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Football : on vous raconte le Mondial féminin de 1971, une compétition "oubliée" de l'histoire mais pas des "pionnières"

La finale de la Coupe du monde féminine de football 2023 a lieu dimanche 20 août entre l’Espagne et l’Angleterre. C'est le 9e Mondial féminin, officiellement en tout cas... En 1971, une compétition internationale a eu lieu au Mexique mais elle n'a jamais été reconnue.
Article rédigé par franceinfo - Aurore Richard
Radio France
Publié
Temps de lecture : 9min
Les joueuses de l'équipe de France, le 7 août 1971 à Paris, juste avant de partir au Mexique pour leur première Coupe du monde. (MARCEL BINH / AFP)

Quelle équipe féminine de football va devenir championne du monde dimanche 20 août ? La victoire de cette 9e édition va se jouer entre l’Espagne et l’Angleterre. La première édition remonte, quant à elle, à 1991, ou plus exactement, la première édition organisée par la Fifa, la Fédération internationale de football. En réalité, d’autres Mondiaux ont été organisés avant 1991 mais ils n’ont jamais été reconnus officiellement par la Fifa.

La France a en fait participé à sa toute première Coupe du monde dès 1971, au Mexique, un Mondial "oublié" des documents officiels, presque effacé de l’histoire du football féminin.

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En 1970, des hommes d’affaires italiens décident d’organiser la toute première Coupe du monde féminine de football de l’histoire. La compétition a lieu en Italie, largement sponsorisée par la marque d’alcool Martini Rossi. Devant le succès financier de cet événement, ils décident de renouveler l’expérience un an plus tard, en 1971, toujours avec le même sponsor. Tout se déroule cette fois au Mexique. Six équipes participent : le Danemark qui a remporté l’édition de 1970, le Mexique, pays hôte, l’Argentine, l’Italie, l’Angleterre et la France.

L'équipe tricolore est alors représentée, quasi exclusivement, par les footballeuses du Stade de Reims. Le club a créé une section féminine dès 1968. Les joueuses, principalement des lycéennes et des étudiantes, sont entraînées par Pierre Geoffroy qui les fait participer à des "tournées" un peu partout dans le monde, le week-end et pendant les vacances scolaires. C’est lui qui part donc au Mexique avec cette "équipe de France". Dans ses rangs, en 1971, il y a notamment Ghislaine Souef, 18 ans, milieu de terrain, surnommée "Gigi" par ses coéquipières, et Nicole Mangas, défenseure alors âgée de 21 ans.

Le mois qui précède ce premier Mondial, les joueuses font un stage d’entraînement près de Reims, à "La Sablière". "En temps normal, on avait deux entraînements par semaine, donc avec quatre heures d’entraînement, on n’était pas des athlètes de haut niveau", reconnaît Ghislaine. Nicole se rappelle surtout à quel point elle en a "bavé dans le sable" lors de ce stage de préparation que Pierre Geoffroy qualifie d’ailleurs d’"artisanal" dans une interview de l’époque. 

En août 1971, les Françaises prennent l’avion direction le Mexique. Les billets sont tous pris en charge par le sponsor italien, Martini Rossi, qui finance aussi le logement. "On était dans des hôtels très luxueux, avec piscine, il y avait beaucoup de moyens", raconte Gigi. En revanche, l’équipement des joueuses n’est lui pas pris en charge, souligne-t-elle, "Pierre Geoffroy est allé voir Adidas, le Coq sportif donc on a été habillées des pieds à la tête. Les usines de confection, d’habillement, de Reims nous ont aussi fait une saharienne et un petit chapeau pour la photo de présentation". Ce n’était pas le cas de toutes les équipes : Nicole se souvient des Argentines, arrivées "sans chaussures, sans maillot, sans rien".

De la peinture rose et blanche pour les cages

Les matchs se jouent en partie au stade Azteca à Mexico et, pour nos Françaises, à Guadalajara. "On prenait un bus, précise Ghislaine. On roulait une heure sur du bitume, et deux heures vraiment dans le sable, les cailloux". Le bus des Danoises est d’ailleurs tombé en panne en plein désert, elles sont restées bloquées pendant plusieurs heures, et c’est le bus de la sélection italienne qui est finalement venu les récupérer, comme l’explique Thibault Rabeux, dans son livre Football féminin : les Coupes du monde officieuses.

