France-Grèce : près de vingt ans après son sacre à l’Euro 2004, que vaut la sélection grecque ?
Dix-neuf ans plus tard, la Grèce va tenter de renverser une montagne. La sélection hellénique se dresse sur la route des Bleus, lundi 19 juin, pour un premier France-Grèce en compétition officielle depuis le quart de finale de l'Euro 2004. Le 26 juin de cette année-là, la sélection de Jacques Santini s'était inclinée à la surprise générale sur une tête d'Angelos Charisteas (1-0). Un très mauvais souvenir dans l'histoire de l'équipe de France, mais surtout un exploit mémorable pour la Grèce.
L’épopée ne s’était pas arrêtée là pour l'équipe d'Otto Rehhagel, qui avait conquis l’Europe, alors que personne n’aurait misé un sou sur elle, en battant le Portugal en finale (1-0). Près de vingt ans plus tard, le constat est clair : la sélection n'a pas réussi à fructifier le plus gros accomplissement de son histoire. Elle est aujourd'hui engluée à une pâle 52e place au classement FIFA.
Ce titre à l’Euro a surpris les Grecs eux-mêmes. "Ça n’a rien produit parce que le pays n’était pas prêt à gérer un titre comme ça. Il n’avait pas la structuration nécessaire pour en faire un élément déclencheur vers de la réussite", soutient Martial Debeaux, journaliste spécialiste du football grec. Entre 2004 et 2023, il y a certes eu un quart de finale à l’Euro 2012 et un huitième de finale à la Coupe du monde 2014. Mais à part ces petites percées, on notera surtout l'absence totale de la Grèce de toutes les compétitions majeures depuis le Mondial au Brésil. La faute en partie à "des clubs qui n’ont jamais évolué vers le football moderne au détour des années 2010", d'après Martial Debeaux.
Un renouveau avec Gustavo Poyet
"Le football grec est basé sur un modèle économique qui n’est plus viable. Il ne mise pas sur le trading. Les joueurs en fin de carrière ont des gros salaires. Les jeunes joueurs n’ont pas beaucoup de temps de jeu. Tout ça fait que c’est la sélection qui en pâtit", analyse le spécialiste du football hellénique. Ce dernier pointe également la "mauvaise atmosphère qui règne autour du football grec : la violence des fans, la pression sur les joueurs et la défiance des clubs envers la Fédération". La FIFA et l’UEFA ont notamment dû venir en aide aux instances ces dernières années pour régler des problèmes endémiques de corruption.
En bout de chaîne, la sélection grecque n'est pas parvenue à progresser. D'outsider dans les grandes compétitions, la Grèce est devenue une nation inoffensive. Lors des deux premières éditions de la Ligue des nations, elle a terminé derrière la Hongrie, la Finlande ou encore la Slovénie dans la troisième division de la compétition. Mais une nouvelle dynamique a été enclenchée depuis l'arrivée en février 2022 du sélectionneur Gustavo Poyet.
L’Uruguayen, ancien coéquipier de Didier Deschamps à Chelsea (2000-2001), est connu des observateurs du football français pour avoir joué à Grenoble (1988-1989) et entraîné Bordeaux (2018). Avec lui, la Grèce a remporté son groupe lors de la dernière édition de la Ligue des nations, devant le Kosovo, l’Irlande du Nord et Chypre. "Ce qui a changé avec Poyet, c’est que la Grèce est capable de battre les adversaires à sa portée, ce qui n’était pas le cas avant", relève Martial Debeaux.
Deschamps méfiant
Affronter la France sera une autre paire de manches. "Il va falloir jouer à un niveau exceptionnel pour espérer prendre un point", a concédé Gustavo Poyet en conférence de presse, dimanche, dans un Français presque parfait. Le sélectionneur ne voit qu'un seul scénario permettant à son équipe de créer l’exploit : "Il faut qu’on soit au top et que la France soit en dessous. Dans ce cas, on pourra le faire mais sinon, ça va être difficile."
Face à elle, l’équipe de France devrait trouver un bloc compact et des joueurs agressifs, dans le plus pur style du sélectionneur uruguayen. Des qualités qui ne sont pas sans rappeler celles de la sélection qui avait éliminé les Bleus en 2004. "On va avoir un très bel adversaire face à nous", s'est méfié Didier Deschamps, deux jours après avoir vu ses joueurs manquer de rythme face à Gibraltar et donnant l'impression d'arriver en bout de course au terme d'une saison éreintante.
Les nuls obtenus en 2021 en Espagne (1-1) et en Belgique (1-1) ont montré que la Grèce était capable de jouer les poils à gratter. Emmenée par son capitaine Anastasios Bakasetas, elle s'est imposée contre l'Irlande vendredi (2-1). Elle est pour l'instant le plus proche adversaire des Bleus dans le groupe B avec six points pris sur six possibles et tentera peut-être de "trouver dans ce match l’étincelle qui permettra de raviver l’engouement du public grec pour la sélection", d'après les mots de Martial Debeaux. Aux Bleus de tuer ce projet dans l’œuf pour accroître leur avance sur elle et maintenir leur cap vers l’Euro 2024.
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