Ligue des champions : des études au football, le Lillois Ayyoub Bouaddi, sans fausse note

Son visage d'adolescent est en Une de L'Equipe, un lendemain de victoire historique de Lille contre le Real Madrid (1-0). Ayyoub Bouaddi, titulaire contre le géant d'Europe le jour de ses 17 ans, avait rayonné pendant 86 minutes. Un oubli, une perte de balle, presque fatale à quelques minutes d'un succès historique avait rappelé que l'enfant de Creil n'est pas encore majeur à l'heure d'affronter le Sturm Graz, mercredi 11 décembre (à 18h45), à l'occasion de la 6e journée de Ligue des champions.

Depuis, le milieu de terrain nordiste a prouvé qu'il savait faire oublier ses fausses notes. La réponse du n°32 lillois est intervenue un mois plus tard, avec un statut d'homme du match contre la Juventus de Turin. Leny Yoro parti, les supporters lillois semblent déjà avoir trouvé une nouvelle coqueluche issue du centre de formation, à même de prendre la relève un cran plus haut sur le terrain.

Les pieds et la tête bien faits

Un cran plus haut, voire au-dessus, c'est d'ailleurs un peu la grande rengaine de la vie d'Ayyoub Bouaddi, et pas question de parler uniquement de foot. Bachelier à 16 ans, avec un an d'avance, il a obtenu la mention très bien dans la série scientifique. Preuve qu'il tourne rond, il s'est, depuis, lancé dans une licence de physique et mathématiques, alors même qu'il a déjà signé son premier contrat pro à l'été 2023, à 15 ans et demi.

Raillé en équipe de France espoirs par Rayan Cherki, qui le surnomme Einstein, le jeune milieu a expliqué son choix de poursuivre des études, malgré un futur assuré : "Ça m'apporte quelque chose, ça permet de garder [mon] esprit éveillé. On sait qu'aujourd'hui, dans le football moderne, la tactique est très importante."

En plus de son bac et de sa signature en pro, il a remporté, à l'été 2023, le premier prix de la finale du concours d'éloquence des centres de formation à l'Elysée. Une personnalité assurée sur et en dehors du terrain qui joue en sa faveur, comme se souvenait en 2023 pour la Voix du Nord, Mickaël Delestrez, ancien directeur du centre de formation du Losc. "On a très vite décelé un joueur très intelligent, avec beaucoup d'humour, capable de blaguer avec des adultes dans des situations où de nombreux jeunes de son âge sont très timides."

Auteur d'une prestation impressionnante de sérénité pour sa première titularisation en C1, avec 98% de passes réussies contre le Real, le dernier diamant du Domaine de Luchin épate et continue de confirmer tous les espoirs placés en lui. Pas une surprise pour Sébastien Pennachio, qui l'a entraîné une saison en U19, alors qu'il avait tout juste 15 ans : "C'est un garçon à part, en avance sur le plan mental, confie-t-il à franceinfo: sport. Il a des qualités athlétiques très importantes et la capacité de s'approprier très rapidement les conseils qu'on lui donne. Il sait occulter les contextes pour se focaliser sur ce qu'il doit faire. Il n'a jamais été perturbé par l'extérieur et est accompagné par une famille extraordinaire. Vous pouvez le faire jouer contre le Real, il est fiable, il se met rapidement au niveau sur l'intensité". 

Attention à la marche

A peine ses bougies soufflées, voilà que Bouaddi a presque automatiquement hérité, au-delà du statut de pépite, de celui de sauveur de l'entrejeu lillois, alors qu'André Gomes, Hákon Haraldsson et Ethan Mbappé étaient blessés. Mais sa présence répétée dans le 11 de départ et ses performances remarquées ne doivent pas faire oublier son âge.

L'exemple Warren Zaïre-Emery, qui connaît une période de stagnation, est d'ailleurs encore frais, puisque les deux joueurs ont fait leurs débuts et ont connu leur première cape en coupe d'Europe et en Ligue 1 avant leurs 17 ans. Avec même plusieurs mois d'avance pour le Lillois, devenu le plus jeune joueur de l'histoire des coupes d'Europe et le plus jeune de Ligue 1 au XXIe siècle. Sur le plan international, pas sûr cependant que les deux joueurs se retrouvent car Ayyoub Bouaddi, qui était de la dernière sélection des Espoirs de l'équipe de France, hésite encore entre le Maroc ou les Bleus pour son avenir.

"Ce n’est pas facile d’avoir un joueur de 16 ans capable de jouer comme il le fait", reconnaissait, en janvier dernier, Paulo Fonseca, l'entraîneur qui a lancé Ayyoub Bouaddi en professionnel. "On est là pour l'aider, le guider, le soutenir quand ça va moins bien", prolongeait Bruno Génésio cet été, au diapason de son prédécesseur portugais sur le banc lillois. S'il a d'abord utilisé avec parcimonie son jeune talent, de retour d'une grosse blessure à la cheville contractée durant la préparation, l'ancien coach de l'OL et de Rennes n'hésite plus. Prolongé en juin 2024 jusqu'à l'été 2027, il s'inscrit comme un maillon essentiel du Losc, dans un futur proche, et plus si affinité.