ENTRETIEN. Mondiaux sur piste 2022 : François Pervis s'attend à "pas mal de médailles" pour l'équipe de France
L'ancien pistard, septuple champion du monde et désormais consultant pour francetv: sport, livre ses impressions sur les Championnats du monde, qui ont débuté mercredi à Saint-Quentin-en-Yvelines.
Les Championnats du monde sur piste se déroulent du 12 au 16 octobre prochains au vélodrome de Saint-Quentin-en-Yvelines, qui accueillera également les épreuves sur piste lors des JO de Paris en 2024. Placés à la suite de ceux de Roubaix en 2021 (délocalisés du Turkménistan en raison du Covid-19), ils font office de répétition générale, à moins de deux ans des Jeux, mais pas seulement. Revenue parmi les meilleures nations mondiales, la France s'avance avec des ambitions de titres. L'occasion pour le consultant de France Télévisions, François Pervis, septuple champion du monde, de jauger la situation de la piste française.
>>Les Mondiaux sur piste à suivre en direct sur france.tv<<
Comment jugez-vous l'équipe de France à l'aube de ces Mondiaux sur piste à domicile ?
François Pervis : L'équipe de France est rarement passée à côté d'un objectif. On peut estimer qu'à domicile, elle est bien préparée. On l'a quittée aux championnats d'Europe de Munich en août avec un bon nombre de médailles (15), de très belles prestations, que ce soit en endurance ou en sprint, et surtout chez les hommes, comme chez les femmes. On peut s'attendre à une belle prestation des Français.
Avec qui peut-elle viser des titres mondiaux ?
En keirin, Sébastien Vigier, qui vient d'être champion d'Europe, peut aller chercher le titre. Melvin Landerneau, lui aussi récent champion d'Europe, peut aussi le faire sur le kilomètre. En scratch également : Donavan Grondin a été champion du monde en 2021 et a bien progressé avec une année supplémentaire chez les pros. Pourquoi pas l'omnium féminin avec Clara Copponi, qui a terminé vice-championne du monde, mais également la paire de l'américaine féminine avec Marion Borras. Je ne pense pas qu'on revienne bredouille, sans titre de champion du monde.
L'équipe de France ne semble pas se reposer sur une ou deux individualités pour glaner des médailles…
C'est ça qui est bien : l'équipe de France a bien progressé à tous les niveaux. Elle ne pèche plus dans une épreuve comme dans le passé. Que ce soit en endurance ou en sprint, et ce dans toutes les épreuves, il y a de quoi aller chercher une médaille. Je pense que la France va gagner pas mal de médailles dans cette édition.
La piste française revient en force, quels changements ont été apportés en ce sens ?
La période entre Rio 2016 et Tokyo 2021 a été absolument catastrophique du côté sprint, et je l'ai vécue. L'entraîneure du sprint de l'époque (Clara Sanchez), qui avait des pratiques peu professionnelles, a été virée à quelques mois des JO de Tokyo. Cela a été un frein pour les sprinteurs, car ils ont perdu du temps voire régressé pendant cette période. Ils reviennent bien car ils ont retrouvé la sérénité à l'entraînement, avec leur nouvel entraîneur, Grégory Baugé. Côté endurance, Steven Henry fait du très bon travail depuis plusieurs années. Eux, sont opérationnels depuis plus longtemps que les sprinteurs. Aujourd'hui ça se rattrape, il y a une super belle émulation.
Vous aviez remporté deux titres mondiaux à Saint-Quentin en 2015, l'ambiance transcende-t-elle les Tricolores ?
Etre dans la peau d'un coureur, du staff, lors des championnats du monde en France, c'est vraiment extraordinaire. J'en ai des frissons rien qu'à le dire… Ça va leur faire pousser des ailes et tout le monde va se sublimer. Evoluer à domicile, ça joue évidemment sur la détermination absolue.
C'est une expérience indispensable pour être prêt pour les épreuves ici en 2024 ?
C'est un très bon moyen de se mettre dans l'atmosphère du vélodrome, car il a une spécificité, il fait un mètre de plus de large que partout ailleurs au monde. Ils vont vivre déjà une ambiance similaire aux Jeux. Là aussi, ça va être la folie ! Ça crée également beaucoup de stress. Il faut savoir gérer les émotions. Quand il y a 6 000 personnes qui scandent ton nom, ça peut te faire passer totalement au travers de ton épreuve. Ça va être un très bon entraînement pour nos Français.
Pouvez-vous nous expliquer la spécificité de la piste de Saint-Quentin ?
C'est plus large. Sur une piste de 250 mètres, la ligne de mensuration est la noire, juste avant la grande partie bleue, la "Cote d'Azur", collée au centre. À partir de cette ligne, la largeur traditionnelle est de sept mètres. Ici, ca fait 8,30 m jusqu'à la balustrade. La piste est extrêmement rapide car on se lance de la balustrade avec un mètre de plus. Ça ne parait pas beaucoup, mais ça fait gagner quelques centièmes voire quelques dixièmes de seconde. Il faut aussi adapter le braquet, ajouter une dent de plus sur le plateau devant. C'est ce qui permet de faire des supers chronos ici.
À quel point est-ce un avantage pour les Français ?
C'est très important. Comme elle est unique au monde, ils savent tout de suite quel braquet il faut mettre. Un étranger va tâtonner, ça peut le mettre en doute. Et dans la tête d'un coureur, mettre un plus gros braquet, ce n'est pas habituel car chacun a son braquet fétiche sur sa discipline. Psychologiquement, ça peut faire douter.
Quels sont les axes de progression pour les équipes de France en vue de Paris 2024 ?
C'est compliqué à dire car je ne suis plus dans le groupe d'entraînement. En termes de préparation physique, je pense qu'on a encore de gros efforts à faire. Quand je vois ce que poussent les étrangers en musculation, on peut faire mieux. On compense sur le vélo, on arrive à aller aussi vite qu'eux, mais je pense qu'on pourrait faire différemment sur la préparation physique. Quand je vois que les étrangers font de l'épaulé-jeté ou de l'arraché (décrocher la barre du sol pour la placer au dessus de sa tête) de 250 kg, c'est autre chose. Et sur le vélo, ça se ressent : les Australiens et les Néerlandais sont très solides en musculation, et donc sur le vélo.
Il y a aussi tout ce qui est autour de l'athlète : la préparation mentale, la micronutrition, et l'approche de la compétition. On arrive une semaine avant à l'hôtel, où on ne s'entraîne quasiment plus, avec seulement quelques sprints par jours pour retrouver de la fraîcheur. On passe 80% du temps dans sa chambre. Et tu peux perdre ta compétition dès ta chambre d'hôtel car tu tournes en rond, tu psychotes. Il faudrait que le coureur sache quoi penser et gérer ses émotions, comme ses pensées négatives. Et ça, ça s'apprend. Il y a plein de petites choses qui peuvent être améliorées. Le coureur est encore trop livré à lui-même.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.