Affaire de la sextape de Mathieu Valbuena : ce qu'il faut savoir avant le procès de Karim Benzema et de quatre autres prévenus
A l'occasion du procès qui débute mercredi, le tribunal correctionnel de Versailles doit notamment se prononcer sur les responsabilités de l'attaquant du Real Madrid et de l'équipe de France, qui risque jusqu'à cinq ans de prison.
Le dénouement est proche. Karim Benzema comparaît devant le tribunal correctionnel de Versailles, mercredi 20 octobre, pour "complicité de tentative de chantage" dans la fameuse affaire de la sextape de Mathieu Valbuena. L'attaquant international de 33 ans est soupçonné d'avoir encouragé son ex-coéquipier en équipe de France – qui assistera au procès, selon son avocat – à payer des maîtres-chanteurs qui menaçaient de rendre publique une vidéo intime. Après cette affaire, Karim Benzema, attaquant vedette du Real Madrid, n'avait plus été appelé pour jouer avec les Bleus jusqu'à l'Euro 2021 cet été. Il sera jugé avec quatre autres prévenus. Voici ce qu'il faut savoir du procès qui doit se dérouler jusqu'à vendredi.
Une affaire qui date de plus de six ans
Le 8 juin 2015, le footballeur Mathieu Valbuena, alors sélectionné en équipe de France, porte plainte après un appel anonyme qui le menace de diffuser une vidéo intime. C'est le début de l'affaire dite "de la sextape". L'appel a été passé par Younes Houass, 38 ans, figure dans le milieu du football, cinq jours plus tôt. Aucune contrepartie financière n'est demandée lors de cette première conversation. Mathieu Valbuena avait été prévenu dès mai 2015 de l'existence de cette sextape par un autre footballeur et ancien coéquipier à l'OM, Djibril Cissé, qui lui avait décrit les quelques images qu'il avait pu voir.
Axel Angot, 45 ans, soupçonné de s'être procuré la sextape dans le téléphone du joueur, est mis en examen pour "tentative de chantage" et "abus de confiance". L'homme, qui gravite lui aussi dans le milieu du foot professionnel, avait, en 2014, transféré les données du milieu de terrain pour un changement de téléphone. Mustapha Zouaoui, 37 ans, connu pour vendre des accessoires de luxe dans le milieu du football est lui aussi poursuivi pour "tentative de chantage". Les deux compères sont présentés comme les cerveaux présumés dans ce dossier.
Une conversation au cœur du procès
Karim Benzema va être jugé pour avoir incité Mathieu Valbuena à payer les maîtres-chanteurs. Dans la soirée du 6 octobre 2015, il se rend dans la chambre de son coéquipier au centre d'entraînement de l'équipe de France, à Clairefontaine (Yvelines). Selon l'ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel, consultée par franceinfo, l'international français insiste ce soir-là pour s'entretenir avec Mathieu Valbuena et évoquer la vidéo intime. Il lui dit que c'est "chaud pour sa famille", alors que son coéquipier répond avoir déjà prévenu sa femme de l'existence de la sextape.
Karim Benzema assure qu'il peut le mettre en relation avec quelqu'un "de confiance" qui pourrait l'aider et avance qu'aucune copie de la vidéo ne sera diffusée. L'homme de confiance en question n'est autre qu'un ami d'enfance de l'attaquant du Real Madrid, Karim Zenati, 36 ans, approché par les maîtres-chanteurs présumés, Mustapha Zouaoui et Axel Angot. Karim Zenati est supposé servir d'intermédiaire alors que les négociations entre Mathieu Valbuena et Younes Houass n'avancent pas.
Quelques instants après cette conversation, Karim Benzema appelle Karim Zenati, placé sur écoute, pour lui raconter l'échange et déclare : "Il [Mathieu Valbuena] ne va rien lâcher... Il nous prend pas au sérieux." "Nous, on est là pour l'arranger, s'il veut pas, il se démerde avec les piranhas", commente Karim Zenati durant cet échange, au sujet des maîtres-chanteurs. "Ils vont lui pisser dessus", répond alors Karim Benzema, avant d'ajouter : "Les piranhas, ils vont le manger frérot." Les deux amis déclarent que le footballeur va "se faire jeter des tomates" si la vidéo est finalement rendue publique.
Ce que le tribunal va devoir juger
L'enjeu du procès, qui doit durer trois jours, est notamment de définir la nature de la conversation entre Karim Benzema et Mathieu Valbuena. S'agissait-il d'un conseil amical, comme le défend l'attaquant depuis sa garde à vue et sa mise en examen en novembre 2015 ? "Attention Math, c'est des gros, gros voyous", aurait déclaré l'attaquant français à son coéquipier ce soir du 6 octobre 2015, rapporte l'AFP.
De son côté, Mathieu Valbuena soutient l'idée que son coéquipier a essayé de l'inciter à payer en faisant pression sur lui de façon délictuelle. "Karim sait très bien – même si on n'a jamais parlé d'argent, je pense qu'il est quand même un peu intelligent – qu'à partir du moment où je rencontre cette personne, c'est pas pour des cacahuètes", déclarait-il dans un entretien au Monde fin novembre 2015.
Du côté de la défense, le rôle de "Lukas", commissaire de police sous couverture en charge des négociations entre Mathieu Valbuena et les maîtres-chanteurs, est critiqué. Les avocats de la défense accusent les enquêteurs d'avoir usé de stratagèmes abusifs et réclament la nullité d'une partie de la procédure. Selon eux, l'officier a poussé les protagonistes, en particulier Younes Houass, premier interlocuteur, à réclamer de l'argent à Mathieu Valbuena. Mais la cour d'appel de Paris a estimé en 2018 que les méthodes d'enquête employées étaient conformes et qu'il n'y avait pas eu d'incitation à l'infraction, comme le soutenaient les avocats de la défense. La Cour de cassation a définitivement tranché en décembre 2019 et validé l'enquête, ouvrant la porte à un procès.
Ce que risque Karim Benzema
Lors de ce procès, Karim Benzema, poursuivi pour "complicité de tentative de chantage", risque une peine maximale de cinq ans d'emprisonnement et 75 000 euros d'amende. Les quatre autres prévenus, Axel Angot, Mustapha Zouaoui, Younes Houass et Karim Zenati, sont eux renvoyés devant le tribunal correctionnel pour "tentative de chantage" et encourent la même peine que l'attaquant français. Axel Angot sera également jugé pour "abus de confiance" et risque donc une peine plus lourde.
Quant à Djibril Cissé, un temps mis en examen dans cette affaire (en février 2017 pour "complicité de tentative de chantage", comme Karim Benzema), il a été écarté des poursuites en janvier, conformément aux réquisitions du parquet de Versailles rendues fin juin 2020.
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