Foot : Helena Costa à Clermont, enfin la preuve que les femmes peuvent entraîner les hommes ?
La nouvelle coach du Clermont Foot, club qui évolue en Ligue 2, va devoir faire mentir l'histoire et les préjugés. Bon courage...
La nouvelle a surpris tout le monde, mercredi 7 mai. Le Clermont Foot (Ligue 2) publie un communiqué sur son site, annonçant l'arrivée au poste d'entraîneur de la Portugaise Helena Costa, ex-recruteuse du Celtic Glasgow qui a coaché les équipes de jeunes du Benfica Lisbonne, ainsi que l'équipe nationale d'Iran. Francetv info a demandé confirmation au club : "Ce n'est pas un coup de pub", a répondu Clermont Foot. Pourtant, la tâche d'Helena Costa, outre d'assurer le maintien du club en Ligue 2 la saison prochaine, s'annonce immense.
"Un grand pas en avant"
"On ne peut pas dire que le plafond de verre soit cassé, il se fissure, et c'est déjà un grand pas en avant", réagit Béatrice Barbusse, qui a été la seule femme à présider un club professionnel masculin en France, le club de hand d'Ivry (Val-de-Marne). Les exemples de femmes coachs dans le sport de haut niveau sont rarissimes. Il y a environ 11% d'entraîneurs nationaux femmes en France, révélait récemment un rapport du Sénat.
A compétence égale, les hommes partent avec plusieurs longueurs d'avance. L'ex-joueuse de tennis Amélie Mauresmo avait raté d'un cheveu la tête de l'équipe de France de Coupe Davis. Le commentaire de Guy Forget, alors capitaine de l'équipe, n'avait pas aidé les dirigeants à se défaire des préjugés encore tenaces dans le sport de haut niveau. "Amélie est une femme formidable, elle a toutes les qualités pour diriger une équipe d’athlètes de très haut niveau. Est-ce que ça passerait avec des garçons ? Je suis un peu sceptique parce qu’à certains moments, il faut les mettre à l’endroit", avait-il déclaré sur RMC.
N'allez pas croire que c'est limité à la France. Les athlètes féminines britanniques se sont émues que seules 2 femmes sur 43 fassent partie du staff envoyé aux championnats du monde d'athlétisme de Moscou, en 2013. "L'athlétisme est un sport sexiste", a lâché, dans le Guardian (lien en anglais), l'entraîneuse Christine Bowmaker, qui explique qu'elle a proposé de coacher le relais 4x100 m bénévolement, mais qu'on lui a préféré quelqu'un d'autre.
"Tous les jours, je devais démontrer quelque chose"
Sur les quinze dernières années, on ne recense qu'une poignée de cas d'entraîneuses de foot de haut niveau. En Italie, le club de Viterbese (troisième division) avait, le premier, engagé Carolina Morace, ex-internationale devenue avocate, en 1999. L'initiative avait été couronnée de succès, avec un début de saison prometteur. "Au début, c'était assez dur, confiait-elle sur France 2. Tous les jours, je devais démontrer quelque chose. Aujourd'hui, les joueurs ont compris que je parle de foot comme n'importe quel entraîneur." Les joueurs, oui, mais pas le président, qui la remercie après quelques semaines seulement, sans raison sportive. Il aurait pris ombrage de la popularité de son entraîneuse, qui attirait les caméras du monde entier... En Bolivie, Hilda Ordonez a cru à une blague de son président quand il lui a proposé, en 2013, le poste d'entraîneur de l'équipe de Sport Boys, en première division, raconte Sharkfoot. Avant qu'elle accepte, il a fallu qu'il insiste : "Ne rigolez pas, c’est une proposition sérieuse !"
"Pourquoi il y a si peu de femmes entraîneuses ? Il y a un constat sociologique, explique Béatrice Barbusse. Plus on se rapproche des fonctions valorisées, en l'occurrence près du terrain, moins il y a de femmes. Et si on veut recruter une femme entraîneuse, encore faut-il la trouver ! Pour mon livre Etre entraîneur sportif, j'avais demandé à deux coachs femmes de handball et de volley si elles voulaient entraîner des hommes. Spontanément, la réponse était 'oui', mais après, elles se sont autocensurées : pas au haut niveau, ou alors il fallait attendre qu'elles prennent davantage confiance en elles. Il faut des modèles pour montrer que c'est possible."
Avoir des modèles, ça se travaille dès le plus jeune âge, explique Mary DiStanislao, en charge de l'athlétisme à l'université de Penn State (Pennsylvanie, Etats-Unis), citée par ESPN (en anglais) : "Les garçons et les filles sont habitués à avoir des entraîneurs hommes. Et en grandissant, ils deviennent des sportifs qui ne conçoivent pas d'avoir une entraîneuse."
"Helena Costa a du cran !"
Même dans les pays les plus avancés en matière d'égalité homme-femme, le sport est bien à la traîne. En Suède, la campagne pour confier le poste de sélectionneur national des camarades de Zlatan Ibrahimovic à Pia Sundhage a fait un flop. Son palmarès d'entraîneuse est pourtant flatteur : sous sa direction, l'équipe féminine de football des Etats-Unis a remporté deux fois l'or olympique et a été finaliste de la Coupe du monde.
Aux Etats-Unis, un organisme indépendant a donné une bonne note à la NBA en matière d'égalité homme-femme... même si aucune femme n'est présidente de club ou entraîneur. Outre-Atlantique, elles cumulent les postes de vice-président, sans réel pouvoir.
Helena Costa va hériter de la lourde charge d'être une pionnière. "Elle a du cran, renchérit Marinette Pichon, ancienne joueuse et meilleure buteuse de l'équipe de France, contactée par francetv info. Clermont n'est certes pas un club très exposé, mais il faut quand même qu'elle assure. Son recrutement montre déjà que nous sommes capables de rivaliser avec les hommes."
Reste à exploser au plus haut niveau. La seule femme aperçue en Ligue 1, c'est Nelly Viennot, arbitre assistante, et la seule en Ligue des champions, c'est la kiné de Chelsea, qui fait des ravages auprès des téléspectateurs. C'est d'ailleurs à ce poste que se concentrent les femmes dans le sport professionnel en France. Au Clermont Foot, par exemple : "Nous, on a déjà une kiné, elle nous voit en caleçon toute la journée", sourit le défenseur Jacques Salze, sur 20 Minutes.fr.
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