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Le foot va-t-il (enfin) percer en Inde grâce à Robert Pires ?

Imaginez qu'on organise un mini-championnat en Rhône-Alpes avec des footballeurs retraités et grassement payés. Voilà ce dans quoi l'ancien international français s'est engagé...

Article rédigé par Pierre Godon
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Des supporters indiens à New Delhi après la victoire de l'équipe nationale face à la Syrie, en finale de la Nehru Cup, le 31 août 2009. (QAMAR SIBTAIN / GETTY IMAGES)

C'est l'histoire d'un footballeur international français arrivé en fin de carrière, qui n'a pas eu de proposition intéressante en Europe et qui a signé dans un championnat qui n'existe pas encore, dans un club virtuel, et ce pour quelques mois seulement. Il s'agit de Robert Pires, qui, dans les interviews qu'il a accordées à L'Equipe et à Eurosportla joue franc-jeu : ça fera du bien à son compte en banque, à son ego et à son football.

Le troisième âge du foot européen en quatrième vitesse

Avec Pires, âgé de 38 ans, le troisième âge du foot européen débarque en Inde en février. L'organisateur de la Premier League Soccer a débauché à grands frais des ex-gloires du ballon rond. Cette nouvelle compétition est née à l'initiative de la seule fédération du Bengale-Occidental, un Etat grand comme les régions Midi-Pyrénées et Rhône-Alpes réunies, peuplé de... 80 millions d'habitants. Associée à la société Celebrity Management Group (CMG), la région de Calcutta doit ainsi lancer en février un mini-championnat de 6 équipes sur quelques semaines. 

La moyenne d'âge dépasse les 37 ans pour les têtes d'affiche recrutées. Ou plutôt les seconds couteaux, les stars interplanétaires étant déjà sous contrat au Moyen-Orient : Robbie Fowler, un bon attaquant du temps où Liverpool, c'était quelque chose ; Fabio Cannavaro, Ballon d'or 2006, qui est déjà passé par la case Emirats et par la case retraite ; Fernando Morientes, dont le dernier bon match remonte à 2008. 2008, c'est aussi l'année où Jay-Jay Okocha, le fantasque Nigérian qui a enflammé le parc des Princes, a pris sa retraite. Qu'à cela ne tienne : il rechausse les crampons pour les huit semaines de compétition, contre un gros chèque. Les entraîneurs sont aussi d'importation : ainsi, le directeur sportif du club portugais de Braga, Fernando Couto, a laissé tomber son poste pour aller arrondir ses fins de mois sur un banc indien. 

Pires ne sait même pas pour quelle équipe il va jouer. Les présidents de club vont se répartir les stars, puis les joueurs de complément, sur le modèle de la "draft" en NBA : "Les joueurs seront vendus aux enchères, et les présidents choisiront sur qui ils investissent. A l'heure où je vous parle, je ne sais pas dans quelle équipe je jouerai. Je ne sais pas quel président misera sur moi, qui sera mon entraîneur. Et pour tout vous dire, je ne sais même pas combien je gagnerai. Mais je m'en fous. A vrai dire, ça rajoute même un peu de piment à l'histoire", explique Pires sur Eurosport. Problème : il y a plus de stars que d'équipes. Sept ont signé, deux autres sont approchées, alors qu'il n'y a que six formations. Or, chaque équipe ne pourra pas en recruter plus d'un, sous peine de dépasser son enveloppe salariale.

Les Harlem Globetrotters du foot plutôt qu'un championnat sérieux

CMG nourrit de grandes ambitions pour cet espèce de sous-championnat, plus proche du match d'exhibition que de la compétition sportive : le promoteur a signé un contrat de trente ans avec la fédé du Bengale-Occidental, et réfléchit déjà à étendre le nombre de clubs participants en cas de succès de la première formule, note la chaîne américaine ESPN

Pour frapper fort, le mode d'organisation se rapproche de celui du cricket, dont ce pays est fan. L'Indian Premier League de cricket, une compétition ramassée sur deux mois, avec des animations, des matchs rythmés, fait un carton à la télé, tout comme... le championnat de foot anglais, qui compterait 60 millions de suiveurs (le pays compte 1,2 milliard d'habitants). Au contraire du championnat local, peu médiatisé. Sur le site du Times of India, le foot passe après le cricket, et le foot local après le reste du monde. 

Pendant ce temps se déroule un autre championnat, la I-League, qui rassemble 14 équipes provenant des quelques Etats de l'Inde où le ballon rond est populaire, dont le Bengale-Occidental. L'équipe nationale est un chantier perpétuel et a déjà loupé sa qualification pour la Coupe du monde 2014. Le seul joueur indien à avoir su s'exporter (dans les profondeurs de la D2 anglaise, il y a dix ans) a pris sa retraite. 

Des supporters indiens lors du match de poule de la coupe d'Asie entre le Bahreïn et l'Inde, à Doha, au Qatar, le 14 janvier 2011.  (MANA VATSYANA / AFP)

Tout sauf une compétition populaire

La société CMG a décidé, plus que la fédération indienne manifestement, de prendre en main le destin de la sélection nationale. Sur son site, on peut lire que CMG a lancé la "Mission 2020" qui a pour objectif de faire qualifier la sélection indienne pour le Mondial 2022 au Qatar. CMG a commencé par sensibiliser les Indiens au football en faisant venir Diego Maradano ou Lionel Messi pour jouer en septembre 2011 un improbable amical Argentine-Venezuela à Calcutta. Pour cette rencontre, les prix des billets se sont échelonnés entre 1 000 et 5 000 roupies (15 à  75 euros), un cinquième du salaire mensuel moyen, alors que le tarif moyen va de 40 à 50 roupies (0,60 ou 0,80 euro) pour un match normal. CMG a même fait payer les fans pour voir les Argentins s'entraîner, relevait le Times Of India. Mais "pour beaucoup moins cher, expliquait le directeur de CMG, de façon à ce que les supporters qui n'ont pu s'offrir de ticket puissent rêver devant les footballeurs argentins"

Lionel Messi, la star du foot argentin, au milieu de la foule, à Calcutta, en Inde, où il a disputé un match amical avec la sélection argentine, le 2 septembre 2011.  (DIBYANGSHU SARKAR / AFP)
Car le promoteur compte bien rendre les clubs de la Premier League Soccer rentables, alors qu'ils devront débourser plusieurs millions d'euros pour s'assurer une place dans ce mini-championnat, et qu'ils devront ensuite lâcher près de 2 millions d'euros pour bâtir une équipe compétitive (c'est écrit noir sur blanc dans les statuts). Les places pour les rencontres de cette compétition ne devraient donc pas être données, d'autant que chaque équipe ne disputera qu'une dizaine de matchs. 

Et Robert Pirès dans tout ça ? Après la fin de son contrat, en avril, il aimerait bien rester dans la région et explorer un autre championnat qui paye bien, la Chine

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