Cinq questions sur l'affaire Clémence Calvin, l'athlète suspendue pour s'être soustraite à un contrôle antidopage
Deux versions s'opposent autour de ce contrôle de la marathonienne française, qui a été de nouveau suspendue à titre provisoire, lundi, par l'Agence française de lutte contre le dopage (AFLD).
L'Agence française de lutte contre le dopage (AFLD) a une nouvelle fois suspendu la marathonienne française Clémence Calvin, lundi 29 avril, a appris franceinfo auprès de la Fédération française d'athlétisme (FFA). L'athlète, soupçonnée d'avoir échappé à un contrôle antidopage, avait déjà été suspendue à titre provisoire au début du mois d'avril, suspension levée par le Conseil d'Etat. Franceinfo revient en cinq questions sur cette affaire qui menace la carrière de la figure de proue du fond tricolore.
1Qu'est-il reproché à Clémence Calvin ?
L'AFLD accuse Clémence Calvin de s'être soustraite à un contrôle antidopage inopiné le 27 mars dernier à Marrakech (Maroc). Elle se trouvait là-bas pour un stage d'entraînement. L'AFLD accuse son mari et entraîneur, Samir Dahmani, également athlète international français (spécialiste du demi-fond), d'obstruction au contrôle. Selon le code mondial antidopage, une soustraction à un contrôle est passible d'une suspension de quatre ans. Samir Dahmani risque lui aussi la même sanction.
Le 10 avril, Clémence Calvin a donc été suspendue à titre provisoire. Elle s'est vue notifier "deux manquements : un manquement à une obligation de géolocalisation, un 'no-show', le 27 mars après 20h. Deuxièmement, elle s'est vue notifier par l'AFLD une suspension à titre provisoire, dans le cadre d'une procédure disciplinaire qui est motivée par une soustraction (...) à un prélèvement d'échantillon", avait précisé son avocat, Arnaud Péricard. Samir Dahmani avait également été suspendu provisoirement, le temps de l'enquête.
L'AFLD reproche également à Clémence Calvin d'avoir changé treize fois de localisation en quinze jours à partir du 27 mars, allant à l'encontre de l'obligation imposée aux athlètes de haut niveau pour être contrôlés.
Mais la suspension provisoire de la marathonienne de 28 ans a été levée par le Conseil d'Etat, le 12 avril, à deux jours du marathon de Paris. La raison ? Elle n'a pas été reçue par l'AFLD auparavant. Le Conseil d'Etat a considéré qu'elle aurait dû être en mesure de s'expliquer devant l'agence "en temps utile", alors que le marathon parisien est "une étape importante de son calendrier sportif".
2Que répond l'athlète ?
La version de la marathonienne est bien différente de celle de l'AFLD. "Le 27 mars, j’ai vécu tout sauf un contrôle antidopage. C'était d'une grande violence, a lancé l'athlète, le 10 avril, lors d'une conférence de presse. Nous étions à Marrakech depuis deux jours avec mon mari. Nous sommes allés récupérer mon fils [âgé de 2 ans] à la garderie. Samir [Dahmani] m'a laissé quelques instants", a-t-elle raconté.
"J'étais dans la rue quand des gens sont arrivés par derrière et m'ont saisi par le bras en me disant 'Police française, où est monsieur Dahmani ?' Sur le coup, je n'ai pas compris, a relaté Clémence Calvin. Nous sommes ensuite allés voir mon mari, et là, une personne m’a frappé violemment le bras. J’ai fait tomber mon enfant sur le sol", a-t-elle ajouté. Et de poursuivre : "J'ai relevé mon fils, et mon mari a commencé à se disputer avec les agents. Ensuite, nous sommes partis pour soigner mon fils. Je n'ai jamais vécu cela. J'ai été attaquée."
La vice-championne d'Europe du marathon à Berlin, en 2018, a porté plainte au Maroc pour "violences et menaces" et précise n'avoir jamais pris la fuite. Son avocat reconnaît qu'"elle n’était pas là où elle devait être le soir du 27 mars après 20 heures, c’est-à-dire chez elle". Une absence justifiée selon l’athlète : elle dit être rentrée vers minuit à son domicile après avoir emmené son fils se faire soigner. De son côté, Mathieu Teora, secrétaire général de l'AFLD, a fermement démenti les "allégations particulièrement graves, dénuées de tout fondement". "Jamais un préleveur de l'AFLD n'use de la force", a-t-il affirmé.
