: Reportage Paris-Roubaix 2023 : dans la course parallèle des ravitos, assistants indispensables dans l’Enfer du Nord
Le maillot de l'équipe TotalEnergies sur le dos, une casquette verte pour un bidon d'eau avec du bicarbonate, une bleue pour le mélange avec de la poudre énergétique, des roues de secours à portée de mains. Victor Duhamel, kiné, et Antoine Durand, responsable logistique de TotalEnergies, sont deux assistants chargés du ravitaillement sur l’Enfer du Nord. Surnommés "ravitos", ils ont joué un rôle de premier plan sur Paris-Roubaix, dimanche 9 avril, tant la reine des classiques est aussi celle des crevaisons. En alignant sept véhicules d'assistance, la formation française a tenté de couvrir l'intégralité des secteurs pavés pour venir en aide à ses coureurs. C'est deux fois plus que sur une autre course.
Sur Paris-Roubaix, les crevaisons décident du scénario de course, et ce n’est pas Wout van Aert, qui en a fait les frais dimanche, qui dira le contraire. Alors pour parer à l’éventualité d’une roue à plat, et afin de dépanner le plus rapidement possible ses coureurs, chaque formation élabore des stratégies de ravitaillements. En plus des habituels bidons et musettes, les "ravitos", en bord de route, emmènent des roues de secours, et se postent à chaque sortie de secteurs pavés.
"Leur rôle est beaucoup plus important sur cette course. Il y a beaucoup de chutes et de crevaisons. En plus, c’est une course linéaire, où il est difficile de couper par des itinéraires bis, contrairement au Tour des Flandres qui se dispute sur un circuit autour d’Oudenaarde", explique Dominique Arnould, directeur sportif. Il a organisé leur répartition pour que chaque secteur pavé soit couvert. "Avec l’enchaînement des secteurs tous les cinq kilomètres, les coureurs ne peuvent pas venir chercher les bidons à la voiture, sinon ils ne reverront jamais la tête de la course. Et puis parfois, les bidons sautent des vélos à cause des secousses", poursuit-il.
Chaque équipage s’est donc vu attribuer une couleur et différents secteurs, ainsi que des bidons, des gels énergétiques et des roues. "La course est très longue, six heures, donc il ne faut pas avoir de fringale. Le directeur sportif nous dit dans l’oreillette qui se trouve où, et avec quoi", raconte le coureur Dries van Gestel.
Double casquette pour les ravitos
Retour avec Antoine Durand et Victor Duhamel, dans le véhicule d’assistance responsable des ravitaillements en rouge sur la carte, en charge du premier ravitaillement, au kilomètre 54. "Les coureurs auront déjà vidé un ou deux bidons à ce moment-là", estiment-ils. Pas de temps à perdre, la voiture prend le départ de Compiègne à 10h30, soit 40 minutes avant les coureurs, pour être sur place à temps. Comme tous les membres du staff, quelle que soit leur fonction, Antoine et Victor sont prêts à donner un coup de main en course. "On sort de notre rôle habituel, mais on est tous des passionnés de vélos, donc on sait changer une roue, affirment-ils. Notre objectif, c’est que le coureur soit concentré sur la course, qu’il ne se pose pas de questions. Il sait qu’il y aura toujours quelqu’un à la fin des secteurs".
Les deux hommes sont aux premières loges pour juger de l'état de forme de leurs coureurs : "S’ils sont encore assez lucides pour reconnaître les couleurs des casquettes, ils savent ce qu’ils prennent dans le bidon", explique Antoine Durand. Sur le premier ravitaillement, seul Anthony Turgis prend un bidon tendu par le responsable logistique. Une compétition s’installe alors entre les deux collègues : "Ça fait un 1-0 pour moi", plaisante Antoine.
Le duo remonte en voiture, direction le secteur pavé 24, de Verchain-Maugré à Quérénaing. Il est alors 12h30, "mais dans une heure il sera 17 heures !", assure Victor, pour mieux faire comprendre que la journée va défiler très rapidement. Le deuxième point de ravitaillement se situe à 55 minutes en voiture, par des itinéraires alternatifs, après 1h50 de course pour les coureurs. Un laps de temps qui peut paraître suffisant, mais les deux collègues se méfient des routes fermées et de la difficulté à se garer, d’autant que le rythme du peloton est élevé et que les coureurs, vent dans le dos, ont de l’avance sur les temps de passage prévus. Finalement arrivés à l’heure, ils en profitent pour préparer des bidons… mais tous ne serviront pas, puisqu’ils apprennent entre temps les abandons de Peter Sagan, Daniel Oss et Maciej Bodnar.
Dépannage express à Arenberg
Une fois le peloton passé, ils reprennent la route direction le secteur suivant, et pas des moindres : la trouée d’Arenberg. Le timing est cette fois plus serré : 22 minutes de route, pendant que les coureurs ont 30 kilomètres à parcourir. Sur l'itinéraire, les limites de vitesse ne sont pas tout à fait respectées, et cela vaut pour toutes les autres véhicules d’équipes croisés, qui empruntent le même trajet. La voiture garée, les deux assistants rejoignent la sortie de la trouée au pas de course, pour se placer idéalement parmi la longue file de "ravitos", qui ont tous prévu des paires de roue. "Sur les courses, on a toujours des roues neuves à l’arrière de la voiture, mais on ne les sort sur le bord de la route que sur les classiques flandriennes et Paris-Roubaix", affirme Antoine Durand.
A la sortie d’Arenberg, le malheureux Christophe Laporte (Jumbo-Visma) est le premier à être dépanné après une crevaison dans ce secteur mythique. Puis quelques minutes plus tard, Antoine aperçoit Geoffrey Soupe avec le pneu arrière à plat. Le responsable logistique se dépêche d’intervenir pour que le coureur puisse repartir au plus vite. "Il a dû crever au début de la trouée, il est bien retardé", déplore-t-il. Mais pas de temps pour les regrets : un dernier secteur pavé les attend, celui de Mons-en-Pévèle, classé cinq étoiles. Direction la voiture au pas de course, au milieu de nombreux spectateurs.
Sur la route, un premier problème vient faire dérailler l’organisation impeccable de l’équipage, qui avait raison de se méfier des routes barrées. La sortie d’autoroute qu’il devait emprunter est fermée, et le contraint à un détour de 30 minutes. Un autre équipage a manqué son rendez-vous, donc la présence d’Antoine et de Victor à Mons-en-Pévèle est importante. Ils y arriveront à temps pour observer la bataille dans le premier groupe composé de Mathieu van der Poel et Wout van Aert, puis pour ravitailler Geoffrey Soupe, de plus en plus retardé, avec un bidon et un gel. C'est l'heure des comptes, et il est sans appel : "Six bidons distribués comptent pour un point, et un dépannage pour trois points non ? Alors ça fait 9-0 pour moi", ricane Antoine. Visiblement, les coureurs ont préféré les boissons énergétiques au bicarbonate.
Une dernière course attend les deux collègues : celle pour arriver à Roubaix à temps et assister au passage de la ligne du vainqueur. Après avoir réussi tous leurs ravitaillements, cet objectif est manqué pour dix minutes, et ils suivront la victoire de Mathieu van der Poel à la radio et sur les smartphones. Au terme d’une journée compliquée pour l’équipe, le premier coureur de TotalEnergies, Dries van Gestel, se classe, lui, 18e.
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