Mort de Bernard Pivot : un homme de lettres mais aussi un grand passionné de football et des Verts

L'ancien journaliste et écrivain, amoureux de la langue française mais aussi de football, est décédé lundi, à l'âge de 89 ans.
Article rédigé par Quentin Ramelet
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 6min
Bernard Pivot, en 2014, lors du match de Ligue 1 opposant le Paris Saint-Germain à l'AS Saint-Étienne.  (JEAN MARIE HERVIO / AFP)

Des lettres au rectangle vert, sans transition. Telle était l'une des marques de fabrique de Bernard Pivot. L'ex-président de l’Académie Goncourt, grand protecteur de la langue de Molière, est décédé lundi 6 mai, a annoncé sa fille Cécile Pivot à l'AFP, au lendemain de son 89e anniversaire. Défenseur infaillible du français et de ses mots, Bernard Pivot, pourtant lyonnais d’origine, était aussi un grand supporter de l’AS Saint-Etienne.

Très rapidement, très jeune, ce fils d’épiciers lyonnais voua une passion assez déroutante à la lecture. Une lecture en particulier : celle du dictionnaire. Et depuis bien des décennies, nos amis Robert et Larousse n’avaient qu’à bien se tenir : quand des mots "indignes", comme il les qualifiait, intégraient le dictionnaire, Bernard Pivot enfilait sa cape de super-héros pour tenter de sauver l’amour de sa vie : la langue française. Et comme tous les moyens étaient bons pour servir ses maîtres-mots, dernièrement c'était sur Twitter qu’il sévissait. Avec décence et retenue.

Mais celui qui s'était "confiné chez lui pendant quinze ans pour lire" près de quinze livres par semaine, avait évidemment besoin de s’évader. Durant toute cette période dorée où il sortait de chez lui seulement pour prendre l’antenne, que ce soit dans Apostrophes, entre 1975 et 1991, ou dans son Bouillon de Culture de 1991 à 2000, il s’accordait une petite escapade de temps à autre. Une échappatoire qui le menait ainsi vers sa deuxième passion : le football. Pendant longtemps, dans les années 1980 et 1990, il parvint même à coupler ses deux amours : les livres et le ballon rond.

Le football, sa parenthèse enchantée

D'une idée improbable mais lumineuse, Bernard Pivot en a fait une tradition très originale : en amont de chaque compétition des Bleus, il distribuait plusieurs kilos de bouquins aux joueurs de l'équipe de France ! "L'idée est venue un jour où j'avais apporté des livres aux Verts de Saint-Étienne", avait-il raconté dans les colonnes de L'Equipe en juin 2018. "Quelques ouvrages que j'avais mis dans les vestiaires avant un départ pour un match de coupe d'Europe. Je m'étais dit : 'Ils doivent s'embêter les malheureux, il faudrait leur donner des livres." Un supporter au service du collectif.

Bernard Pivot en action sous les yeux de l'ancien attaquant international de Saint-Etienne, Dominique Rocheteau, et de l'acteur Francis Huster, au Stade de France le 1er janvier 1998. (ERIC FEFERBERG / AFP)

Cet intellectuel savait donc se "vider l’esprit et reposer ses neurones" en regardant des matchs de foot. À la télévision, bien sûr, mais surtout dans le Chaudron. Natif de Lyon, et après avoir vécu toute son enfance à Quincié-en-Beaujolais (Rhône), Bernard Pivot a longtemps été partagé entre l’Olympique lyonnais et l’AS Saint-Etienne. "Ma mère était du Rhône, mais mon père était de Saint-Symphorien-de-Lay, près de Roanne, dans la Loire", avait-il raconté dans un entretien accordé à asse-online en 2005. "Il m’emmenait également au stade des Iris pour voir les matchs du LOU, l’ancêtre de l’Olympique Lyonnais. Mais à l’époque, Lyon n’avait pas de très bons résultats, le club évoluait en deuxième division, et j’ai dû me coltiner des LOU-Le Mans, LOU-Alès, etc..."

"Mon père m'a enseigné la route du stade Geoffroy-Guichard. On partait dans sa camionnette pour assister aux matchs de l'ASSE."

Bernard Pivot

Et un jour, son cœur a définitivement balancé : "Heureusement, mon père m'a enseigné la route du stade Geoffroy-Guichard. On partait dans sa camionnette pour assister aux matchs de l’ASSE, à l’époque les rencontres avaient lieu le dimanche après-midi. Adolescent, je me considérais à la fois comme un supporter de Lyon, ma ville natale, et de Saint-Etienne, sa rivale régionale. J’admirais surtout les joueurs stéphanois comme Rachid Mekloufi, et lorsque Saint-Etienne a entrepris la conquête de l’Europe, j’ai basculé corps et âme du côté des Verts !"

Supporter des Verts sans frontière

La chaleur du Chaudron. La ferveur du peuple vert. Deux sensations, deux arguments qui ont totalement envoûté Bernard Pivot. L’homme qui passait parfois quinze heures par jour à éplucher les livres des auteurs qu’il critiquerait le vendredi soir dans Apostrophes, s’est donc laissé emporter par la fièvre verte qui parcourut la France dans les années 1970. "Le match retour de Saint-Etienne-Kiev", en mars 1976 (quart de finale retour de Coupe des clubs champions, ex-C1), l’avait fait chavirer, aimait-il se souvenir.

Et le Lyonnais ne se mettait aucune limite quand il s’agissait d’aller encourager ses Verts : "J’étais dans les tribunes ce soir-là, alors que je n’avais pas pu assister au match aller. A l’époque ça m’avait contrarié, car j’ai participé à de nombreux déplacements : j’étais bien sûr à Glasgow lors de la finale [la fameuse finale des poteaux carrés contre le Bayern Munich en mai 1976], mais j’ai également soutenu les Verts dans d’autres pays européens. Je me souviens avoir assisté aux matchs des Verts à Eindhoven."

Dans sa mission culturelle, Bernard Pivot s’est finalement laissé le droit d’aimer le football et les Verts. Outre l’homme des lettres, il n’était autre qu’un amoureux des bonnes choses. Le foot, c’était sa madeleine de Proust, sa gourmandise entre deux lectures; ou ce fameux shoot d’adrénaline nécessaire à l’inspiration. Pour lire, pour écrire, ou pour critiquer.

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