Football : sous le maillot, le message perso
Ce sont des déclarations politiques, intimes ou religieuses, et elles apparaissent quand un joueur marque un but ou à la fin du match. Décryptage.
"Keep calm and pass me the ball". Le message affiché par l'attaquant de Fulham, Dimitar Berbatov, après son but, mercredi 26 décembre, visait à inspirer confiance à ses jeunes coéquipiers dans la course au maintien en Premier League, la première division anglaise. Si les effets sur le moral de l'équipe ne sont pas mesurables tout de suite, l'omniprésence de Berbatov dans la presse sportive ne souffre d'aucune contestation. Plus de vingt ans après le début de cette pratique, un footballeur qui écrit sur un tee-shirt est toujours un événement. Décryptage.
Interdit par la FIFA, encouragé par des clubs
En théorie, le règlement de la FIFA l'interdit (PDF en anglais, p. 4). En théorie seulement, car la FIFA n'a pas bronché quand le Daily Mail (lien en anglais) a révélé que c'est l'intendant de Manchester City, club roi du tee-shirt sous le maillot, qui les imprimait pour les joueurs. City où le "Why always me ?" ("Pourquoi toujours moi ?") de l'attaquant italien Mario Balotelli a fait un carton à la boutique du club.
Personne n'est capable de dater précisément le début de la mode des tee-shirts à message. Le Guardian évoque comme date plausible le début des années 1990, lors de la création de la Premier League, propulsée par la chaîne à péage BSkyB. Une révolution pour l'époque : tous les matchs étaient télévisés et visibles par des millions de téléspectateurs, ce qui a poussé les joueurs à préméditer leurs manifestations de joie. La fin de carrière du Britannique Ian Wright et l'arrivée outre-Manche du Français Thierry Henry, tous deux à la pointe de l'attaque d'Arsenal à l'époque, ont popularisé la mode du tee-shirt écrit, jusqu'à aujourd'hui.
Romario, Thierry Henry et l'Entente Odenas, même combat
Dès les balbutiements du tee-shirt à message, on distingue les trois grandes catégories qui rythment les séquences insolites des émissions de foot : le message personnel, le politico-religieux et le n'importe quoi. Thierry Henry a ainsi salué en 1999 la naissance de l'enfant de son amie Sharleen Spiteri, chanteuse du groupe Texas, par un mot sous le maillot. C'est par tee-shirt également que le capitaine légendaire de l'AS Roma, Francesco Totti, rappelle sa flamme à son épouse. Premier message : "c'est toi et toi seule". Le second : "tu es toujours unique". Même le nouveau roi du débardeur, Mario Balotelli, s'est fendu d'un "Raffaella ti amo" envers sa compagne... avec qui il se déchire dans la presse désormais. A chaque fois, ces messages d'amour sont sanctionnés d'un carton jaune, même quand l'attaquant brésilien Romario, pour son match d'adieu avec la sélection nationale, apprend au monde entier, via un marcel, que sa fille est trisomique.
Ce genre de message a fait école... jusque dans les tréfonds des divisions inférieures. Ainsi, en France, dans le Rhône, on peut lire dans le compte-rendu du match entre l'Entente Odenas Charentay Saint-Lager et Francheville lors de la saison 2008-09 (victoire 7-1 des locaux) : "L'attaquant odenasso-charentois pouvait alors, pour la 2e fois, soulever son maillot et dévoiler un sympathique tee-shirt célébrant les anniversaires de Gaetan Mouton et Clément Bas !"
"Jésus habite à Walsall"
Les footballeurs cherchent toujours à se mettre Dieu dans la poche. Quel meilleur moyen de l'exprimer que via un tee-shirt ? Du milieu brésilien Kaka et son "I belong to Jesus" (littéralement "j'appartiens à Jésus") lors de la finale de la Ligue des champions 2007 – Kaka appartient surtout à une église évangélique très militante – au gardien polonais du Celtic Glasgow Artur Boruc, qui milite pour la béatification du pape Jean-Paul II lors du tour d'honneur de son équipe, en 2008, la religion est omniprésente dans le foot. Et toutes les religions : lors du Mondial 2002, l'attaquant sénégalais El-Hadji Diouf dévoile l'effigie du théologien musulman Ahmadou Bamba après un but. Un homme peu connu hors du Sénégal, au point qu'on a d'abord cru qu'il s'agissait de Ben Laden.
On ignore la position de Dieu sur les transferts. Quand Junior, l'attaquant brésilien du club anglais de Walsall, dévoile un tee-shirt "Jésus habite à Walsall" lors de son unique saison au club, les supporters peuvent le prendre au mot, le club réalisant une bonne saison. En revanche, après son transfert, Jésus a manifestement déménagé avec Junior, le club finissant dernier de son championnat.
Comparativement à la religion, les tee-shirts politiques sont aussi rares que marquants. Premier exemple en 1997, quand l'attaquant de Liverpool Robbie Fowler, enfant du pays et originaire d'un quartier défavorisé, dévoile un chandail de soutien aux dockers du port, en grève, en détournant le logo de Calvin Klein. Dix ans plus tard, Frédéric Kanouté, l'attaquant malien du FC Séville, dévoile un tee-shirt noir de soutien à la Palestine, qui lui vaudra une amende symbolique de quelques milliers d'euros. Kanouté, qui joue désormais en Chine, est à l'origine de la fameuse pétition anti-Israël que le gratin du foot européen a démenti avoir signé.
Viré à cause d'un tee-shirt
Des joueurs ont aussi su détourner ces codes pour chambrer joyeusement les supporters adverses : l'attaquant de Swansea Lee Trundle a ainsi dévoilé un tee-shirt où on le voyait uriner sur le maillot de l'ennemi juré, Cardiff City.
L'attaquant de Birmingham Paul Tait a encouragé ses fans à utiliser le maillot du club voisin Aston Villa comme papier toilette via un tee-shirt. Reste à savoir utiliser ce support avec précaution : Lee Clark, joueur de Sunderland mais supporter du club rival Newcastle, a été surpris un jour de match, en 1998, avec un tee-shirt insultant pour sa propre équipe. La sanction n'a pas traîné : il a été aussitôt placé sur la liste des transferts, raconte The Independent (lien en anglais). Pour la petite histoire, il a fini sa carrière à Newcastle.
L'utilisation à outrance des tee-shirts finit par lasser, et les puristes regrettent ces célébrations de but préméditées. De l'avis général, la plus belle célébration de but de tous les temps demeure celle du joueur italien Tardelli lors de la finale du Mondial 1982. Une joie simple, spontanée, débordante... dont a finalement été tiré un tee-shirt.
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