Ce dernier explique aussi que sur le terrain, les poteaux des buts sont peints en rose et blanc pour l’occasion, et que les interprètes et traductrices sont vêtues en rose. Thibaut Rabeux cite le président du comité d’organisation de ce Mondial, Jaime De Haro, qui expliquait au New York Times vouloir "mettre l’accent sur la féminité, car le football et les femmes sont la combinaison des deux passions de la majorité des hommes à travers le monde".

Dans son ouvrage, il indique aussi que des supporters mexicains sont venus faire du bruit toute la nuit sous les fenêtres de l’hôtel des Italiennes la veille de la demi-finale Mexique-Italie, un match que ces dernières perdront. Lors de la finale Mexique-Danemark, pour éviter de vivre le même scénario la veille du match, le Danemark a donc demandé à son ambassade de trouver des ressortissants pour héberger les joueuses ailleurs qu’à l’hôtel.

Pour Nicole, "tout était fait pour que le Mexique aille en finale", vraisemblablement pour remplir les stades. "Rien qu’au départ, les six équipes étaient divisées en deux groupes. Nous, la France, on était avec l’Italie et les championnes en titre, les Danoises. Le Mexique, lui, était avec l’Argentine, arrivée sans rien, et l’Angleterre, une équipe pas folichonne à l’époque", estime la défenseure. 

Même si la France termine 5e, avant-dernière donc de ce Mondial, Nicole et Ghislaine gardent un souvenir très ému de ce premier Mondial féminin pour les tricolores. "Ce n’est pas tous les jours qu’on en joue, je n'en ai joué qu’un. J’avais des frissons. Quand vous rentrez sur le terrain, vous n’avez plus de jambes, et puis vous ratez le premier ballon, le deuxième, peut-être le troisième et vous vous dites ‘maintenant il faut jouer au foot'", explique Gigi. Le mot qui revient à la bouche de Nicole pour parler de cette Coupe du monde, c’est "exceptionnel". "Rien que d’y penser, je suis très émotive, c’est dur", dit-elle.

"La Marseillaise, c’est la France, et quand on rentre sur le terrain, qu’on entend la Marseillaise, c’est quelque chose. J’en pleure encore"

Nicole Mangas, défenseure de l'équipe de France

à franceinfo

"Quand j’étais sur le terrain, je n’arrivais pas à chanter parce que j’avais un nœud à la gorge. Et puis, ça me transcendait aussi, parce que justement, on représentait la France", poursuit-elle.

Les deux joueuses se souviennent aussi de la foule en tribunes, de l’ambiance survoltée dans les stades. "Pour la finale au stade Azteca, il y avait plus de 110 000 spectateurs. On parle souvent du record des Catalanes, mais là, c’était énorme", assure Ghislaine qui fait référence au record officiel d’affluence pour un match féminin de football, avec un peu plus de 91 600 personnes, c'était lors de la demi-finale de Ligue des Champions, en avril 2022, entre le FC Barcelone et Wolfsburg. 

L’événement a été très suivi au Mexique, et la couverture médiatique très importante. "On était suivies partout par des journalistes, on signait des autographes, on était des vedettes, décrit Nicole. Et quand on est rentrées en France, nos mères nous ont dit ‘hop, défaites vos valises, lavez vos affaires’ et on est retournées à la vie de tous les jours". Ce retour à l’anonymat était un moindre mal selon Nicole, qui se rappelle qu’en Angleterre, à la suite de cette Coupe du monde, la fédération a interdit aux femmes de jouer au football et de représenter leur pays. 

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Aujourd’hui, 52 ans après, Ghislaine et Nicole revendiquent fièrement leur surnom de "pionnières". "J’aime à dire qu’on est les fondations, et que chaque génération a mis sa pierre, pour arriver où on en est aujourd’hui", assure Gigi. Nicole regrette d’ailleurs que ce Mondial 1971 n’ait aucune reconnaissance officielle : "C’est comme si nous n’avions pas joué avec l’Equipe de France. Le début de la nouvelle ère du football féminin, c’était nous. Et je trouve que cela devrait faire partie du football féminin français. Je suis une pionnière".

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