Quant à ses déplacements multiples après le 27 mars, l'athète a expliqué cette volatilité à l'AFP par une saisie des informations "au jour le jour" afin d'éviter des "doublons" dus à un "bug" de la plateforme si la localisation est rentrée par périodes.
3Que s'est-il vraiment passé ?
Difficile de le savoir. Les deux parties campent sur leurs positions. Et la diffusion d'un reportage, dimanche, dans l'émission "Stade 2", sur France 2, a relancé la polémique, sans qu'il soit vraiment possible d'y voir plus clair.
En effet, la chaîne a enquêté à Marrakech et recueilli le témoignage anonyme du gérant de la salle de sport, où l'ALFD assure avoir été conduite par l'athlète. Le gérant affirme avoir bien vu l'athlète et les contrôleurs dans sa salle, alors que Clémence Calvin assure que tout s'est déroulé dans la rue. Le gérant de la salle de sport indique dans le reportage que l'un des contrôleurs s'est bien présenté comme un "policier", comme le dénonce Clémence Calvin. Ce que dément fermement l'AFLD.
"Je réclame depuis déjà de nombreuses semaines que toute la vérité et la lumière soient faites sur les conditions de mon interpellation au Maroc, a répondu Clémence Calvin dans un communiqué diffusé dimanche. J'invite donc les personnes ayant témoigné, encore une fois de façon anonyme, au cours de ce reportage à attester judiciairement des propos qu'ils tiennent dans ce documentaire."
4Pourquoi Clémence Calvin est-elle de nouveau suspendue ?
Grâce à la levée de sa suspension provisoire, Clémence Calvin a été en mesure de courir le marathon de Paris, le 14 avril. Elle a d'ailleurs particulièrement brillé lors la course en battant le record de France, en 2h23'41". Un chrono qui lui a permis de se qualifier, d'ores et déjà, pour les prochains Jeux olympiques de Tokyo, l'an prochain.
L'athlète a ensuite été reçue par la présidente de l'AFLD, Dominique Laurent, le 23 avril. Les conditions étaient alors réunies pour une nouvelle suspension provisoire. Cette mesure, qui n'est pas obligatoire, peut être décidée le temps que le dossier soit instruit, une procédure qui peut nécessiter plusieurs semaines. "Je ne suis pas découragée, mon but c'est vraiment que justice soit faite, a réagi Clémence Calvin, interrogée lundi soir sur RTL. Je regarde droit devant et en toute dignité. J'ai ma conscience pour moi", a-t-elle assuré, dénonçant "un procès médiatique".
5Pourquoi y a-t-il aussi une enquête judiciaire ?
Outre l'enquête de l'AFLD, des investigations sont également menées par la justice française. Le parquet a annoncé, le 12 avril, qu'une enquête préliminaire avait été ouverte à Marseille pour "infractions à la législation sur les produits dopants". Elle a été confiée au pôle santé publique (PSP) du parquet de Marseille.
Cette enquête a été ouverte le 22 mars après un record de France établi sur 5 km, lors du semi-marathon de Paris, le 10 mars. Ce record (16'24") n'a pas été homologué, faute de contrôle antidopage sur l'épreuve. Les jours suivants, Clémence Calvin n'avait pas cherché à se faire contrôler pour valider sa performance, alimentant les soupçons.
Les investigations de la justice, distinctes de l'enquête administrative de l'AFLD, sont menées par les gendarmes de l'Office central de lutte contre les atteintes à l'environnement et à la santé publique (Oclaesp). Le 13 avril, le domicile de Clémence Calvin a été perquisitionné, à Martigues, sans qu'"aucun produit dopant" n'ait été retrouvé. Selon L'Equipe (article abonnés), les gendarmes ont cependant découvert, et saisi, d'importantes quantités de comprimés de vitamine C et de fer. Des substances évidemment autorisées, mais qui peuvent servir à masquer la présence de produits dopants comme l'EPO dans l'organisme. Le quotidien sportif rapporte également que les gendarmes ont trouvé chez l'athlète des ordonnances médicales vierges "prêtes à l'emploi".
L'avocat de Clémence Calvin a assuré au journal ne pas avoir été informé des "éléments découverts au domicile" de sa cliente. "Ces éléments n'ont pas été portés à ma connaissance. Je m'en tiens aux déclarations faites, à l'époque, par le procureur de la République de Marseille."
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