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Arbitrage vidéo : la sonorisation comme terrain d'entente dans le football ?

La Fifa réfléchit à ouvrir les micros des arbitres lors de l’utilisation de la VAR, comme cela se fait actuellement au rugby.  

Article rédigé par Apolline Merle, franceinfo: sport
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 8min
Utilisation de l'arbitrage vidéo, après un but inscrit par Mauro Icardi lors du match de Ligue des champions, opposant le PSG à Bruges, le 6 novembre 2019, au stade du Parc des Princes à Paris. (STEPHANE ALLAMAN / DPPI / AFP)

D'inique à publique. De l'opacité d'une régie au partage du savoir. Voilà vers quoi veut désormais tendre le football pour se libérer du poids de décisions arbitrales trop controversées pour continuer à faire la sourde oreille. Pour s'ouvrir au monde, il faut ouvrir les micros. C'est en tout cas un avis de plus en plus partagé, et encouragé par les résultats probants obtenus dans le rugby où la sonorisation des jugements arbitraux a largement apaisé les tensions. 

Clivante, voilà comment on pourrait la définir. Certains l’ont définitivement adoptée, d’autres préfèrent la nostalgie du "c'était mieux avant". L’assistance vidéo à l'arbitrage, plus communément appelée VAR, a transformé l’arbitrage dans le football. Pourtant, cinq ans après sa première expérimentation, les réflexions sont encore nombreuses afin d’améliorer et de perfectionner le système actuel. Le sujet n'a pas échappé aux Journées de l’arbitrage, qui ont débuté mercredi 20 octobre pour 10 jours.

“La VAR est devenue un élément si indispensable dans le football de haut niveau, que si demain on l'enlevait, plus personne ne serait content”, a fait remarquer à cette occasion Arsène Wenger, directeur du développement du football mondial à la Fifa, et parrain des Journées de l’arbitrage, qui fêtent leurs vingt ans. Bien que devenue “indispensable”, la VAR a apporté avec elle son lot de problématiques. Car, les polémiques autour de son utilisation sont devenues monnaie courante dans le football.

Véritable soutien à l’arbitre, cet outil technologique apporte son lot d'interprétations. La dernière polémique en date est intervenue lors de la finale de la Ligue des nations, entre la France et l’Espagne, où le débat a été lancé quant à la position de hors-jeu ou non de Kylian Mbappé. Si son but a donné la victoire à la France, il a aussi nourri le feu des critiques, notamment en Espagne.

La VAR, une technologie encore récente

Bien que le football ne soit pas le seul sport à utiliser l’arbitrage vidéo, il est pourtant celui où les contestations reviennent le plus souvent. Pourquoi un tel écho ? D'abord parce que la VAR est encore relativement nouvelle dans le milieu du foot, comparé au rugby où l‘arbitrage vidéo a déjà une dizaine d’années d’expérience. En 2016, l’International football association board (Ifab) acte l’introduction de l’expérimentation de l’assistance vidéo pour les arbitres. En France, la Ligue 1 commence à l’utiliser dès la saison 2018-2019. Au niveau international, la Coupe du monde masculine 2018 est le premier grand événement mondial à l'intégrer.

Autre raison : le manque de transparence lors de son utilisation. En effet, à la différence du rugby, les spectateurs et téléspectateurs n’ont accès ni aux ralentis, ni aux explications des arbitres. De quoi créer des incompréhensions et des frustrations. Devant ce constat, les dirigeants du football, la Fifa en tête, réfléchissent donc à adopter l’approche choisie par le monde de l’ovalie. “Il y a un problème d’explication des décisions arbitrales dans le football de haut niveau, confirme l'ancien entraîneur d'Arsenal, Arsène Wenger. C’est d’ailleurs pour ça que je suis favorable à l'ouverture des micros, afin de permettre une meilleure explication.” 

