NBA : les très mauvais résultats des San Antonio Spurs sont-ils inquiétants pour la carrière de Victor Wembanyama ?

Le Français livre un début de saison satisfaisant individuellement, mais dans le marasme collectif de son équipe, les San Antonio Spurs, une des deux pires équipes de la ligue.
Article rédigé par Loris Belin, franceinfo: sport
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Victor Wembanyama lors du match des San Antonio Spurs contre les Portland Trail Blazers, le 28 décembre 2023 (STEPH CHAMBERS / AFP)

Victor Wembanyama savait où il mettait les pieds en arrivant en NBA, mais ne s'attendait sans doute pas à ce que le bilan de son équipe soit si décevant au tiers de la saison régulière. Les San Antonio Spurs, franchise mythique et respectée mais en pleine reconstruction sportive, affichent un bilan de 5 petites victoires pour 27 défaites. En trois mois avec San Antonio, l'intérieur a déjà perdu plus de matchs auquel il a pris part que sur ses trois ans de carrière en France (22 défaites). Son apprentissage du basket outre-Atlantique se fait à la (très) dure. 

La réalité des chiffres est froide, glaciale même pour les Spurs. Avec cinq victoires en 32 matchs, ils pointent tout en bas de la Conférence Ouest, avec les seuls Detroit Pistons derrière, comme bonnet d'âne de la ligue. "Ces mauvais résultats sont très surprenants, estime George Eddy, journaliste et commentateur de la NBA pour Canal+ depuis plus de 30 ans . Les Spurs ont dû croire qu'avoir Victor suffirait pour gagner plus de matchs que l'année dernière, déjà terminée à la dernière place de leur conférence. Ils ont exactement la même équipe qui était trop faible, et même en ajoutant Victor qui fait individuellement une superbe saison, ils gagnent moins. C'est une catastrophe !"

Si la franchise texane ne se présentait pas comme un candidat au haut de tableau, les voir avec un bilan aussi négatif fait lever quelques sourcils. Car dans le même temps, Victor Wembanyama ne démérite pas. Si sa première partie d'exercice reste perfectible, son apport est indéniable. Avec près de 19 points et plus de 10 rebonds en moyenne, le Français fait partie du groupe fermé des 13 joueurs tournant cette saison en double-double (plus de dix unités dans deux catégories statistiques). Et avec 3,1 contres par match, il s'est imposé comme le meilleur contreur de la NBA, dès sa première saison à 19 ans. Une précocité rare, accompagnée de quelques prestations de très haute volée. Mais celles-ci restent insuffisantes pour faire décoller son équipe au classement.

Pour Wembanyama, cette spirale, en particulier les 18 défaites de rang concédées par les Spurs, aurait pu peser lourd. "On adore tous ce sentiment, on va bosser comme des fous pour revivre ça, C’est ce à quoi je suis accro, ce que j’aime le plus et ce pour quoi je vis", s'était-il extasié après avoir retrouvé la victoire contre les Los Angeles Lakers le 16 décembre dernier. "Victor risque d'en avoir marre de perdre, abonde George Eddy. Enchaîner les défaites, même s'il fait de bonnes statistiques individuellement, ça joue sur les chiffres, l'adresse de Victor est très faible. Cela va commencer à user son moral de perdre autant."

Entre satisfaction et frustration

Sébastien Morin ne peut qu'acquiescer. Il a connu pareille situation en tant que préparateur physique aux côtés de Kevin Séraphin, ancien joueur français lui aussi passé par la NBA dans les années 2010, notamment au sein des Washington Wizards, autre formation alors dans les tréfonds des classements. "Cela génère de la frustration parce que ce sont des compétiteurs. Et qui dit top niveau, dit top compétiteurs. Là où la NBA est dure, c'est d'être capable de dire au joueur d'être concentré sur lui, sur ce qu'il doit amener sur et en dehors du terrain, tout en s'éloignant du résultat. Il ne faut pas que les résultats aient un impact sur tes routines quotidiennes, ta rigueur ou ton travail."

De quoi susciter au mieux l'interrogation, voire du doute, alors que la saison n'en est qu'à un peu plus de son tiers ? "Non, Victor est un garçon intelligent, il a un bon discours, positif, même avec toutes ces défaites, balaie George Eddy. Il sait qu'il faut en baver avant de commencer à gagner des matchs. Michael Jordan a mis sept ans avant d'être champion, Victor peut très bien connaître le même genre de parcours." Les Spurs voient en leur effectif, et surtout en leur trésor Wembanyama, un projet à moyen terme, bien aidé par le fonctionnement de la NBA.

"On n'a pas cette culture de ligue fermée en Europe, et ça change tout. À l'heure actuelle, les Spurs n'ont aucun intérêt à gagner. Cela peut être compliqué à comprendre pour un public habitué à voir des championnats avec des montées et des descentes."

Sébastien Morin, préparateur physique

à franceinfo: sport

Les franchises les moins bien classées obtiennent ainsi une priorité lors de la draft (loterie de sélection des meilleurs espoirs de la planète) suivante pour se renforcer. Comme les Spurs en ont bénéficié avec Wembanyama il y a quelques mois. "Parfois, les franchises préfèreront perdre, mais mettre en valeur des joueurs pour les faire gagner en compétence, ou les transférer plus tard contre des talents plus expérimentés. Et on se dira peut-être dans quelques années que c'est du génie." George Eddy n'est "pas du tout d'accord" avec cette stratégie. "Les Spurs disent vouloir faire progresser leurs jeunes, viser le moyen terme, mais ils sont trop frileux !"

Les deux observateurs se rejoignent sur un point : ces Spurs devront changer pour retrouver le chemin de la victoire. "Ils hésitent à dépenser pour faire venir des joueurs d'expérience et se renforcer autour de Victor, notamment un meneur de jeu qui manque dramatiquement à cette équipe", estime George Eddy, qui cite pour exemple les Houston Rockets, cancres de l'Ouest avec les Spurs il y a quelques mois et remontés en milieu de tableau après avoir signé plusieurs vétérans l'été dernier. "Ces joueurs apportent le sérieux, les routines de travail, l'expérience dans l'approche et l'environnement des matchs, car ce n'est pas que du basket… Aucune équipe ne gagne sans vétérans confirmés", insiste Sébastien Morin.

De la patience, encore de la patience, telles sont les vertus nécessaires autour du cas Victor Wembanyama. "Si les Spurs ne font rien avant le 8 février, date limite des transferts, je serais très déçu, et je perdrais un peu ma foi dans cette franchise pour bien entourer Victor", prévient George Eddy.

"C'est compliqué pour Victor parce qu'il ne peut pas exprimer son plein potentiel… Mais c'est incroyable de voir ce qu'il fait et de se dire qu'il n'est pas à son maximum !, envisage pour sa part Sébastien Morin. Quand il va y avoir un collectif et les bons joueurs autour de lui, le basket va devenir beaucoup plus facile. Toutes les défenses sont concentrées sur lui aujourd'hui, cela lui apprend à gérer pas mal de choses. Le jour où il aura un très bon tireur autour de lui, il ne pourra plus être pris par plusieurs joueurs parce que les défenses se feront sanctionner. Quand il aura un autre joueur fort au rebond à côté de lui pour récupérer ses tirs manqués, il pourra davantage se concentrer à maximiser ses qualités. Et ça va être impressionnant. On a la chance d'avoir un gamin de 19 ans qui est un bijou national !" Un bijou qui va devoir se contenter un temps de patauger sans perdre de son éclat.

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