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Coupe du monde : six réponses à Jean-Louis, votre beau-père qui ne jure que par France 98

Nous sommes en l'an 16 après Aimé Jacquet. Toute la Gaule est occupée par des nostalgiques de la victoire des Bleus au Mondial de 1998. Toute ? Non, une poignée d'irréductibles résiste.

Article rédigé par Pierre Godon
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 8min
Deux supporters de l'équipe de France posent après la victoire de la France contre la Croatie, en demi-finale du Mondial 1998, à Saint-Denis, le 8 juillet 1998. (GERARD JULIEN / AFP)

Jean-Louis, c'est votre beau-père qui n'aime pas le foot. Enfin, qui n'aimait pas. Encouragé par le bon parcours de l'équipe de France, Jean-Louis a dégainé sa télécommande, et suit les matchs des Bleus, qu'il avait perdus de vue depuis l'été 1998, et leur victoire en Coupe du monde. Pire, il souhaite commenter avec vous les rencontres de la bande à Deschamps à l'occasion de ce Mondial au Brésil, qui se déroule en l'an 16 après Aimé Jacquet.

Les "Zizou, il jouait mieux" et "c'était mieux avant" reviennent toutes les trois minutes dans sa bouche. Avant le France-Allemagne du vendredi 4 juillet (une poussée de "Séville 82" n'est pas à exclure), francetv info vole à votre secours, et vous a préparé les arguments chocs pour faire taire ce nostalgique monomaniaque.

1"En 1998, ça jouait vachement mieux, non ?"

La victoire est belle, et le temps efface les souvenirs. L'équipe d'Aimé Jacquet a peiné à se hisser en finale, en 1998. En huitièmes, les Français, pas dans le tempo, ont proposé une bouillie de football face à un Paraguay replié dans son camp. Comme le rappelait Bixente Lizarazu dans L'Equipe, la décision d’Aimé Jacquet d’aligner presque tous les remplaçants lors du troisième match de poule face au Danemark avait coupé les jambes des titulaires, qui avaient eu toutes les peines du monde à retrouver le rythme après 10 jours sans jouer.

En quarts de finale, encore une purge, contre l’Italie, conclue aux tirs au but. En demi-finale, il faut un exploit de Lilian Thuram (15 buts dans sa carrière, dont 2 en Bleu) pour réveiller une équipe amorphe. "Si vous jouez comme ça, les gars, vous allez perdre", avait dit juste avant Aimé Jacquet, dans les vestiaires, à la pause. Et la finale ne s’est débloquée que grâce au marquage très relâché des Brésiliens sur les corners.

Le plus beau match de ce Mondial, n’en déplaise aux franchouillards, c’est la fantastique demi-finale entre les Pays-Bas et le Brésil, conclue aux tirs au but. Si vous cherchez une équipe de France qui a joué merveilleusement bien, pensez Euro 84 ou Euro 2000.

2"Il n’y a pas de numéro 10 qui écrase les autres, comme Zidââââne à l’époque"

Souvenir trompeur : certes, Zidane a obtenu le Ballon d’or en décembre 1998, mais il n’a vraiment pas régné sur le tournoi. Quelconque au premier tour, effacé pendant les matchs couperet, il sauve son tournoi par sa prestation en finale. Ironie du sort, il n’obtient pas le Ballon d’or deux ans plus tard, malgré la victoire à l’Euro 2000, alors qu’il le méritait sans doute davantage.

Mine de rien, Mathieu Valbuena, le meneur de jeu des Bleus de 2014, est le joueur tricolore le plus influent depuis le début du tournoi. Contrairement à son aîné.

3 "Les Bleus de 2014 sont superviolents. France 98, c’était autre chose !"

Zinédine Zidane, tête basse, après son expulsion lors du match de Coupe du monde contre l'Arabie Saoudite, le 18 juin 1998, à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis). (ACHIM SCHEIDEMANN / DPA)

Quand a eu lieu la première expulsion d’un joueur français pendant une Coupe du monde ? C’était lors du Mondial 1998, quand Zinédine Zidane s'est essuyé les crampons sur un joueur saoudien. Les Bleus écopent de deux autres cartons rouges durant la compétition. Marcel Desailly entre aussi dans l’histoire comme le premier joueur de l'équipe victorieuse expulsé lors d’une finale mondiale.