L’ouverture des micros pour plus de pédagogie

Ce projet est d’ailleurs déjà discuté au sein même de la Fifa. “Dans un premier temps, je pense qu'il sera intéressant de relayer les conversations entre les arbitres lors de l'utilisation de la VAR. Cela permettrait d’ajouter de l'intérêt pour les supporters qui comprendraient ainsi mieux les décisions prises”, poursuit Arsène Wenger. “Ouvrir la sonorisation permettrait aux supporters de mieux comprendre la VAR, et donc d’éduquer le public à l’arbitrage vidéo”, confirme Gaël Angoula, ancien joueur professionnel, et arbitre en Ligue 2.

“Aujourd’hui les supporters ne connaissent pas forcément les conditions de l'utilisation de la VAR.”

Gaël Angoula, arbitre en Ligue 2

à franceinfo: sport

Arsène Wenger va même plus loin : “Dans un deuxième temps, on peut aussi imaginer que la transparence soit totale, autrement dit que les spectateurs et téléspectateurs puissent entendre les mots d'amour que les joueurs et entraîneurs lancent aux arbitres”, glisse-t-il avec humour. Une refonte du modèle qui permettrait donc à la fois de réduire les contestations des supporters et les sentiments d’injustice de certains joueurs ou entraîneurs, mais aussi d’améliorer le respect et les comportements de tous les acteurs du jeu sur le terrain.

Laurent Cardona, arbitre en Top 14, est bien placé pour en juger, lui qui est "branché" sur le rectangle vert depuis plus de dix ans. “Ouvrir les micros dans le football serait un réel apport pour les téléspectateurs et si possible - car cela est plus complexe technologiquement et très coûteux - aux spectateurs dans le stade. S'ils pouvaient entendre l'arbitre et ses explications données au 'pourquoi je refuse', 'pourquoi j'accepte', les spectateurs comprendraient et entendraient ainsi mieux les décisions. Je pense que c'est un frein de ne pas l'avoir.”

Au rugby, une longue prise de marque

Si le rugby est aujourd’hui vu comme un modèle dans l’utilisation de l’arbitrage vidéo, tout n’a pourtant pas été si simple au début. “Le rugby a plus de dix ans d'expérience dans l'arbitrage vidéo, rappelle Laurent Cardona, en Top 14 depuis douze ans et qui a connu les prémices de l’outil. Au début de la vidéo, c'était galère. On avait beaucoup de mal à jauger nos appels vidéo. On a aussi eu de nombreux protocoles qui étaient publiés les uns après les autres, presque un tous les six mois, pour essayer de réguler son utilisation.”

Avant de maîtriser l’arbitrage vidéo, le monde de l’ovalie a essuyé des échecs et a appris de ses erreurs. “Quand on a commencé la vidéo, on avait coupé les images dans les stades. Les spectateurs n'avaient donc pas accès aux éléments de l'arbitrage vidéo. Cela a créé une frustration énorme”, se souvient Laurent Cardona. Face à cette non-adhésion, les dirigeants ont alors rétro-pédalé.

La pédagogie au cœur de l’arbitrage

Et aujourd'hui, la transparence et la pédagogie font pleinement partie de l’arbitrage en Top 14. "Il nous arrive parfois de diffuser l’arbitrage vidéo pour faire valider au public nos décisions. On sait qu'on a raison mais en deux clips, la décision passe à la vidéo, et cela permet de la faire valider par tout le monde, sans ambiguïté”, sourit l’arbitre, qui salue le réel apport de la vidéo.

“On a galéré pendant cinq ou six ans, mais au bout de dix ans, on tient le bon équilibre.”

Laurent Cardena, arbitre en Top 14

à franceinfo: sport

Pour Laurent Cardona, le football est encore en phase d'adaptation : “La VAR deviendra presque parfaite, car un système parfait n’existe pas, d'ici deux ou trois ans, estime-t-il. Malheureusement pas avant, car ils ont besoin de cette expérience, besoin de se tromper, et de se corriger, comme cela a été le cas au rugby. Actuellement, ils écument toutes les petites erreurs qu'ils peuvent faire avec la VAR et ils vont les corriger”.

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