Foot : "On a auditionné des présidents de clubs très inquiets, ça devrait interroger la Fédération et l'Etat", tance le sénateur Michel Savin

Le sénateur LR de l’Isère, rapporteur de la commission d’enquête sénatoriale sur la financiarisation du football, a effectué, jeudi, un contrôle "sur pièce et sur place" au siège de la Ligue de football professionnel (LFP).
Article rédigé par Sasha Beckermann
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 5 min
Michel Savin, le 12 septembre 2024 à Paris. (QUENTIN DE GROEVE / AFP)

Deux jours après la réélection de Vincent Labrune à la tête de l'institution, les sénateurs Michel Savin (Les Républicains) et Laurent Lafon (Union centriste) ont réalisé, jeudi 12 septembre, un contrôle au siège de la LFP, dans le cadre de la commission d'enquête sénatoriale sur la financiarisation du football.

Cette commission d'enquête a été lancée le 4 avril, à la suite de la création de la société commerciale de la Ligue dont une partie (13,04%) a été cédée au fonds d'investissement luxembourgeois CVC contre environ 1,5 milliard d'euros. Michel Savin confirme auprès de franceinfo: sport qu'"on est très loin des objectifs annoncés avec la création de cette société commerciale" et s'interroge également sur le fonctionnement interne de la LFP. Les auditions se poursuivent jusqu'à la fin du mois de septembre et devraient aussi concerner Cyril Linette, candidat malheureux à la présidence de la Ligue. Le rapport de la commission sera, lui, présenté courant octobre.

Franceinfo: sport : Qu'est ce qui a justifié cette visite au siège de la Ligue de football professionnel ?

Michel Savin : Cette mission, nous l'avons entamée il y a plusieurs mois maintenant. Nous en sommes à une cinquantaine d'auditions. Il nous apparaissait important d'avoir un complément d'informations sur un certain nombre de sujets qui touchent le fonctionnement de la Ligue ou son financement. Et on a également fait cette visite pour pouvoir récupérer les documents que nous avions demandés.

On avait programmé cette visite un peu plus tôt dans l'année. On a été un peu surpris par la date qui a été fixée par la Ligue au mois de juillet pour l'élection du président : le 10 septembre. Et, ne voulant pas interférer avant l'élection – parce que je pense que si on avait fait cette visite quelques jours avant, ça aurait pu être très mal interprété – on a décidé avec les administrateurs du Sénat de la programmer après l'élection.

Jusqu'ici, quelles conclusions tirez-vous sur l'accord commercial avec CVC ?

On nous avait présenté cette proposition comme étant une obligation qui pouvait permettre à la Ligue de mieux pouvoir commercialiser ses droits privés, et aussi commercialiser d'autres supports qui pourraient enrichir le football français, donc les clubs, et leur donner les moyens d'être plus compétitifs.

Pour nous, l'objectif de cette mission était de contrôler si la loi qui avait été votée, et notamment cet article sur la création de cette société commerciale, était bénéfique pour les clubs. La création de cette société commerciale n'est pas là pour enrichir les dirigeants de la Ligue ou la Ligue. Voilà ce qu'on nous avait expliqué. Aujourd'hui, avec le résultat de l'attribution des droits télé, qui est 60% à 50% en dessous de ce qui était espéré, on dresse malheureusement le constat qu'on est très loin des objectifs. Et ce sont les clubs qui sont pénalisés.

Qu'avez-vous appris sur le fonctionnement interne de la LFP ?

Les dirigeants nous ont remis l'ensemble des documents que nous avions demandés, nous allons seulement commencer à les étudier dans les semaines qui viennent. Mais déjà hier, j'ai pu poser des questions, notamment sur des tableaux qui nous étaient présentés sur le fonctionnement de la Ligue, c'est-à-dire au niveau des effectifs.

J'ai, par exemple, été un peu surpris de voir qu'entre 2022 et 2024, les effectifs au sein de la Ligue ont baissé, de 77 à 56 personnes. Alors qu'en même temps, la masse salariale a augmenté [environ 7,8 millions d'euros]. Une des explications qui nous a été donnée hier, c'est l'augmentation du salaire du président, Vincent Labrune [il a annoncé après sa réélection que son salaire allait baisser, sans préciser dans quelles proportions]. De l'autre côté, chez LFP Média [la filiale commerciale], il y a une augmentation des effectifs entre 2022 et 2024 ainsi que de la masse salariale, de 4,3 à 8,7 millions d'euros.

"La Ligue a fait le choix d'acheter un bâtiment à 131 millions d'euros dans une période où elle n'avait aucune garantie sur les ressources qui allaient être les siennes dans les années à venir. Là aussi, on s'interroge."

Michel Savin, sénateur Les Républicains

à franceinfo: sport

Ce sont des choses qu'on nous a données encore hier, sur lesquelles on doit travailler de près pour bien comprendre les processus.

Avec quelles conséquences pour les clubs ?

Ce sont les présidents de clubs qui votent. Donc ils ont validé l'achat. L'augmentation des salaires, notamment celui de Vincent Labrune [multiplié par trois depuis sa prise de fonction en 2020], a été aussi validée. Ces décisions ont été prises lors des conseils d'administration, qui aujourd'hui font que ces charges pèsent lourdement sur la LFP. Et en même temps, les recettes des droits TV sont en forte diminution.

Et ceux qui sont pénalisés par la baisse des recettes, ce sont les clubs. Quand vous voyez d'un côté un achat à 131 millions, quand vous voyez des augmentations de salaires et des bonus, et que de l'autre côté, vous observez que les clubs, pour certains, vont voir des recettes baisser de 50% à 60%, on peut s'interroger.

Concrètement, quelles sont les suites ?

Pour nous, l'objectif est de tirer les leçons et de faire un point sur le financement du foot en France et de voir s'il est nécessaire de faire des recommandations, aussi bien à la Ligue qu'à la Fédération française de football [FFF].

Ce ne sont pas les parlementaires qui vont prendre des décisions au sein de la Ligue. En revanche, on sera sûrement aussi en capacité de pouvoir faire des propositions qui pourraient s'inscrire dans le cadre d'une proposition de loi. Mais on n'ira pas jusqu'à l'aspect juridique. Il y a une enquête en cours faite par le parquet financier.

Est-ce que vous estimez que la FFF et le ministère des Sports endossent une responsabilité ?

Oui. Je trouve qu'ils ont été très discrets. On a auditionné des présidents qui sont très inquiets, notamment des présidents qui sont des chefs d'entreprise français, qui sont des amoureux du foot mais qui mettent beaucoup d'argent dedans et qui, aujourd'hui, sont très inquiets sur leur capacité à pouvoir continuer à assurer la direction de leur club parce que la situation n'est pas bonne. Et ça, ça devrait interroger aussi bien la Fédération que l'Etat.

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