C'est sur le plan physique que la France a bâti ses succès de 1998, bien aidée par ses trois milieux défensifs Petit-Deschamps-Karembeu. Tout le monde a en mémoire la célèbre phrase d’Aimé Jacquet dans le documentaire Les Yeux dans les Bleus : "Muscle ton jeu, Robert !" Pirès était en retard sur ses petits camarades dans ce domaine. 

4 "Dans ta génération Pogba, là, il y en a combien qui ont le bac ?"

Contrairement à ce que croit Jean-Louis, le niveau scolaire des Bleus s'améliore un peu plus à chaque génération. En 1998, seuls deux des 22 Bleus retenus par Aimé Jacquet avaient le bac, contre 9 dans l’équipe actuelle. Deux Tricolores, Lucas Digne et Laurent Koscielny ont échoué en raison des entraînements, programmés en même temps que les cours. Digne a expliqué à Nord Éclair qu'il comptait bien "le repasser dans 2-3 ans." Mickaël Landreau et Olivier Giroud ont même brillamment mené des études supérieures.

Les études font partie de la panoplie du footballeur, ce qui n'était pas le cas il y a vingt ou trente ans. Michel Platini, un génie sur le terrain, auteur d'une brillante carrière dans les institutions du football, a ainsi séché son examen de comptabilité parce que l’épreuve tombait en même temps qu’une finale de Coupe d’Europe.
 
Attention aussi à ne pas idéaliser les joueurs de France 98. Laurent Blanc refuse de commenter tous les sujets qui n’ont pas trait au foot, de peur d’être pris en défaut, relève le livre d'Arnaud Ramsay Laurent Blanc, la face cachée du président. Ou encore, prenez une interview télé Didier Deschamps, comme dans Tout le monde en parle en 2001 : cela lui arrive de faire quelques fautes de français. Mais personne ne les moque à l’époque.
 
D'une façon générale, être footballeur et intello façon Lilian Thuram n'est pas facile dans le milieu du foot. Vikash Dhorasoo, lui aussi considéré comme une "tronche" du temps de son passage en bleu, a confié sur France 2, en mai, n’avoir pas ouvert un livre avant ses 20 ans : "Un footballeur, c'est un petit gars qu'on a sorti de son milieu familial souvent très tôt. On le délocalise, on fait tout pour qu'il soit déscolarisé. (...) On lui demande de représenter la France, de parler bien français, de bien écrire des tweets, alors qu'au départ, on lui a juste demandé de jouer au foot. Il y a une contradiction. Il faut plus d'indulgence."

5 "Ça, pour aller chez le coiffeur, y'a du monde dans la génération actuelle"

Si on appelle les remplaçants "les coiffeurs" en France, c'est pour une bonne raison. Tout commence au stage de préparation au Mondial 1986, à Font-Romeu, dans les Pyrénées. A la demande de Michel Platini, le sélectionneur Michel Hidalgo désigne les titulaires et les remplaçants. Conscients qu'ils vont cirer le banc pendant la Coupe du monde au Mexique, ces derniers se lâchent. Parmi leurs faits d'armes, une mémorable séance de brushings peu académiques.

Joël Bats, le gardien des Bleus, se souvient : "Ceux qui ne jouaient pas, on les appelait les coiffeurs, ils passaient leur temps à se faire couper les cheveux !'' D’après Guy Roux, cité dans Le Parisien, les remplaçants allaient même jusqu'à couper les cheveux des titulaires entre les matchs. Heureusement, la crête n'était pas à la mode à l'époque. 

Moralité, Pogba et Griezmann n’ont rien inventé. 

6 "Et puis tes petits jeunes de 2014 n'ont rien gagné, eux"

Alors là, Jean-Louis, on en reparle vendredi, après le quart de finale contre l'Allemagne...  

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