ENTRETIEN. Ligue des nations : "Je n'ai pas vu le temps passer", assure Guy Stéphan, après dix années comme adjoint de Didier Deschamps en équipe de France
Avant les quatre prochains matchs des Bleus, Guy Stéphan, qui dirigera les Bleus ce soir en l'absence de Didier Deschamps, se confie à Franceinfo:sport.
Avant d'aborder les quatre matchs de l'équipe de France en Ligue des nations, à commencer par le Danemark vendredi 3 juin, Guy Stéphan savoure. L'adjoint de Didier Deschamps le sait : la Coupe du monde (21 novembre-18 décembre) se rapproche et les Bleus n'ont jamais eu l'occasion, hors période de grande compétition, de se retrouver pour une durée aussi longue depuis l'arrivée du sélectionneur à la tête des Bleus.
Dix ans que Guy Stéphan endosse son rôle "d'homme de l'ombre", comme il le décrit lui-même. Déjà adjoint chez les Bleus de Roger Lemerre et Jacques Santini entre 1998 et 2002, jamais Stéphan n'avait connu la complicité qu'il entretient avec Didier Deschamps, seul décisionnaire de ce "couple" qui a connu les victoires en Coupe du monde et en Ligue des nations, mais aussi l'échec de l'Euro 2020.
Vendredi soir, l'homme de l'ombre va tenir le premier rôle. En l'absence de Didier Deschamps, endeuillé par le décès de son père, c'est Guy Stéphan qui va tenir la baraque contre le Danemark. En début de semaine, c'est avec le sourire qu'il nous a accueilli à Clairefontaine, pour évoquer ce parcours en équipe de France mais également la suite. Après une décennie, l'adjoint de toujours de Deschamps semble en redemander.
Franceinfo: sport : En juillet, cela fera dix ans que vous êtes adjoint de Didier Deschamps chez les Bleus. Qu'est-ce que cela vous inspire ?
Guy Stéphan : Je n'ai pas vu le temps passer. Ça remonte déjà à juillet 2012. (Il réfléchit...) Avec Didier, on avait déjà cette complicité à Marseille (il a été son adjoint entre 2009 et 2013 à l'OM). La sélection, c'est différent. Autant, en club, c'est une vie pour le football presque 24 heures sur 24. Autant, en sélection, c'est différent avec des rassemblements de temps en temps. Parfois, je me dis que dix ans c'est long. Mais je n'ai pas vu le temps passer. Il s'est passé tellement de choses, des moments agréables et puis, il faut le dire, l'échec de l'Euro.
Comment faites-vous, après dix ans, pour garder la motivation ? Y a-t-il une recette magique ?
Il faut être épanoui dans son rôle, et je le suis. Être adjoint du sélectionneur, c'est un rôle d'homme de l'ombre. Il faut en être conscient, apprécier à sa juste valeur ce qu'on fait à chaque rassemblement. Il faut être capable d'échanger avec Didier, de lui donner son avis, tout en sachant que c'est lui qui prend la décision finale. Et quand la décision est prise, il faut la respecter. À partir du moment où ce cadre est fixé, tout le monde vit bien.
Un entraînement de rêve et des souvenirs plein la tête...
— Equipe de France (@equipedefrance) June 2, 2022
23 enfants de 8 à 12 ans ont eu la chance de s'entraîner avec les Bleus → https://t.co/AgmUQy0IdG#FiersdetreBleus pic.twitter.com/4n9pdEpcd5
Après tant d'années passées ensemble, est-ce que vous n'êtes pas toujours d'accord avec Didier Deschamps ?
Non, pas forcément et notre éventuel désaccord, à un moment donné, ne transpirera pas par la suite. On échange, on donne nos arguments, et à la fin, une décision est prise. L'échange qu'on aura pu avoir avant, on n'en parle plus. Mais c'est vrai qu'aujourd'hui, un regard suffit, on se comprend vite. Ça résume bien les choses entre nous.
Outre votre relation avec Deschamps, comment faites-vous pour entretenir la flamme chez les joueurs ? Essayez-vous de les surprendre avec de nouvelles méthodes ?
C'est moins difficile en équipe nationale parce qu'on n'a pas les joueurs tous les jours. Parfois, ça manque de ne pas pouvoir discuter plus longtemps avec eux quand on fait un rassemblement court, parce qu'ils doivent rapidement repartir en club. Mais sinon, il y a un turn-over chez les joueurs qui fait que c'est assez facile de renouveler le discours. Certains sont là depuis longtemps, comme Lloris, Griezmann, Varane ou Pogba... Et certains ont peu de sélections, comme Theo Hernandez, Tchouaméni, Nkunku, Diaby, Saliba...
