Un an après ses aveux, Armstrong poursuit son opération rédemption
Le 17 janvier 2013, l'ex-star du Tour de France reconnaissait, à la télévision américaine, avoir fait usage de substances dopantes. Depuis, il ne court plus, il a perdu ses sponsors et redoute un procès, mais il tente de redorer son image.
"Yes." Un mot qui fait encore parler un an plus tard. Le 17 janvier 2013, Lance Armstrong reconnaît s'être dopé dans l'émission d'Oprah Winfrey, diffusée sur les plus grandes chaînes américaines. L'ex-star du vélo, déchu de ses sept Tours de France quelques semaines plus tôt, n'entre pas dans les détails. Depuis, il échafaude une stratégie de rédemption pour revenir dans le cœur des Américains, voir sa suspension réduite et tenter, peut-être, d'échapper à la justice. Même s'il jure la main sur le cœur qu'"il n'y a pas de grand plan". Et pourtant, ça y ressemble, non ?
Se réconcilier avec ses anciens ennemis
Son ancien équipier Floyd Landis le décrivait comme un "badass on a bike" (une teigne sur un vélo). Et c'est en tant que parrain (au sens mafieux du terme) du peloton qu'il s'est fait de solides ennemis. A commencer par ceux qu'il a bannis du Tour de France : le coureur français Christophe Bassons, coupable d'avoir dénoncé le dopage dans le milieu du cyclisme, le cycliste italien Filippo Simeoni, qui a affirmé qu'Armstrong avait un lien avec le sulfureux docteur Ferrari. Quant à la soigneuse Emma O'Reilly, elle est passée du stade de protégée d'Armstrong à celui de moins que rien. Armstrong a rencontré O'Reilly à Londres, en compagnie de journalistes du Daily Mail, puis a demandé pardon à Bassons à Paris, sous l'objectif du Monde et de L'Equipe.
Une rencontre avec Simeoni serait sur les rails pour cette année. Armstrong a également essayé d'organiser un tête-à-tête avec son ex-équipier Tyler Hamilton (qu'il a physiquement menacé, alors qu'Hamilton voulait tout déballer sur le dopage), mais "il n'y a rien de concret". Reste à convaincre aussi Betsy Andreu, femme d'un de ses ex-équipiers, qui n'a pas pardonné. "Peut-être qu'avec certaines personnes, dire que je suis désolé ne sera jamais assez", reconnaît Armstrong dans le Daily Mail.
Dire sa vérité aux médias
Lance Armstrong n'a jamais donné autant d'interviews qu'en 2013 – "il les monnaie pour survivre", persifle Hein Verbruggen, l'ancien patron de l'UCI (Union cycliste internationale), dans La Libre Belgique. Au cours de ses nombreux entretiens, il demeure pourtant très flou sur son usage de produits dopants. S'il reconnaît en avoir pris "comme tout le peloton", s'il estime dans Le Monde qu'il est "impossible de gagner le Tour de France sans dopage", il déclare quand même au site cyclingnews.com (en anglais) que "99 % de ma carrière n’est pas concernée par le dopage." Allez comprendre...
Autre priorité pour Armstrong : faire comprendre qu'il ne survivra pas au méga-procès à 130 millions de dollars qui lui pend au nez. Le sponsor de son équipe, l'US Postal, l'accuse d'avoir détourné des fonds publics alloués à l'équipe pour se doper, son ancien équipier Floyd Landis l'a dénoncé, et le ministère de la Justice américain s'est joint à la plainte. "Je n'ai pas 100 millions de dollars", répète-t-il à longueur d'interview, comme ici à USA Today. Pour preuve, le coureur a vendu sa villa et son jet privé pour payer ses frais d'avocat.
Trouver un deal avec la justice
Fin 2013, l'agence antidopage américaine Usada avait rendu un volumineux rapport de plus de 1 000 pages sur le dopage du coureur texan. Armstrong ne l'a pas lu : "pas même le résumé", avoue-t-il dans une interview à ESPN (en anglais). Mais j'en connais le contenu, entre les articles, les interviews et les procès qu'on m'a intentés." Entre le cycliste et l'agence antidopage, c'est l'incompréhension. L'Usada reproche à Armstrong de ne pas avoir coopéré pour réduire sa suspension à vie de toute compétition. "La porte est fermée", tranche en novembre Travis Tygart, son président, cité par Velonation (en anglais). Le coureur texan reproche à l'institution son acharnement contre lui, et lui seul. "J'étais certes le plus gros connard du plateau, (...) mais j'ai été pointé du doigt." Sa dernière proposition : payer sa dette à la société par des travaux d'intérêt général, en faisant la tournée des collèges pour mettre en garde les jeunes contre le dopage.
Armstrong espère aussi la mise en place d'une commission Vérité et réconciliation, sur le modèle sud-africain, qui permettrait aux dopés de soulager leur conscience contre une amnistie. "Personne ne m'a alpagué dans la rue pour me dire 't'es un tricheur'", affirme-t-il pour se convaincre qu'il n'est pas un paria.
Survivre à quatre films (et un livre) hostiles
Pour un retraité et un banni, Armstrong continue de passionner les foules. Le livre de la journaliste du New York Times Juliet Macur, Cycle of Lies : The Fall of Lance Armstrong, a déjà été acheté par Hollywood... avant même qu'il soit écrit.
Le réalisateur britannique Stephen Frears met la dernière main à son film, tiré d'un autre livre. On y verra notamment Guillaume Canet dans le rôle du docteur Ferrari ou Denis Ménochet en Johan Bruyneel, le directeur sportif historique de l'Américain. Sont aussi sur les rails deux autres projets moins avancés, dont un, Red Blood American, avec au générique Bradley Cooper pour incarner "un des personnages principaux", d'après le site spécialisé Deadline. En attendant, le documentaire The Armstrong Lie (Le mensonge Armstrong, en VF) est sorti sur les écrans anglo-saxons en novembre, mais pas encore en France.
Et pour se détendre entre deux interviews ou deux e-mails d'avocats, Lance Armstrong s'est mis au golf. L'ex-ténor du Tour de France a encore les moyens de se payer des cours prodigués par Chuck Cook, classé dans les cinquante meilleurs profs du pays par Golf Digest. Sur les greens, l'Américain... se comporte comme sur la selle, note dans Le Figaro Jean-Charles Cambon, président de France Pro Gold Tour, qui a joué avec lui dans le Val-d'Oise : "C’est un compétiteur né. Un vrai tueur à gages." Comme quoi, ce redemption tour n'a pas effacé tous les traits de caractère d'Armstrong.
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