Affaire Christophe Galtier : ce que la justice reproche à l'ex-entraîneur de Nice, poursuivi pour harcèlement moral et discrimination

Le coach français est attendu vendredi matin au tribunal correctionnel de Nice pour des propos racistes et discriminatoires qui lui sont attribués et qu'il nie avoir tenus, lorsqu'il entraînait l'OGC Nice.
Article rédigé par Violaine Jaussent
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 6min
Le coach français Christophe Galtier, le 7 novembre 2023, lors d'un match de son club, l'Al-Duhail, contre Al-Nasser, au Khalifa International Stadium de Doha (Qatar). (KARIM JAAFAR / AFP)

Il est de retour en France, mais sur le banc des prévenus. L'entraîneur Christophe Galtier, qui dirige depuis octobre l'équipe de football qatarie d'Al-Duhail, est jugé, vendredi 15 décembre, devant le tribunal correctionnel de Nice. Il comparaît pour harcèlement moral et discrimination, des délits passibles de trois ans de prison et 45 000 euros d'amende.

L'affaire a éclaté en avril, quand le journaliste indépendant Romain Molina, puis RMC Sport, ont révélé le contenu d'un courriel que Julien Fournier a envoyé, lorsqu'il était directeur de l'OGC Nice, au directeur du sport de la société Ineos, principal actionnaire du club azuréen. Dans ce message, Julien Fournier rapporte des propos racistes que Christophe Galtier, entraîneur du club lors de la saison 2021-2022, aurait tenus lors d'une réunion le 9 août 2021. Comme le rapporte le procureur de la République de Nice dans un communiqué, fin juin, Julien Fournier aurait affirmé que Christophe Galtier lui a demandé de "tenir compte de la réalité 'de la ville' et qu'en effet, on ne pouvait pas avoir autant de noirs et de musulmans dans l'équipe".

Depuis le début de l'affaire, Christophe Galtier "conteste avec la plus grande fermeté" avoir tenu des propos racistes envers des joueurs lorsqu'il officiait à Nice. L'entraîneur avait annoncé en avril qu'il portait plainte pour diffamation contre Julien Fournier et deux journalistes. De son côté, le parquet de Nice a ouvert, le 13 avril, de sa propre initiative, une enquête préliminaire, pour "discrimination fondée sur une prétendue race ou l'appartenance à une religion", confiée à la police judiciaire niçoise. Dès le lendemain, des perquisitions ont été menées dans les locaux de l'OGC Nice. Des auditions de membres du personnel et de dirigeants du club ont également été réalisées.

"Ses propos ont créé un climat délétère"

D'autres propos prêtés à Christophe Galtier devraient être évoqués devant le tribunal. Selon les informations de franceinfo, confirmant les révélations de L'Equipe, l'ancien adjoint de l'entraîneur à l'OGC Nice, Frédéric Gioria, a déclaré aux enquêteurs avoir entendu en août 2021 Christophe Galtier dire au sujet du joueur Billal Brahimi : "Encore un musulman, j'en veux pas, on en a assez." Le jeune ailier, international algérien, a néanmoins été recruté à Nice au mercato d'hiver 2022. Contactés par franceinfo, Frédéric Gioria et son avocat n'ont pas souhaité répondre. Ils n'ont pas non plus confirmé leur présence à l'audience de vendredi.

Au cours de l'enquête, huit joueurs de l'OGC Nice ont été entendus. Christophe Galtier, lui, a été placé en garde à vue le 30 juin. A l'issue de celle-ci, il a été convoqué devant le tribunal correctionnel de Nice, le 15 décembre, afin d'être jugé pour "discrimination par entrave d'une activité économique fondée sur l'origine, la nationalité ou la religion des victimes et du délit de harcèlement moral à caractère discriminatoire". Des infractions que Christophe Galtier a contestées à nouveau devant les enquêteurs.

"Il n’avait pas la charge exclusive du recrutement des joueurs, mais en sa qualité d'entraîneur, ses propos et ses actions ont créé un climat délétère et discriminatoire" , soutient, au contraire, Galina Elbaz, l'avocate de la Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme (Licra), qui se constitue partie civile aux côtés de la Ligue de football professionnel. "Nous intervenons parce que la Licra joue un rôle de vigie de la lutte contre la discrimination, notamment, fondée sur la religion", expose Galina Elbaz à franceinfo. Elle entend réclamer la somme de 5 000 euros de dommages et intérêts, en raison de la "gravité de l’atteinte aux intérêts et aux principes d’égalité et de non-discrimination" .

"Je n'accepte pas que l'on puisse dire que je suis raciste"

L'avocate insiste sur le "harcèlement moral à caractère discriminatoire" dont l'entraîneur est soupçonné. Sur la base du contenu des auditions réalisées durant l'enquête préliminaire, elle soutient qu'il est "parfaitement établi". D'après elle, certains joueurs ont déclaré ne pas avoir respecté le ramadan pour pouvoir s'assurer de la possibilité de jouer. "Ils se sont sentis sous pression en raison de leur religion", souligne l'avocate, qui plaidera ces arguments à l'audience. 

Christophe Galtier met en avant des préoccupations de performance sportive. "En tant qu'entraîneur, je n'ai qu'une obsession : la santé des joueurs, la performance de mon équipe. Mes joueurs ont géré le ramadan comme ils l'ont souhaité, et ils ont tous joué", a-t-il déclaré le 17 septembre dans un entretien à Canal+ . "Je n'accepte pas que l'on puisse dire que je suis raciste", a-t-il alors affirmé, avant de promettre de s' "expliquer au mois de décembre".

A la veille de son procès, l'entourage de Christophe Galtier rappelle à franceinfo qu'à Nice, le coach avait ouvert son bureau pour les musulmans qui souhaitaient faire leur prière au calme, et qu'il dispensait du déjeuner obligatoire les joueurs qui souhaitaient aller à la prière du vendredi. Contactés par franceinfo, ses avocats, eux, s'en tiennent à la déclaration faite à différents médias, dont L'Equipe et l'AFP : "Christophe Galtier est déterminé. Il attend enfin ce débat public et contradictoire où il démontrera qu'il n'a évidemment jamais discriminé ou harcelé quiconque. Tout son parcours professionnel, sa réputation témoignent de sa personnalité irréprochable."

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