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Homards, petites combines et grosses enveloppes : la folie des bonus dans le football

Manchester United a fait signer le jeune attaquant Anthony Martial pour une somme comprise entre 50 à 80 millions d'euros, assortie de nombreux bonus. Mais qu'est-ce qui se cache derrière cette pratique courante dans le milieu ?

Article rédigé par Pierre Godon
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 7min
L'attaquant de Manchester United Anthony Martial, lors d'une conférence de presse à Clairefontaine, avec l'équipe de France, le 2 septembre 2015. (FRANCK FIFE / AFP)

De ce côté de la Manche, Anthony Martial a rapporté 80 millions d'euros à Monaco, qui l'a vendu dans les dernières heures du mercato, lundi 31 août. Mais dans le nord de l'Angleterre, on évoque plutôt la somme de 50 millions, assortie de bonus. Au point de combler la différence ? C'est possible. Comme le fait remarquer l'ancien joueur Mark Lawrenson à la BBC, "de mon temps, les contrats faisaient quatre ou cinq pages, aujourd'hui, ils sont épais comme les bouquins de John Grisham". Fini le temps des footballeurs comme l'attaquant de Liverpool Robbie Fowler, qui expliquait ingénument "ne jamais lire ses contrats". Joueurs et clubs sont assistés par une batterie de conseillers qui négocient chaque virgule pour grappiller le maximum sur un contrat. 

Les bonus, possibles jackpots pour les clubs vendeurs

Pour le club vendeur, la plupart des bonus sont liés au sportif. Bonus en cas de sélection internationale, prime si le joueur marque plus de 20 buts en championnat, ou encore pourcentage sur le prix de revente : Lorient a ainsi perçu 15% du montant du transfert de son ancien attaquant André-Pierre Gignac quand ce dernier est passé de Toulouse à Marseille. Des bonus existent aussi en cas de bons parcours en Ligue des champions. Ainsi, l'épopée lyonnaise en 2010, achevée en demi-finale face au Bayern Munich, a coûté un million d'euros au club rhodanien. L'OL avait convenu avec Saint-Etienne d'une clause dans le transfert de l'attaquant Bafétimbi Gomis, qui ne s'activait qu'en cas de qualification en quarts de finale de la plus prestigieuse des compétitions européennes. L'OL n'a pas toujours le nez creux en négociant ces primes. Celle qui prévoyait un gros chèque pour le club rhodanien en cas de sacre européen du Real Madrid avec Karim Benzema ne courait que jusqu'en 2013. Pas de bol, c'est en 2014 que les Espagnols ont remporté le titre.

Le joueur d'Arsenal Alex Oxlade-Chamberlain salue son entraîneur Arsène Wenger lors d'un match entre Arsenal et Galatasaray, le 1er octobre 2014.  (  BEN QUEENBOROUGH / BACKPAGE IMAGES LTD)

D'autres clauses sont plus insolites. Ainsi, quand Arsenal arrache le prometteur Alex Oxlade-Chamberlain à Southampton en 2013, le club vendeur obtient un intéressement sur la réussite du joueur. Chaque fois que le jeune attaquant dispute plus de 20 minutes dans un match, Southampton encaisse 14 000 euros. Le coach d'Arsenal, Arsène Wenger en est parfaitement conscient, et maintient son prometteur ailier sur le banc avant de le faire entrer à la 72e minute contre Stoke, à la 73e face à Liverpool, à la 72e contre Coventry etc. A chaque fois, moins de 20 minutes de jeu. Quelle n'a pas été la surprise du service comptabilité d'Arsenal quand la facture de Southampton est arrivée : le club du sud de l'Angleterre a, lui, inclus le temps additionnel dans son calcul, ce qui rend la note particulièrement salée. Arsenal a fini par s'exécuter, et cette clause du contrat d'Alex Oxlade-Chamberlain a fait le tour des services du club, avant de fuiter dans le Daily Mail

Les bonus individuels, un pactole pour les joueurs

Ferran Soriano, directeur exécutif de Manchester City, a écrit dans son livre Goal, consacré au management du football, qu'"un sport d'équipe comme le foot requiert des bonus collectifs". Un vœu pieux. Les stars ne se gênent plus pour inclure des clauses individuelles toujours plus lucratives dans leurs contrats. Quand Angel Di Maria débarque, l'an dernier, à Manchester United, auréolé de son statut de vainqueur de la Ligue des champions avec le Real Madrid et de finaliste du Mondial avec l'Argentine, il fait inscrire dans son contrat un bonus de 6 millions d'euros s'il décroche le Ballon d'Or, relève le Daily Telegraph. Après sa saison fantomatique dans le nord de l'Angleterre, on ignore s'il a renouvelé cette clause dans le contrat qui le lie désormais au PSG.

