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Coupe du monde 2018 : maté, "garra", insultes... Comment Griezmann est devenu le plus uruguayen des Français

L'attaquant tricolore revendique son attachement à ce petit pays coincé entre le Brésil et l'Argentine, où il n'a pourtant jamais mis les pieds.

Article rédigé par Simon Gourmellet
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 6min
L'attaquant français Antoine Griezmann, lors du match de Coupe du monde face à l'Autralie, le 16 juin 2018 à Kazan (Russie). (ROMAN KRUCHININ / AFP)

"Antoine, malgré tout ce qui s'est dit dans les médias, il est français. Il ne sait pas en réalité ce que c'est le sentiment d'être uruguayen." Ce tacle appuyé sur l'attaquant français est l'œuvre de Luis Suarez en conférence de presse, mardi 3 juillet. La star de La Celeste, qui affronte la France en quart de finale de la Coupe du monde vendredi, était interrogée sur la passion d'Antoine Griezmann pour l'Uruguay. Un attachement que le Français revendique ouvertement. "C'est mon deuxième pays", assure-t-il, même s'il n'y a jamais mis les pieds. 

Lancé dans le grand bain par un coach uruguayen

"Grizou" l'Uruguayen ? Pour comprendre cet attachement, il faut revenir aux jeunes années du prodige. Le natif de Mâcon (Saône-et-Loire), recalé par les centres de formations français pour son physique trop frêle, est repéré par le club basque de la Real Sociedad. Après un essai de deux mois, il signe son premier contrat en 2005. Il a alors 14 ans. Trois ans plus tard, alors qu'il évolue avec la réserve, l'entraîneur de l'équipe première, l'Uruguayen Martin Lasarte cherche un ailier et lui donne sa chance. Trois entraînements suffisent pour le conforter dans son choix.

Dans le vestiaire de cette équipe qui évolue alors en deuxième division espagnole (2009-2010), le petit Français se rapproche des Sud-américains. "Les Basques ont un sentiment identitaire très fort, et même si c'était tous des bons coéquipiers, ils restaient souvent entre eux. Du coup, ceux qui n'étaient pas basques se réunissaient souvent pour aller prendre un café par exemple, se rappelle le coach. Le fait qu'il soit loin de chez lui, de sa famille, explique aussi qu'il se soit autant rapproché des Sud-Américains. Il avait 17 ans, il était un peu seul."

Maté, "asado" et "socios" de Peñarol

Pour l'aider à s'intégrer et le faire progresser, Martin Lasarte le confie à un autre Uruguayen : Carlos Bueno, arrivé quelques mois plus tôt du PSG. "J’étais susceptible de lui piquer sa place, il le savait, mais il passait me chercher le matin en voiture et me ramenait ensuite, il m’a aussi appris à me situer par rapport au défenseur sur les ballons aériens ou à orienter mon corps dans telle situation de jeu", explique le Français dans GQ.

Antoine Griezmann et sa "bombilla", sa calebasse de maté, le 29 juin à Kazan (Russie).  (BENJAMIN CREMEL / AFP)

Plus qu'un coéquipier, Carlos Bueno va devenir son mentor, son grand frère. Il lui fait notamment découvrir l'asado (une technique sud-Américaine de cuisson de la viande au barbecue) et le dulce de leche (confiture de lait), dont il raffole.

Oui, c’est moi qui ai fait de Griezmann un Uruguayen pur jus.

Carlos Bueno, ancien coéquipier d'Antoine Griezmann

à Eurosport

Mais c'est surtout lui qui l'initie au maté, cette boisson traditionnelle sud-américaine qui se sirote dans une calebasse. "A chaque fois, il me demandait de goûter et, à chaque fois, je refusais en lui disant qu’il allait cracher dans ma voiture et que je serais obligé de lui demander de descendre parce que cela ne se fait pas." Jusqu'au jour où Carlos Bueno finit par céder, raconte l'attaquant à Eurosport. "Il a goûté et m’a regardé avec une tête… Son regard voulait dire : 'Hijo de …, qu’est-ce que c’est que ce truc ?'" Passé le dégoût des premières gorgées, Antoine Griezmann devient rapidement accro et c'est Martin Lasarte qui lui rapporte de Montevideo, la capitale uruguayenne, son premier kit à Maté.

Et c'est encore grâce à Carlos Bueno qu'il se prend de passion pour l'Atletico Peñarol, un club historique de Montevideo. Au point de connaître par cœur les chants des supporters.

Et de devenir socios du club en 2016, c'est-à-dire supporter adhérent avec des parts.

"La concha de tu madre !"

Mais en 2014, "Grizou" quitte ses coéquipiers de la Real Sociedad et change de dimension en signant à l'Atletico Madrid. Là encore, c'est la filière uruguayenne qui facilite son intégration, par l'intermédiaire du défenseur central Diego Godin." Avant de signer pour la première fois à l’Atletico, c’est lui que j’ai appelé. Il m’a parlé en bien du club, il m’a donné envie de venir à Madrid. Il connaît tout de moi comme je connais tout de lui", confie Antoine Griezmann à L'Equipe. Au point de le choisir comme parrain de sa fille, Mia.

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En plus des habitudes alimentaires, l'attaquant pousse le mimétisme jusqu'à reprendre les insultes ou les expressions typiquement uruguayennes. Comme après son but contre l'Albanie avec l'équipe de France en juin 2016. On peut entendre Griezmann hurler "La concha de tu madre !", une insulte typiquement sud-américaine qu'on évitera de traduire...

En 2015, avant un match contre Levante, Godin présente Griezmann à son ami Alexander Medina, joueur uruguayen qui vient de prendre sa retraite, connu en Uruguay pour faire le geste de l'archer après chaque but. Lors du match suivant, Griezmann lui rendra hommage en effectuant le même geste, rapporte Lucarne opposée.

Mais cette acculturation se ressent également sur le terrain. Chez les Colchoneros, dont l’identité est fortement inspirée de la "garra charrua", un état d'esprit hérité de la résistance indienne à la colonisation européenne et qui pourrait se résumer à un engagement et une agressivité souvent à la limite, il change son style. Sous les ordres du coach argentin Diego Simeone, l'attaquant muscle son jeu, gagne en volume et multiplie les courses. "J’ai d’Uruguayen, le style de Diego (Godin) et Cavani, qui donnent tout, ne lâchent rien et font les efforts pour les coéquipiers", analyse Griezmann. "C'est un joueur qui ne se rend jamais. Au contraire, il ne se tait pas, les critiques glissent sur lui", confirme Martin Lasarte.

Comment se comportera-t-il face à ses coéquipiers en club et une équipe qui joue comme il aime ?  Réponse à 16 heures. "Ça va être un match avec beaucoup d’émotions pour moi", a déjà concédé Antoine Griezmann.

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