Coupe du monde : les grèves de l'entraînement et bisbilles avec les journalistes n'ont rien de neuf
Les joueurs du Nigeria ont refusé de s'entraîner jeudi, en raison d'un conflit sur les primes. Ceux du Ghana ont insulté les journalistes. Rien de nouveau ?
Les équipes africaines ont beaucoup fait parler d'elles à la rubrique des faits divers. "Vous nous couvrez de honte ! ", a même titré Afrik.com. Le Nigeria a refusé de s'entraîner, jeudi 26 juin, à cause d'une affaire de primes. Le tournoi du Ghana s'est terminé en eau de boudin, avec bagarre à l'entraînement, polémique sur les primes en liquide des joueurs et surtout des insultes échangées avec les journalistes.
Du jamais vu ? Pas du tout. L'histoire de la Coupe du monde montre que ces incidents arrivent, y compris avec des équipes européennes. Et même bien avant Knysna en 2010. Deux exemples.
La pire grève d'entraînement pour des primes ? Le Portugal, en 1986
Le nom de Saltillo résonne aux oreilles des Portugais comme celui de Knysna pour les Français. Tout a mal commencé quand, pour se rendre à la Coupe du monde qui se déroule au Mexique la fédération portugaise réserve un vol Lisbonne-Francfort-Dallas-Mexico-Monterrey au lieu d'un vol direct, qui coûte le même prix. A son arrivée à Monterrey, la délégation portugaise se rend compte qu'aucun bus ne l'attend, raconte le quotidien Observador (en portugais). Une fois arrivés au bout de ce périple, les joueurs mexicains découvrent leur hôtel, à Saltillo. Enfin... un établissement qui rappelle les motels bas de gamme des films d'horreur américains. Le terrain d'entraînement est à l'avenant : la pelouse est en pente, et les joueurs s'entraînent... contre les serveurs des restaurants avoisinants. Dans l'hôtel, on croise souvent des journalistes et des prostituées.
La goutte qui fait déborder le vase, c'est cette question innocente d'un représentant d'un des sponsors, demandant si les joueurs avaient bien reçu leurs primes de match. Quelles primes de match ? Renseignement pris, ils ont bien droit à un pécule dérisoire de leurs sponsors (4 000 escudos par jour, l'équivalent de 20 euros). Les joueurs demandent illico le doublement des primes. Refus de la fédération : "Il n'y a rien à négocier". Les joueurs décident alors de s'entraîner maillot retourné, pour cacher les sponsors. L'attaquant Paolo Futre se souvient s'être entraîné "quasiment à poil". Excédés, les joueurs décident de ne pas s'entraîner le 25 mai 1986, provoquant la fureur des politiciens conservateurs, qui réclament leur retour immédiat au pays pour avoir déshonoré leur patrie. Le président de la République, Mário Soares envoie un télégramme d'apaisement.
Le mal est fait. Après une victoire inaugurale prometteuse contre l'Angleterre, le Portugal s'incline contre la Pologne et le Maroc, et fait ses valises. Lors du dernier match, une banderole fait son apparition dans les tribunes des supporters portugais. "Joueurs portugais, les filles de Saltillo vous soutiennent." Le mot fera jaser au pays... Profondément énervés, pratiquement tous les joueurs refuseront de porter le maillot de l'équipe nationale pendant deux longues années, rappelle El Diaro de Noticias (en portugais). Et le Portugal rate, logiquement, la qualification pour l'Euro 1988.
Le règlement de comptes le plus surréaliste avec les journalistes ? Les Bleus, en 1978
"Ces footballeurs possèdent un tiroir-caisse à la place du cœur", tonne le journaliste Georges de Caunes, alors que l'équipe de France vient d'arriver en Argentine, pour sa première Coupe du monde depuis douze ans. En cause, la révélation par Le Journal du Dimanche de la grogne des internationaux contre Adidas, sponsor de la fédération, qui ne leur octroie que 1 600 francs de prime par match pour porter ses chaussures. Ce n'est pas assez pour les Bleus, qui repeignent en noir les trois bandes blanches de leur équipementier.
Pour la première fois, l'équipe de France est suivie par des journalistes de la presse généraliste, pas seulement des représentants de L'Equipe et de France Football. D'où des sujets plus polémiques, qui les agacent. Les joueurs finissent par convoquer l'ensemble des journalistes français présents dans la salle de presse de l'Hindu Hotel de Buenos Aires. Cette fois, ce sont les joueurs, désireux de régler leurs comptes avec les journalistes, qui posent les questions. Une scène particulièrement croustillante est racontée dans le livre Platini, le roman d'un joueur, de Jean-Philippe Leclaire. Dominique Grimault, du Journal du Dimanche, est sur la sellette. C'est lui qui a révélé l'affaire Adidas, et qui a écrit que l'ailier Didier Six était boudé par ses équipiers.
"Oui, j'ai bien écrit que Didier était en quarantaine, explique le journaliste.
- Mais qui a bien pu te raconter une chose pareille ?, s'exclame le défenseur de Saint-Etienne Christian Lopez.
- Mais... c'est toi Christian !", répond Grimaud, du tac au tac.
Aussitôt, Didier Six se précipite dans les toilettes pour sangloter, poursuivi par Lopez, gêné, Grimault, confus, ainsi qu'un bon quart de l'équipe. La France fait ses valises après une élimination dès le premier tour. Dans l'Hexagone, on attribue cet échec à la jeunesse de l'équipe... et à l'affaire des chaussures.
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