Soldats de plomb, horoscope et mental d'acier : Diego Simeone, l'entraîneur fou de l'Atletico Madrid
Maître tacticien, formidable meneur d'hommes et dernier ambassadeur de la gomina : découvrez Diego Simeone.
"Diego Simeone, c'est le genre de personne avec qui on veut être dans une guerre", résume son ancien coéquipier Patxi Ferreira. Impossible de rater le volcanique entraîneur de l'Atletico Madrid, qui a qualifié son club pour la finale de la Ligue des Champions, mardi 3 mai, après une défaite 2-1 sur le terrain du Bayern Munich de Guardiola. Diego Simeone, c'est un coach intenable autour de son banc, tout de noir vêtu, les cheveux gominés et plaqués en arrière comme s'il incarnait un méchant dans Grease… et des résultats défiant toute concurrence qui lui valent un culte de la personnalité.
Le chef d'orchestre des soldats de plomb
"El Cholo" Simeone a très vite embrassé la carrière d'entraîneur. Dès sa plus tendre enfance, il positionnait les soldats de plomb que lui offraient ses parents en 4-4-2, en les couvrant de chasubles différentes avec des chutes de tissu ou du papier d'emballage. A 10 ans, son prof de musique le nomme chef d'orchestre de sa classe, au nez et à la barbe des caïds qui squattent les bancs près du radiateur. Son adolescence se résume à regarder ses camarades sortir en boîte le week-end alors qu'il se couche avec les poules pour être frais lors du match du lendemain. Ce qui a influencé son idée du bonheur : "Manger une pizza en regardant un match de foot, c'est le paradis."
Devenu footballeur, il rayonne depuis le milieu de terrain, à organiser le jeu et diriger les hommes. Le grand public se souvient surtout de lui pour avoir fait expulser David Beckham lors d'un tragique huitième de finale du Mondial 1998, à Geoffroy-Guichard.
Le taulier de l'équipe d'Argentine dans les années 1990-2000, c'est lui. Cent six sélections, mais aussi un discours mémorable lors de son mariage, qui se déroule quelques jours après la piteuse élimination en huitième de finale du Mondial 1994 contre la Roumanie. Les larmes aux yeux, il lâche : "Je m'excuse, car je ne suis pas parvenu à vous ramener la Coupe du monde, que je voulais vous offrir." La star de l'équipe, Diego Maradona, dont le contrôle positif a déstabilisé l'équipe quelques jours avant ce match décisif, n'a jamais eu de tels mots. Simeone ne prend pas les choses à la légère. En vacances, il fera ainsi une scène à sa femme, coupable d'une erreur de placement lors d'une partie de volley-ball, raconte la sœur et agente de Diego, Natalia, dans le quotidien argentin Olé.
La révolution à l'Atletico Madrid
Diego Simeone devient naturellement entraîneur, sitôt les crampons raccrochés. Les premiers titres, les premiers allers-retours entre l'Argentine et l'Europe. Et un jour de décembre 2011, le président de l'Atletico Madrid qui l'appelle. Simeone a joué dans ce club, était de l'équipe qui a remporté le dernier titre des Colchoneros, en 1996. Il ne peut pas dire non. Son plus jeune fils, Giuliano, 9 ans, se rend compte que le reste de la famille va rester à Buenos Aires : "Donc ça veut dire que si tu réussis, tu ne reviendras pas ?" "Ça m'a tué", raconte Simeone au magazine britannique FourFourTwo. Le succès aidant, Simeone n'est pas revenu dans la capitale argentine.
Quand il débarque à Madrid, il se trouve en terrain conquis. Il est acclamé pour son premier entraînement, alors qu'il reprend une équipe en déliquescence, scotchée au fond du classement. Théâtral, il harangue ses troupes : "Regardez-les, ils m'applaudissent aujourd'hui, mais à une époque, ils m'ont insulté. Vous aussi, vous pouvez retourner cette situation." Ils y parviennent. A la fin de saison, le club remporte la Ligue Europa. Le défenseur central Miranda se souvient dans FourFourTwo : "Quand il est arrivé, c'est comme si j'avais signé dans un autre club."
Trois attaquants Poisson, des défenseurs Sagittaire
C'est le début de la saga "El Cholo", un surnom que lui a donné un de ses premiers entraîneurs, qui se réfère aussi bien aux Indiens d'Argentine qu'aux chefs de gang. Les losers magnifiques de l'Atletico Madrid commencent à gagner des titres, cassant leur image de club maudit. Dans les travées de Vicente-Calderon, leur chaudron de 53 000 places, une religion naît : le "cholisme". L'Atletico n'est pas très beau à voir jouer ? Il s'en moque. "Tout ce que je veux, c'est qu'on soit une équipe chiante." Chaque joueur cavale sur le terrain du coup d'envoi au coup de sifflet final, comme si sa vie en dépendait ? "Vingt minutes, c'est la vie, dix minutes, c'est énorme, et cinq, c'est beaucoup." Le tiki-taka cher au Barça, très peu pour lui : "Il y a plein de façons de jouer au football, mais aucune n'est la meilleure." Lors de la saison du titre, en 2013-2014, son équipe affronte six fois le Barça, réputé invincible, pour cinq nuls et une victoire. Avec des joueurs à la limite de l'excès d'engagement. Il assume : "Le but de la vie, c'est de gagner."
Diego Simeone se consacre corps et âme à son équipe. Littéralement. "Quand je
regarde un film au cinéma, il m'arrive d'avoir une idée. Dans ces cas-là, j'appelle tout de suite mon adjoint", raconte "El Cholo". Qui ne néglige aucun détail quant au recrutement... allant jusqu'à vérifier le signe astrologique des potentielles recrues. "Selon les signes, certaines caractéristiques sont similaires à celles qui existent déjà dans le groupe", se justifie-t-il dans So Foot. On remarque ainsi dans son effectif que tous ses défenseurs centraux sont Sagittaire ou Capricorne, et que trois de ses quatre attaquants sont Poisson.
Forcément, l'histoire d'amour entre l'Atletico et son entraîneur (sous contrat jusqu'en 2020) va se terminer. Il ne cache pas que "sa parole et son cœur" se trouvent à la Lazio Rome ou à l'Inter Milan, deux autres de ses anciens clubs. Il a déjà prévenu : "Je pars toujours avant qu'on ne me vire."
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