Euro d'athlétisme : médaillé de bronze, le décathlonien Makenson Gletty sort de l'ombre et prend date pour Paris
Une médaille pleine de promesses. Et l'occasion de passer de l'ombre d'un géant à la lumière. Pour sa première cape tricolore sur un championnat en plein air, le décathlonien Makenson Gletty s'est paré de bronze, mardi 11 juin, aux championnats d'Europe de Rome.
Avec un total de 8 606 points, porté par quatre records personnels sur les dix épreuves, il s'est dans le même temps assuré d'être de la fête dans moins de deux mois aux Jeux olympiques de Paris. Enfin au passage, Makenson Gletty s'est payé le luxe de faire mieux que son aîné Kevin Mayer, recordman du monde de la discipline, 5e avec 8476 points.
A Rome, le Français de 25 ans a engrangé de la confiance et peut-être encore un peu plus réalisé qu'il avait sa place parmi le gratin mondial. Avec son nouveau record personnel, Makenson Gletty possède la deuxième performance française de l'histoire, derrière Kevin Mayer, et entre dans le top 40 mondial de tous les temps.
"Je trace mon chemin. C'est satisfaisant parce que je vois que le travail paye. Et surtout, ça fait du bien d'affirmer ce que je vaux et de sortir d'ici sans regret."
Makenson Gletty, médaillé de bronze au décathlonen zone mixte
"Je le savais en forme. Je savais aussi qu'il avait progressé et qu'il pouvait jouer les premiers rôles. Le fait de pouvoir l'exprimer avec un total et une médaille, ce n'est pas encore un aboutissement, mais une concrétisation des progrès et du travail effectués ces six derniers mois", a complété Rudy Bourguignon, son entraîneur depuis un an et demi au Nice Côte d'Azur Athlétisme.
Même les 13"88 claqués seul en piste après avoir pu recourir son 110 mètres haies, car victime d'un haut-parleur défaillant sur la course inaugurale, n'ont pas surpris le coach. "Quand il arrive à se mettre en mode guerrier, il peut soulever des montagnes."
"Un tremplin vers Paris"
A Rome, le décathlonien, né à Haïti et adopté à l'âge de sept ans par un couple de Haut-Savoyards, est arrivé avec l'envie de prendre des repères sans pour autant avoir atteint un pic de forme, réservé pour les Jeux olympiques. "Je vois ces championnats comme un tremplin vers Paris. Si je n'étais pas venu, je serais parti dans le flou aux JO."
Pour sa troisième sélection en équipe de France, Makenson Gletty a confié, avant son entrée en lice, se sentir beaucoup plus à sa place que lors de ses débuts aux Europe en salle à Istanbul en 2023 (sur un heptathlon), qu'il avait terminé à la neuvième place, freiné par un zéro à la perche. "Je découvrais, j’avais un peu plus la pression d’échouer. Là, j’irai à fond. Ça va déjà me mettre à moitié dans l’arène par rapport aux Jeux olympiques."
Un manque de confiance qui est son point faible selon Stéphane Diagana, consultant athlétisme pour France Télévisions. "Il a des qualités physiques extraordinaires et un potentiel assez incroyable qu'il commence à toucher du doigt. Il n'en a pas bien conscience. Il a encore du mal à s'évaluer, à sentir les choses dans ses apprentissages, ça peut le freiner", estime celui qui préside le club où évolue Makenson Gletty. "En même temps, c'est une chance de pouvoir fonctionner comme ça, parce qu'il y a énormément de matière à progrès."
Progression express
Installé au pôle France de Montpellier de 2018 à 2023, où il a côtoyé Kevin Mayer, Makenson Gletty est entré en équipe de France jeunes dès ses 17 ans, mais sans jamais décrocher de breloque au-delà de l'échelle nationale. Avec l'envie de changer d'air, le décathlonien a sollicité Rudy Bourguignon, qui venait alors de prendre la charge d'un groupe dédié aux épreuves combinées au Nice Côte d'Azur Athlétisme.
"On grandit ensemble car je suis un jeune entraîneur. Les premiers mois n'ont pas forcément été évidents parce qu'il est venu avec ses bagages, avec ses façons de faire, de vivre. Moi, j'avais la mienne. On a accordé un peu nos violons. Puis, je pense que dès le premier hiver, les championnats d'Europe en salle en 2023, où il a loupé une médaille de peu, nous ont mis sur les bons rails", retrace le coach.
"On continue à apprendre ensemble, à se régler. Je pense qu'il a encore une belle marge de progression."
Rudy Bourguignon, entraîneur de Makenson Glettyen zone mixte
Depuis son arrivée à Nice, Makenson Gletty a amélioré son record de 450 points. "Le chemin n'a pas été simple et c'est ça qui fait aussi la beauté de la chose", souffle Rudy Bourguignon, qui ne pose pas de chiffre sur le potentiel qu'il voit en son élève. "Il a énormément mûri. Ce n'est plus le même homme. Il a changé. Il est beaucoup plus consciencieux, beaucoup plus rigoureux dans sa façon de faire", salue le coach.
Des points de progression
A peine sorti de son concours, les yeux rivés sur la performance plus que sur la médaille, Makenson Gletty était déjà tourné vers la suite, les points à corriger avant Paris. "Je vais et veux continuer à progresser. Il y a eu des trous. Le javelot, le disque, je perds encore des points sur les adversaires. Ce sont des choses pour Paris à ne pas laisser passer."
Même son de cloche du côté de Stéphane Diagana qui, à l'inverse de l'heptathlon d'Auriana Lazraq-Khlass, ne décrit pas le concours de Makenson Gletty comme un décathlon parfait. "On voit que le poids n'est pas abouti, comme la hauteur. En longueur, on savait qu'il avait le potentiel. C'est prometteur parce qu'il fait un très gros score avec énormément de points de perfectionnement sur l'expression de son niveau. Il y a aussi un chantier sur la perche", détaille l'ancien spécialiste du 400 mètres haies.
Aux côtés de Kevin Mayer, Makenson Gletty a côtoyé le très haut niveau. "Il n'est pas à 100% et il arrive à réaliser les minima. Ça confirme que c'est un grand champion", a lâché, "admiratif", le médaillé. "Si je n'étais pas là, il serait recordman de France le petit. Bravo à lui", a félicité la tête d'affiche de l'athlétisme français.
Une façon pour le benjamin de mesurer le chemin à parcourir. "Il manque du boulot encore, mais j'y arriverai. Kevin est très motivant, inspirant." Une façon aussi de faire grandir l'envie de revivre ces moments. "C'est la première fois que je fais un grand championnat près de lui et ma vision s'élargit. J'ai hâte qu'on se retrouve à Paris et qu'on explose tout en prenant du plaisir."
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