Equipe de France : Warren Zaïre-Emery, itinéraire d'un surdoué discret qui brûle les étapes
"Si j’étais sélectionneur, je le convoquerais". Son entraîneur Luis Enrique, qui le côtoie tous les jours au PSG, était dithyrambique une semaine plus tôt. Didier Deschamps a suivi son avis en appelant Warren Zaïre-Emery pour la première fois avec l’équipe de France, jeudi 9 novembre. Habitué à évoluer avec des joueurs plus âgés que lui depuis son enfance, le milieu de terrain parisien va connaître le plus grand surclassement possible, en rejoignant les Bleus à seulement 17 ans et 8 mois. Et si Didier Deschamps lui donne du temps de jeu contre Gibraltar (18 novembre) ou la Grèce (21 novembre), il deviendra le plus jeune joueur à porter le maillot de l’équipe de France A de l’après-guerre.
Il n'a "que" 45 matchs professionnels, mais "évolue comme un joueur qui a déjà dix ans de carrière", analyse Hervé Guégan, entraîneur en charge des séances individuelles pour les U17 et U19 du PSG, qui a coaché Zaïre-Emery lorsqu’il avait 14 ans et qu’il évoluait avec... les U16. "Il est en avance sur les prises de décision, dans la gestion des émotions… Je ne suis pas médecin, mais je suis persuadé que tout se joue dans son cerveau. Le terrain est plat, mais c’est comme s’il était sur une butte, il voit tout avec plus de hauteur", complète Zizek Belkebla, l'un de ses premiers formateurs au FCM Aubervilliers.
C'est pour ces qualités démontrées au PSG, que Didier Deschamps a annoncé son nom, tout sourire, dans la liste pour le rassemblement de novembre. "S’il continue comme ça, c’est un candidat sérieux, avec une maturité incroyable", affirmait-il un mois plus tôt, lorsque le Parisien, était alors capitaine des Espoirs pour ses trois premières sélections en septembre-octobre dernier. Devenu titulaire indiscutable au PSG, Warren Zaïre-Emery a effectivement continué "comme ça", avec des prestations de très haut niveau ponctuées de deux buts et deux passes décisives sur les quatre dernières rencontres. Des performances qui n’étonnent personne parmi ses formateurs. "C’est difficile de trouver un défaut à Warren. C’est quelqu’un de bien élevé, de très réfléchi, et sur le terrain, il est très intelligent, il a un très gros potentiel, un très gros bagage technique. Ce qu’il fait aujourd’hui ce n’est pas forcément une surprise", résume Hervé Guégan.
Déjà à l'aise balle au pied à quatre ans et demi
Précoce, le jeune milieu de terrain l’était déjà quand il a commencé le foot, dans les pas de son papa passé par le Red Star entre 1996 et 1998. "Il n’habitait pas loin du stade à Aubervilliers, et son père était éducateur au club. Il était aux basques de son père, comme Kylian Mbappé l’était avec le sien à Bondy, se souvient Zizek Belkebla, son formateur également consultant Canal +. Il avait toujours un ballon à la main, et à quatre ans et demi-cinq ans, il le conduisait déjà rapidement. On l’a laissé jouer, alors que, normalement, on ne fait pas d’inscription avant six ans pour les enfants". A cinq ans, Warren Zaïre-Emery bénéficie donc d’une exception pour jouer avec des enfants de six ans, puis à sept ans, il s’invite aux entraînements de ceux de neuf ans.
"C’était déjà presque trop facile pour lui. Les enfants me demandaient à chaque fois pourquoi je ramenais le petit, et je leur répondais de se taire, d’aller jouer, et de regarder. Il était petit et maigre, se faisait tamponner, mais il ne bronchait pas, et n’avait pas peur."
Zizek Belkebla, formateur de Warren Zaïre-Emery à Aubervilliersà franceinfo: sport
Rapidement, le formateur se rend compte qu’il a sous ses yeux un phénomène. "Il avait un don. On n’a pas fait grand-chose, on l’a juste aidé un peu. Mais à huit ans, on constate déjà qu’on est allé au bout des choses avec Aubervilliers, on estime qu’on ne peut plus le faire progresser comme il faudrait, donc on propose à un ami du PSG de venir le voir. Il a passé les détections facilement", se souvient Zizek Belkebla. Au sein du club parisien, le jeune Warren est une nouvelle fois surclassé. "C’est rare au PSG, parce qu’on estime que les garçons doivent jouer avec leur catégorie d’âge, pour leur développement, la prise de confiance, puis c’est cohérent parce que les groupes sont de très bons niveaux. Mais pour lui, les étapes étaient déjà simples à franchir", explique Abdou Fall, son formateur en U10, désormais entraîneur adjoint des U19 du Stade de Reims.
"Il était largement au-dessus des autres, et tout le monde le savait"
Sous le maillot parisien, le statut de Warren Zaïre-Emery change, et plus personne ne se demande pourquoi le "petit" évolue avec des plus vieux. "Ses coéquipiers ne le voyaient pas comme le petit jeune, parce qu’il était largement au-dessus des autres, et tout le monde le savait", poursuit Abdou Fall. Le joueur sort du lot, les éducateurs parlent de lui, mais le milieu de terrain garde la tête sur les épaules. "Il venait à l’entraînement avec un grand plaisir, et sa famille est top parce qu’elle l’a toujours accompagné sans lui mettre la pression. Il fait du foot pour s’amuser", raconte le formateur, qui est resté proche du clan Zaïre-Emery.
Et s'il est décrit comme un garçon discret, son talent commence tout de même à faire du bruit au sein du centre de formation parisien. "Ça fait quelques années que j’entraîne, et je n’ai jamais vu un joueur de cet âge-là à ce niveau-là. Quand il ne joue pas, on se rend compte que l’équipe n’a pas le même niveau", confie Hervé Guégan, alors que le PSG a tout de même formé des joueurs comme Adrien Rabiot, Presnel Kimpembe ou encore Kingsley Coman ces dernières années. Conscient de son talent, le Titi parisien ne se repose toutefois pas sur ses acquis. "C’est un garçon qui est un acharné de travail, perfectionniste. Ce n’est pourtant pas ce qui ressort en général chez les jeunes garçons qui savent qu’ils ont du talent", assure Abdou Fall.
A l’heure de taper à la porte de l’effectif professionnel, Warren Zaïre-Emery brûle une nouvelle fois les étapes, et enchaîne les records de précocité. Il dispute ses premières minutes en Ligue 1 à 16 ans et 151 jours, devenant le plus jeune joueur à jouer un match officiel sous le maillot du PSG. Christophe Galtier lui donne du temps de jeu petit à petit, sans trop l’exposer, avant que son successeur, Luis Enrique, en fasse un titulaire indiscutable cette saison. Contre l'AC Milan au match aller en Ligue des champions, il devient ainsi le plus jeune joueur de l’histoire du Paris Saint-Germain à compter déjà 20 titularisations, à seulement 17 ans et 231 jours.
Devenu le chouchou des supporters, le discret Warren Zaïre-Emery s’ouvre de plus en plus. "Il y a dix ans, je n’aurais pas mis un euro sur le fait qu’il prenne le mégaphone pour chanter avec la tribune comme il l’a fait après le match contre Marseille", rigole Abdou Fall. Ephémère capitaine des Bleuets, où Thierry Henry l’a poussé à s'affirmer un peu plus, le Parisien va désormais devoir se faire une place en Bleu. Sûrement pas en tant que leader de vestiaire pour débuter, mais peut-être rapidement en tant que leader technique au milieu de terrain, entouré de joueurs plus âgés… comme toujours.
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