Ligue 1 : appel d'offres tardif, communication bancale... DAZN, un parcours semé d'embûches pour attirer de nouveaux abonnés

La plateforme britannique a acquis les droits de retransmission de la majorité des matchs, mais doit rapidement s'assurer un retour sur investissement, avec l'objectif ambitieux d'attirer 1,5 million d'abonnés en six mois.
Article rédigé par Mateo Calabrese
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 5min
Des micros DAZN lors du match entre le Bayer Leverkusen et le Werder Brême, le 14 avril 2024 à la BayArena de Leverkusen (Allemagne). (AFP)

Comment éviter la prophétie autoréalisatrice ? Echaudés par le précédent Mediapro, supporters comme observateurs promettent le fiasco à DAZN. La plateforme de streaming sportif britannique a raflé les droits de diffusion de huit matchs de Ligue 1 sur neuf chaque semaine contre 400 millions d'euros par saison. La rencontre du samedi à 17 heures est quant à elle réservée à beIN Sports, moyennant un chèque à 100 millions d'euros annuels jusqu'en 2029.

Mais une partie du public ciblé ne cache pas son scepticisme vis-à-vis de l'offre, en témoigne la viralité du #BoycottDAZN sur X (anciennement Twitter), tandis que la Ligue de football professionnel (LFP) a pris le soin d'inclure dans le contrat une clause de sortie au bout de deux ans, si le seuil de 1,5 million d'abonnés n'est pas atteint.

Un dispositif établi dans l'urgence

A sa décharge, DAZN n'a hérité des droits télévisuels que le 1er août, à deux semaines de la première journée du championnat. Une issue bienvenue, après un interminable feuilleton qui a pesé sur les finances des clubs de Ligue 1, mais qui a surtout plongé les téléspectateurs dans le flou. Encore une nouvelle plateforme, après la chaîne Téléfoot de Mediapro, à 25 euros mensuels et morte-née six mois plus tard, puis Prime Video, qui avait profité de l'occasion pour enrichir son bouquet.

Pour trouver de la visibilité et rapidement cueillir des abonnés, DAZN s'est assuré une large distribution : "Ils multiplient les plateformes : Amazon, Canal, Free... C'est l'audience cumulée qu'ils recherchent, avec une diversification des offres", explique Lionel Maltese, maître de conférences en marketing et management sportif à l'université d'Aix-Marseille. En attendant, sans doute, de trouver des accords pour des abonnements combinés avec des opérateurs ou d'autres chaînes : "J'espère que nous aurons l'opportunité de créer un abonnement commun DAZN-beIN pour proposer la totalité de nos offres dans un même package à un prix attractif", confiait lui-même Shay Segev, PDG de DAZN, à L'Equipe mercredi 14 août.

C'est précisément l'offre tarifaire de DAZN qui suscite les critiques : 14,99 euros par mois pour un match par semaine (sans possibilité de choisir), 29,99 euros par mois pour les huit matchs, mais avec engagement d'un an (donc avec plusieurs mois sans match l'été), ou 39,99 euros par mois sans engagement. Le Pass Ligue 1 de Prime Video, pour les mêmes droits concernant le championnat de France, coûtait 21,98 euros mensuels. Il était sans engagement et aucune facturation n'était effectuée pendant l'été. Lionel Maltese doute que le média britannique en reste là : "Cela va être à la carte, il va y avoir des tas d'offres pour avoir un maximum d'audience. Mais est-ce que tout le monde payera 29,99 euros ? J'en doute."

Publicité mal sentie et championnat en perte de vitesse

La communication de DAZN n'aide pas. Sur son compte X, la plateforme – qui est encore en train de constituer l'antenne française de sa rédaction communique pour le moins maladroitement, tentant de créer un engouement pour la première journée autour de joueurs pourtant suspendus (Edon Zhegrova, Teddy Teuma). Ironiquement, à quatre heures du premier match du championnat, le compte X du média était d'ailleurs lui-même suspendu. Sur son site, ce n'est pas beaucoup mieux : le logo utilisé pour l'AS Monaco a un temps été celui de son club de basket, la "Roca Team".

Le compte français de DAZN suspendu sur le réseau social X, le 16 août 2024 à 17h05. (franceinfo: sport)

La communication vise un public de plus en plus jeune, adaptée aux partenaires majeurs (sites de paris sportifs, chaînes de fast-food ou de livraison à domicile) et avec plusieurs intervenants rompus aux réseaux sociaux (l'humoriste Paul de Saint-Sernin, le chroniqueur Walid Acherchour), mais est justement fustigée par son cœur de cible. 

Reste que toutes les erreurs ne sont pas nécessairement à chercher du côté de DAZN : "La Ligue 1 n'a pas travaillé le produit, estime Lionel Maltese. On est sur la même chose que les années passées, sauf que l'on change le diffuseur. Pour l'instant, je ne vois pas trop d'innovation ou de contenu qui peut servir d'appât. Vous avez plus de promotion sur les plateformes et les offres que sur les matchs." 

La marque "Ligue des talents" n'a jamais vraiment été adoptée et ne manque pas d'être moquée par les Français eux-mêmes. Le départ de l'unique star, Kylian Mbappé, et la domination économique toujours plus prégnante du Paris Saint-Germain n'arrangent rien, comme le manque de recrutements prestigieux, directement lié au manque à gagner des droits TV.

"Générer de l'intérêt pour la Ligue 1, ce n'est pas le métier des diffuseurs", tranche Lionel Maltese. Force est de constater que le championnat français ne suscite plus vraiment la curiosité par-delà ses frontières, puisque ses droits de diffusion n'ont encore trouvé preneur ni en Angleterre, ni en Italie, ni en Espagne.

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