Celui de l'attaquant de Barcelone Neymar comporte une clause prévoyant un bonus de 2 millions d'euros versé à la société familiale qui possédait les droits du joueur s'il termine sur le podium du Ballon d'Or. Ce n'est pas la seule bizarrerie du contrat de la star brésilienne : on y trouve aussi un bonus de 2,5 millions d'euros s'il ne conteste pas les choix de son entraîneur, d'après El Pais. Si, si. Dans le même genre, le défenseur du PSG Thiago Silva a négocié un bonus mensuel de 41 000 euros qu'il touche, notamment,... s'il ne critique pas le club en public.

Le bonus à chaque but marqué fait, lui, parti du paysage depuis longtemps. Avec son lot d'effets pervers : "Je connais des joueurs qui ont des primes de buts élevées. Sans surprise, ils tentent leur chance de n'importe où", confie l'attaquant Kevin Davies, qui a roulé sa bosse dans de nombreux clubs britanniques. Plus efficace pour le collectif, cette pratique du championnat nord-américain, la MLS, où le joueur qui a passé la balle à un coéquipier auteur d'une passe décisive (la "second assist") touche sa petite enveloppe. 

Dans certains clubs, les joueurs touchent un bonus... quand un de leurs coéquipiers est vendu à un autre club. Chaque footballeur du Losc a ainsi touché 10 000 euros sur le transfert de la vedette de l'équipe Eden Hazard à Chelsea en 2012. "Tout le monde était content de ce transfert", sourit le défenseur du club Franck Béria. Mais tout le monde n'est pas toujours content de ce genre de combine. Les supporters de Dundee United ont très mal vécu que le coach, Jackie McNamara, accumule un pactole de plusieurs centaines de milliers d'euros sur les ventes de joueurs du club. "Les détails du contrat d'un coach ne devraient pas être rendus publics", a-t-il regretté, interviewé dans le Daily Record. Les supporters de Schalke 04 ont, eux, apprécié le bonus proposé au nouvel entraîneur, lors de la saison 1992-1993, Udo Lattek : 1,5 million de marks pour finir devant l'ennemi juré, le Borussia Dortmund, rapporte le site de la Fédération allemande. Hélas, il sera remercié avant la fin du championnat.

L'entraîneur allemand Udo Lattek, lors d'un match entre son équipe de Schalke 04 et le Borussia Dortmund, lors de la saison 1992-1993.  (ULLSTEIN BILD / ULLSTEIN BILD / GETTY IMAGES)

Les bonus en nature, plus folkloriques...

Et si cela peut vous rassurer, il n'y a pas que l'argent qui motive les footballeurs. Ce sont de grands casaniers, et ils réclament souvent un bonus pour leur logement. Ainsi, le joueur congolais Rolf-Christel Guié-Mien a exigé que l'Eintracht Francfort paye des cours de cuisine à sa femme pour signer au club. En 1996, la préhistoire du foot business, le l'Allemand Giuseppe Reina s'est fait avoir par son club de Bielefeld. Il est bien marqué noir sur blanc qu'il bénéficiera d'une maison pour chaque année passée au club, mais la taille de la bâtisse n'est pas précisée. Après un an au club, il reçoit une maison haute de... 20 cm. Il est quand même resté trois saisons au club, avant de partir en assez mauvais termes, rapporte Die Welt.

Le club espagnol Real Oviedo offrait des homards en guise de prime de but, raconte le Guardian. Les coéquipiers de Xabi Alonso, à l'époque où l'emblématique milieu espagnol jouait à la Real Sociedad, lui offraient un loup de mer à chaque fois qu'il faisait trembler les filets. La palme revient à Kennedy Mweene. Après la victoire de la Zambie en Coupe d'Afrique des nations, le gardien de la sélection, héros de la séance de tirs au but en finale, reçoit des mains du roi de sa tribu... 250 hectares de terre et deux vaches laitières. Qu'il a dû laisser au pays, raconte So Foot. "Je ne pouvais pas emmener mes bovins avec moi dans la soute de l'avion, hein !", sourit-il.

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