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Ce que révèle le rapport qui accuse la Russie de "dopage d'Etat" (et pourrait entraîner son exclusion des JO)

Commandé par l'Agence mondial anti-dopage, l'enquête détaille comment la Russie s'est organisée pour escamoter des échantillons d'urine positifs.

Article rédigé par Louis Boy
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
La délégation olympique russe lors de la cérémonie d'ouverture des JO d'hiver de Sotchi (Russie), le 7 février 2014. (PHIL NOBLE / REUTERS)

Les révélations sur le dopage des sportifs russes se poursuivent et sont toujours plus accablantes. En novembre 2015, un premier rapport avait pointé la culture du dopage en Russie, conduisant à la suspension de la Fédération russe d'athlétisme (ARAF) par la Fédération internationale d'athlétisme (IAAF), en juin. En mai, l'ancien patron du laboratoire antidopage russe avait parlé et donné lieu à un second rapport commandé par l'Agence mondiale antidopage (AMA).

Rendu public lundi 18 juillet, cette enquête dévoile l'existence d'un "dopage d'Etat", contrôlé par le ministre des Sports russe, et qui dépasse largement l'athlétisme, au point que l'AMA demande l'exclusion de tous les sportifs russes – et plus seulement les athlètes – aux JO de Rio et dans les autres compétitions internationales. Francetv info résume le contenu de ce rapport qui met le feu aux poudres.

Les échantillons positifs étaient échangés

La commission indépendante mandatée par l'AMA, et dirigée par le juriste canadien Richard McLaren, affirme qu'un système visant à escamoter les échantillons lors des contrôles antidopage dans les compétitions organisées en Russie a été mis en place en 2011, après une débâcle aux JO d'hiver de Vancouver. Il a duré jusqu'en août 2015 : une période durant laquelle la Russie a accueilli les JO d'hiver de Sotchi en 2014, mais aussi les Mondiaux d'athlétisme en 2013 et de natation, en 2015.

Le système était "simple mais efficace", explique le rapport. Le laboratoire antidopage de Moscou était contraint de "signaler tout échantillon positif comme négatif. Et l'échantillon positif disparaissait !" Ainsi, lors des Mondiaux d'athlétisme de Moscou en 2013, ces échantillons positifs étaient mis de côté, les bouchons retirés, et l'urine "sale" était remplacée par une urine "propre", avant la transmission des échantillons – comme le veut la procédure – à un autre laboratoire. Une méthode qui correspond à celle décrite au New York Times, en mai, par l'ancien directeur du laboratoire, concernant les JO de Sotchi.

Le ministre russe des Sports était impliqué

"Le personnel du laboratoire de Moscou n'avait pas le choix quant à son implication dans ce système", affirme le rapport, qui place la responsabilité beaucoup plus haut. Selon le document, il s'agit d'un "dopage d'Etat" et le ministère des Sports russe a "contrôlé, dirigé et supervisé les manipulations, avec l'aide active des services secrets russes". Plus que le ministre des Sports, Vitali Moutko, c'est son adjoint – "nommé en 2010, sur décret de Vladimir Poutine" – qui aurait eu un contrôle direct sur les opérations de falsification des échantillons. Moutko serait tout de même intervenu directement dans certains cas, notamment celui d'un footballeur étranger du championnat russe contrôlé positif

Le scandale ne concerne pas que l'athlétisme

Le premier rapport de l'AMA ne concernait que l'athlétisme et ce n'est que dans ces épreuves que les athlètes russes avaient été suspendus en vue des Jeux olympiques. Quant aux révélations de l'ex-responsable du laboratoire antidopage de Moscou, elles ne concernaient que les JO d'hiver de Sotchi.

Le nouveau rapport, qui confirme ces dernières allégations, élargit le champ des accusations au-delà de cette compétition et de l'athlétisme. Il évoque l'escamotage "des échantillons d'urine des sportifs russes de pratiquement tous les sports, avant et après les JO de Sotchi". Le système de falsification fonctionnait notamment lors des Mondiaux de natation et d'escrime organisés en Russie entre 2014 et 2015. Ce tableau réalisé par l'AMA liste le nombre d'échantillons positifs ayant été falsifiés : on constate que joueurs de football ou même de curling ont échappé à des contrôles positifs.

C'est ce qui explique la réaction de l'AMA, qui appelle au limogeage des responsables russes mis en cause, mais aussi à "empêcher la participation des sportifs russes aux compétitions internationales, y compris les JO de Rio, tant que [la Russie] n'aura pas opéré un changement de culture". Lundi soir, le Kremlin a annoncé qu'il suspendrait temporairement les responsables cités dans le rapport. Une sanction qui ne concernera pas le ministre des Sports Vitali Moutko, dont l'AMA réclame le départ, mais qui "n'est pas mentionné dans le rapport comme un exécutant direct" aux yeux du Kremlin. Le rapport évoque pourtant le cas d'un footballeur étranger, dont il se serait occupé personellement, alors qu'il est aussi président de la fédération russe de football.

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