Pourquoi les marques sont si nombreuses à investir dans la course à pied

Orange, Schneider Electric… Des entreprises qui, de prime abord, n’ont rien à voir avec la course à pied, ni avec le sport, investissent massivement dans ce domaine.
Article rédigé par Sasha Beckermann
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 5 min
Des coureurs lors du marathon de Paris, le 7 avril 2024. (VICTORIA VALDIVIA / AFP)

Ils étaient plus de 35 000 à sillonner les rues de Paris et de Versailles lors du Marathon pour tous et des 10 km pour tous, organisés le samedi 10 août, pendant les Jeux olympiques. Le nombre de pratiquants de la course à pied et de participants à des courses n'a cessé d'augmenter ces dernières années. Rien que sur le marathon de Paris, ils étaient environ 40 000 finishers à avoir passé la ligne d'arrivée en 2015 et plus de 54 000 sur l'édition 2024. Ils sont 30 000 inscrits, dimanche 13 octobre, pour participer aux 20 km de Paris. Un engouement qui a poussé des marques éloignées de cet univers comme Orange, Schneider Electric, Vredestein, ou encore la MAIF, à sponsoriser et à investir dans des événements liés à ce sport.

L'engagement de certaines marques dans le running n'est pas nouveau. Schneider Electric, spécialisée dans la gestion de l'énergie, l'électrification et les technologies innovantes, est partenaire du marathon de Paris depuis 2013 et le sera au moins jusqu'en 2029. "C'est un engagement qui n'allait pas de soi, puisque nous vendons essentiellement à des professionnels, reconnaît Olivier Collignon, directeur du sponsoring chez Schneider Electric. Nos produits sont cachés dans les infrastructures."

C'est le tournant pris par la marque au début des années 2010, quand elle s'est lancée dans du matériel à vendre à des particuliers (interrupteurs, prises ou chauffage connectés) qui l'a poussée à faire du sponsoring sportif. "Il fallait qu'on gagne en visibilité", affirme Olivier Collignon. La marque se tourne alors vers la course à pied. "On s'y est intéressés pour son côté inclusif. En fonction de la distance, c'est assez accessible à tout le monde", détaille Olivier Collignon.

Presque la moitié des pratiquants sont des femmes

"Le contexte sportif, c'est que la course à pied est en plein boum depuis cinq, six ans, et ce qui retient l'attention des marques, c'est la parité hommes-femmes, analyse Gary Tribou, professeur de marketing du sport à l'université de Strasbourg. Ça leur plaît bien d'avoir une pratique non discriminante." Selon la dernière étude de l'Observatoire du running présentée par l'Union Sport & Cycle, en avril 2024, 12,4 millions de Français pratiquent le running et 49% d'entre eux, soit environ 6,1 millions, sont des femmes.

Qu'est-ce que ces marques gagnent à être visibles sur des événements sportifs avec lesquels, de prime abord, elles n'ont pas de lien particulier ? "C'est un gain d'image. Ce qu'on appelle dans le sponsoring un élan affectif, analyse Gary Tribou. On passe d'une image de marque assez froide à une marque qui est un peu plus humaine, humanisée." L'objectif est aussi de s'associer à des messages "positifs". "La motivation de performance dans la course à pied est complètement reléguée au second plan. On parle plutôt de santé, de bien-être physique et mental", ajoute-t-il.

Olivier Collignon confirme que le gain en chiffre d'affaires est minime, voire nul. Schneider Electric est présente trois jours lors du salon Run experience, qui se déroule avant le marathon de Paris, mais ne remporte pas autant de succès que les marques spécialisées. "Force est de constater depuis douze ans que les visiteurs au salon n'ont pas beaucoup d'intérêt pour nos produits pour la maison. Ils sont focalisés sur les baskets, les chaussettes et la montre connectée", concède-t-il.

Le cas particulier d'Orange

Orange, habituée du sponsoring sportif (le naming du stade Vélodrome à Marseille, par exemple), a développé une forme de partenariat qui va encore plus loin. La marque de télécommunications est devenue sponsor numéro un du Marathon pour tous et des 10 km pour tous des Jeux de Paris, contre plusieurs dizaines de millions d'euros. "On se disait : 'C'est cool, on va être partenaire d'un événement olympique'. Par contre, pour projeter les gens, ça restait compliqué à vendre en interne, comme c'était dans quatre ans", se rappelle Claude-Henri Duriez, responsable sponsoring d'Orange.

La Team Orange running est donc fondée en 2020 avec en ligne de mire cette échéance. L'idée pour la marque a été d'amener des milliers de coureurs vers cet événement grâce à un plan de communication conséquent, autour de plus de 280 influenceurs et de figures connues (le présentateur Hervé Mathoux, l'ex-miss France Marine Lorphelin...), mais aussi des animations, des jeux-concours et une forte présence sur les réseaux sociaux et lors des courses qui ont précédé les Jeux. "On peut tous faire partie de cette communauté. Chacun peut se comparer à son propre profil, chacun peut se comparer à son propre personnage et donc se projeter dans ce marathon. Pour moi c'était vraiment l'humain avant tout", détaille Claude-Henri Duriez.

"Les coureurs à pied sentent qu'ils font réellement partie de cette communauté. C'est-à-dire qu'il y a quand même une réalité derrière tout ça. Ce n'est pas juste un coup de communication."

Gary Tribou, professeur de marketing du sport à l’université de Strasbourg

à franceinfo: sport

En s'intéressant à la distance reine et en permettant à tout le monde d'y participer – les dossards pour le Marathon pour tous étaient distribués via des jeux-concours ou des défis sportifs à réaliser – la marque a voulu mettre l'accent sur l'accessibilité de la course à pied. "Le marathon était réservé à une certaine élite. Et c'est là où Orange a bien joué le jeu, le chronomètre n'avait aucune importance. Orange a permis de montrer que tout le monde pouvait courir un marathon. On est toujours dans cette démarche de dire que tout le monde mérite finalement, c'est un peu le 'Just do it' de Nike finalement", décrit Gary Tribou.

Tout comme pour Schneider Electric, la plus-value de cette Team Orange running sur le chiffre d'affaires ne s'est pas encore fait sentir, et ce ne sera peut-être jamais le cas. Mais Claude-Henri Duriez se félicite d'être parvenu à créer une communauté, réunie autour de la couleur et de la marque. "C'est un gain d'image énorme. Tout le monde est fier de porter son tee-shirt de la team. Il y a ce sentiment de se dire : 'On l'a tous fait' et ils portent une marque sans le vouloir finalement. Donc l'impact, je trouve qu'il est énorme en termes de notoriété et d'amour pour la marque." Reste à savoir comment cette initiative peut s'inscrire dans la durée et survivre aux Jeux de Paris.

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