigrants de la ministre de l'Education nationale à propos de l'école Littré à Paris".

5 La ministre "regrette" d'avoir pu "blesser certains enseignants"

Amélie Oudéa-Castéra a exprimé, samedi, ses regrets concernant ses déclarations. "Mes propos ont pu blesser certains enseignants de l'enseignement public, ce que je regrette", a-t-elle déclaré, affirmant n'avoir eu "aucunement cette intention". La ministre a promis d'être "toujours" aux côtés de l'école publique et de "ses professeurs" et de poursuivre le "combat" contre les heures non remplacées, notamment en œuvrant à "la revalorisation des carrières".

6 L'ex-institutrice de son fils affirme à "Libération" n'avoir jamais été absente

Libération a publié, dimanche soir, le témoignage de Florence, qui était l'enseignante du fils aîné de la ministre à l'école publique Littré, où il n'est resté que six mois en 2009. "Je me sens personnellement attaquée. Je n'ai pas été absente et, quand bien même cela aurait été le cas, on était toujours remplacé. Il n'y a jamais eu de problème de remplacement à Littré qui est une petite école très cotée", y déclare la professeure, désormais retraitée.

Selon ce témoignage, le changement d'école n'aurait "rien à voir avec des problèmes de remplacements inexistants". Amélie Oudéa-Castéra et son mari ont transféré leur fils vers le privé car l'école Littré avait refusé un passage anticipé de leur fils en moyenne section, jugeant l'élève encore trop jeune, affirme l'ex-enseignante.

7 La ministre maintient sa version, l'opposition l'accuse de "mensonge"

Sollicitée par Libération, Amélie Oudéa-Castéra a dénoncé, dimanche, la teneur du témoignage de l'ex-enseignante, "à côté de la vérité". Maintenant qu'elle et son mari étaient "régulièrement perturbés dans [leur] organisation parce que les cours sautaient", la ministre a obtenu l'appui d'une autre mère d'élèves, dont elle est proche. Celle-ci a expliqué auprès de Libération avoir, elle aussi, transféré ses enfants de Littré vers Stanislas "essentiellement pour cette raison d'absences"

"Les jours passent et les mensonges s'accumulent", a réagi le communiste Fabien Roussel, jugeant qu'"il est temps de démissionner" pour la ministre. "C'est un mensonge qui la disqualifie pour continuer à occuper cette fonction", a appuyé l'insoumis Manuel Bompard.

"Si la ministre a menti, je ne vois pas comment elle peut continuer son action publique", a aussi déclaré le député RN Jean-Philippe Tanguy. La majorité, elle, a peiné à cacher son embarras. "Je ne sais pas si elle a menti, je dis simplement qu'elle a expliqué pourquoi son fils a été scolarisé dans le privé", a affirmé la porte-parole du gouvernement, Prisca Thévenot, lundi matin. La ministre, elle, a appelé à "clore ce chapitre des attaques personnelles et de la vie personnelle".

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