Et puis, un joueur, quand il arrive au château, il est tout de suite impliqué. Antoine (Griezmann), par exemple, il n'est pas dans la meilleure période de sa vie. Mais à chaque fois qu'il arrive avec nous, il a toujours le sourire et il va tout donner.
Vous vous décrivez vous-même comme un "homme de l'ombre". Que fait un homme de l'ombre au quotidien ?
Je discute avec le staff, avec Didier. On prépare les entraînements et les matchs à venir. On montre des vidéos aux joueurs, pour parler des phases offensives et défensives. Mais c'est surtout en amont de ça que se trouve le travail le plus important : l'observation des matchs. On a une liste de 50-60 joueurs que l'on observe à chacun de leur match. Ça prend beaucoup de temps. Et notre métier, c'est de déceler, par rapport à ce qu'on va voir, par rapport aux données qu'on a, si un joueur peut avoir le niveau international.
"Tout le monde est capable de dire si un joueur est bon, ou pas bon. Mais c'est autre chose d'être capable de dire si ce joueur, au niveau international, ça va passer ou non."
Guy Stéphane, adjoint de Didier Deschamps en équipe de Franceà franceinfo: sport
Comment sentez-vous ce genre de choses ?
Par rapport à ce qu'on observe, par rapport au langage corporel du joueur, aux données. Aller sur le terrain, ça prend du temps et ça ne permet de ne voir qu'un match. Mais ça permet aussi de voir l'échauffement des joueurs, ce qui m'intéresse beaucoup.
Continuez-vous à observer, après autant d'années, des joueurs au statut indiscutable comme Mbappé, Pogba ou Griezmann ?
Bien sûr. Il y a toujours quelque chose à tirer. Ça permet d'avoir un maximum d'éléments et le haut niveau se joue parfois à des détails près. Ça compte.
Vous avez évoqué plus tôt l'échec de l'Euro, peut-être le plus important de vos dix années en Bleu. Quel a été le discours tenu après l'élimination contre la Suisse ?
Kylian (Mbappé) a d'abord pris la parole pour s'excuser après son tir au but raté. Quatre-cinq joueurs lui ont dit que ça arrivait à tout le monde. Puis Didier s'est exprimé et a eu un discours mobilisateur en expliquant qu'on avait perdu mais qu'il y avait d'autres objectifs. Ce n'était pas un discours d'entraîneur usé, qui ne trouve pas la solution.
Racontez-nous ce deuxième succès international, après la Coupe du monde en 2018, avec la Ligue des nations remportée en octobre.
On a fêté ça sur le terrain et un peu le soir. Mais c'est allé très vite, les joueurs ont dû repartir en club très rapidement. On aurait aimé s'attarder un peu parce que ce sont de belles victoires, contre la Belgique (2-3) et l'Espagne (2-1). Parfois, on voudrait avoir plus de temps.
Noël Le Graët s'est rendu à Clairefontaine ce midi pour rencontrer les joueurs et le staff de l'Equipe de France avant le match face aux Danois vendredi au Stade de France. pic.twitter.com/TdayjZ9uaz
— FFF (@FFF) June 1, 2022
Il y aura du temps sur ce rassemblement, notamment pour observer les Danois, qui seront les futurs adversaires des Bleus à la Coupe du monde. C'est une bonne chose de les affronter deux fois avant le Mondial ?
Il faudra leur poser la même question. Personnellement, je trouve que c'est un peu dommage mais c'est le tirage au sort qui est comme ça. Ce qui me paraît plus important, c'est que cette équipe est, à mon sens, sous-cotée. On a l'impression que le Danemark est une équipe moyenne mais ce n'est pas du tout le cas. Ils sont demi-finalistes du dernier Euro, ils ont des joueurs de valeur. C'est ce qu'il faut mettre en exergue.
Que pensez-vous du fait de ne pouvoir disputer aucun match de préparation avant le Mondial ?
C'est malheureux, mais ce sont les dates qui sont comme ça avec le fait d'avoir une compétition l'hiver. C'est inédit et Didier dit souvent qu'il faut s'adapter. Il utilise souvent cette phrase et là, c'est de circonstance. Il va vraiment falloir s'adapter.
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