L'Agence mondiale antidopage dénonce des propos "potentiellement diffamatoires" dans l'affaire des nageurs chinois contrôlés positifs
L'Agence mondiale antidopage (AMA) a-t-elle fait preuve de négligence, voire pire, a-t-elle couvert un dopage généralisé des nageurs chinois ? Une enquête publiée, samedi 20 avril, par la chaîne allemande ARD et le New York Times critique la gestion par l'AMA de 23 contrôles positifs conjoints de nageurs chinois à la trimétazidine (TMZ) quelques mois avant les Jeux olympiques de Tokyo en 2021. Trois d'entre eux y ont décroché l'or. Quelques heures après cette révélation, l'organisation mondiale s'est défendue, par la voie d'un communiqué, de toute erreur dans son processus.
L'AMA a validé le scénario de contamination de l'agence chinoise
"Comme elle le fait toujours, l'AMA a examiné attentivement la décision et, dans ce cas, a demandé le dossier complet", précise l'Agence qui en a conclu "qu'elle n'était pas en mesure de réfuter la possibilité qu'une contamination soit à l'origine du test positif et qu'elle était compatible avec les données analytiques figurant dans le dossier".
"En effet, le scénario de contamination a été étayé par la combinaison de faibles concentrations de trimétazidine, l'absence de schéma de dopage chez plusieurs athlètes présentant des échantillons multiples prélevés au cours de plusieurs jours et fluctuant entre négatifs et positifs (et vice versa)."
Olivier Rabin, directeur science et médecine de l'AMAdans le communiqué de l'Agence mondiale antidopage
Dans le détail, le régulateur international dit avoir étudié "en profondeur" le scénario de contamination établi par l'Agence antidopage chinoise (Chinada), et l'avoir testé avec des experts scientifiques indépendants. Un scénario qui plaide pour une contamination alimentaire et donc involontaire des 23 athlètes lors de l'épreuve où ils ont été testés positifs. L'enquête menée par la Chinada et les autorités chinoises a révélé des traces de TMZ dans la cuisine de l'hôtel où les nageurs étaient logés (hotte, récipients à épices, siphon). Un scénario jugé crédible par l'AMA qui n'a pas jugé opportun de faire appel de cette décision de blanchir immédiatement les 23 athlètes.
C'est cette décision de ne pas diligenter d'enquête indépendante ou de porter l'affaire devant le Tribunal arbitral du sport (TAS), sans avoir pu se rendre sur place du fait des fortes restrictions sanitaires de l'époque, qui est pointée du doigt dans l'enquête publiée samedi. "Comment ce produit dopant, un puissant médicament pour le cœur délivré sur prescription et disponible uniquement sous forme de pilule, s'est-il répandu sur diverses surfaces et dans divers récipients d'une cuisine où étaient préparés les repas de certains des meilleurs athlètes chinois ?", s'interrogent Tariq Panja et Michael S. Schmidt, auteurs de l'enquête côté américain.
L'AMA ne détaille pas l'origine de la contamination
Un point sur lequel le communiqué de l'AMA ne s'étend pas et qui est pourtant crucial. "Ce qu’il faudrait savoir c’est l’origine de la contamination, je ne connais pas de cas de contamination alimentaire", souligne Michel Audran, professeur en biophysique à l'Université de Montpellier. L'ancien directeur du laboratoire antidopage français se remémore des contaminations à la TMZ dues à la prise de compléments alimentaires, mais jamais à cause d'aliments. Or, une contamination du fait de compléments alimentaires, même involontaire, est souvent synonyme d'une suspension de plusieurs mois pour faute ou négligence.
"Je ne sais pas ce qu’elle a d’extraordinaire cette substance [TMZ], le seul endroit où elle serait réellement efficace, c’est si l’on faisait des compétitions en haute altitude, ce qui n'arrive jamais. On invoque des modifications du métabolisme, mais quand on fait des tests en laboratoire sur des sujets sains, ça ne donne jamais rien. Mais, il est vrai que tester des sujets sains et des athlètes de haut niveau, ce n'est pas exactement la même chose."
Michel Audran, professeur de biophysique à l'Université de Montpellier et ancien directeur du laboratoire antidopage françaisà franceinfo: sport
Alertée par des lanceurs d'alerte anonymes et l'Agence américaine antidopage, l'AMA dit avoir réexaminé chaque élément et n'avoir trouvé aucun élément nouveau qui ne lui permette de changer sa décision. En réponse à certaines accusations, l'organisation dit se réserver le droit de porter plainte. Un documentaire de la chaîne allemande ARD sur ces "China Files", diffusé dimanche 21 avril, pourrait quant à lui apporter de nouvelles informations contre les agences antidopage chinoise et mondiale.
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