Foot : "ll faudra compter avec l'Arabie saoudite", estime un spécialiste en géopolitique du sport
L'Arabie saoudite est-elle devenue le nouvel eldorado du football ? "Il faudra compter avec eux", assure lundi 5 juin sur franceinfo Jean-Baptiste Guégan, spécialiste en géopolitique du sport. Après Cristiano Ronaldo qui a rejoint le club d'Al Nassr, les deux stars du football Karim Benzema et Lionel Messi sont annoncées avec de plus en plus d'insistance dans le Golfe. "Aujourd'hui, on ne peut plus faire un état des lieux du football sans regarder ce qui se passe dans le Golfe", assure Jean-Baptiste Guégan. Il loue le fort potentiel de l'Arabie saoudite qui a été la seule équipe nationale à battre l'Argentine lors de la Coupe du monde au Qatar. "On a plus de 30 millions de Saoudiens et 60 % ont moins de 30 ans", a-t-il souligné.
franceinfo : Peut-on faire le parallèle avec les États-Unis et l'arrivée de Pelé et Beckenbauer à la fin des années 70 ?
Jean-Baptiste Guégan : C'est intéressant de le faire parce que derrière, il y a la volonté de montrer que ce championnat existe. Il y a la volonté aussi de montrer que ce championnat veut être compétitif. Pour l'Arabie saoudite, c'est aussi intéressant et c'est la différence avec les États-Unis, c'est que vous allez avoir potentiellement trois Ballons d'or dans le championnat, ça n'est jamais arrivé. L'Arabie saoudite n'a vu sur son sol que Hristo Stoitchkov pour quelques matches. On est sur une volonté de peser à la fois à l'échelle internationale, d'en faire le premier championnat d'Asie et du Golfe, évidemment, et en même temps de satisfaire la population locale, chose qu'on oublie souvent.
L'objectif est politique, mais aussi sportif ?
L'ambition, c'est aussi que le club qui va gagner la Ligue des champions asiatique puisse ensuite participer au championnat du monde des clubs et passe enfin l'obstacle des demi-finales, pour aller gagner le titre suprême face aux grandes équipes européennes. C'est aussi pour ça que ces Ballons d'or vont là-bas. Ils peuvent être le premier Ballon d'or a gagner à la fois la Ligue des champions européenne et asiatique. Il y a aussi une dimension sportive qu'on oublie.
Le succès de la Coupe du monde au Qatar et la victoire de l'Arabie saoudite contre l'Argentine ont créé une dynamique ?
C'était déjà engagé bien avant la Coupe du monde. En revanche, c'est venu confirmer le poids du football et sa capacité à la fois à mobiliser les Saoudiens et les acteurs extérieurs. Tous les signaux étaient au vert pour encore accélérer.
"Il y a d'autres joueurs qui pourront venir. On pense à Ramos, notamment, le défenseur du PSG"
Jean-Baptiste Guégan, spécialiste en géopolitique du sportà franceinfo
C'est une volonté de déplacer le centre du football de l'Europe vers l'Asie ?
On voit que l'Arabie saoudite, avec le Qatar et les Émirats, commence à déplacer le centre de gravité du football. Aujourd'hui, ça ne se mesure pas en termes de performances. Mais on a vu avec la Coupe du monde au Qatar qu'aujourd'hui, l'argent était là-bas. On les voit investir dans des réseaux de clubs. On voit le Qatar, l'Arabie saoudite qui sont en train de développer ce type de structures en multipropriété. Aujourd'hui, on ne peut plus faire un état des lieux du football sans regarder ce qui se passe dans le Golfe et, aujourd'hui, ce que fait l'Arabie saoudite.
D'autres ont essayé avant, comme les États-Unis et la Chine, mais sans grand succès. Le défi est grand pour l'Arabie saoudite ?
On verra dans le temps. Il y a encore six mois, personne ne connaissait le club d'Al-Nassr [où évolue Cristiano Ronaldo]. Aujourd'hui, tout le monde en parle. Le club d'Al-Ittihad [où est annoncé Karim Benzema], personne n'en parlait. Aujourd'hui, on revient dessus. On n'a jamais autant parlé de l'Arabie saoudite et de football là où avant, on parlait surtout du Qatar. C'est déjà une première réussite. Après, pour le niveau, on a pu voir que l'Arabie saoudite, quand elle était bien coachée et préparée, était capable de rivaliser. C'est la seule équipe qui a été capable de battre l'Argentine [à la Coupe du monde 2022]. Ça ne veut pas dire que sur le long terme, ça va durer, loin de là. Mais aujourd'hui, on a une vraie volonté de structurer. Et puis il y a une population derrière. Ce n'est pas le Qatar avec ses 300 000 ressortissants. Il y a plus de 30 millions de Saoudiens et 60% ont moins de 30 ans. Il faudra compter avec eux.
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