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Rachat de l'OM : Franck McCourt, un "président normal" pour les supporters ?

Après les promesses de l'ère Louis-Dreyfus, les supporters marseillais ne croient plus à l'homme providentiel. Le signe d'un certain fatalisme.

Article rédigé par Pierre Godon
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
L'homme d'affaires Franck McCourt à Los Angeles (Californie), le 13 juin 2014. (DAVID MCNEW / REUTERS)

Un milliardaire chasse l'autre à la tête de l'OM. L'Américain Frank McCourt, 63 ans, dispose d'environ 1,3 milliard d'euros sur son compte en banque, d'après le magazine Forbes. Le 17 octobre, il succède donc à Margarita Louis-Dreyfus, à la fortune personnelle non moins conséquente (8 milliards d'euros, toujours selon le même magazine). Et pour l'occasion, ni les observateurs, ni les supporters du club phocéen n'ont acheté de confettis ou mis le champagne au frais.

"On ne peut que lui laisser du temps"

"On était à bout de souffle", "c'est un soulagement", "je me dis que ça ne peut que s'améliorer"… Demandez aux passionnés de l'OM comment ils vivent cette révolution de palais, et on ne peut pas dire que l'enthousiasme prédomine. "On avait juste besoin de quelqu'un de sérieux. J'avais envie d'être à nouveau fier de mon club", résume Nicolas, suiveur caustique du club sur Twitter. Pas d'un Etat soucieux de redorer son image grâce à l'aura du club phocéen (plusieurs pistes mentionnaient les Emirates arabes unis et l'Iran), pas d'un investisseur douteux au business inconnu et à la fortune incertaine, et encore moins d'un fonds d'investissement rapace, désireux de rentrer au plus vite dans ses frais."Si on avait trouvé un investisseur riche, compétent et intègre, avec toutes les qualités, est-ce qu'il se serait mis tout seul dans les ennuis à Marseille ?", s'amuse Romain, qui a passé la journée de lundi à l'hôpital. "En me réveillant après l'anesthésie, j'étais débarrassé de ma vésicule et de Margarita !"

"On ne peut que lui laisser du temps et du crédit", renchérit le "bienveillant" Ghislain Foucque, cofondateur des Massilia Socios, une union de supporters qui aspire à prendre une partie du capital du club, sur le modèle des clubs espagnols. A propos de Frank McCourt, on pourrait presque parler d'état de grâce, comme pour un président de la République fraîchement élu. L'idée d'augmenter le prix des billets, évoquée au détour d'un article de L'Equipe, n'a pas suscité de levée de boucliers. 

Le précédent Robert Louis-Dreyfus

Robert Louis-Dreyfus, alors président de l'OM, lors d'une conférence de presse à Marseille, le 27 novembre 2000. (BORIS HORVAT / AFP)

Une bienveillance silencieuse qui contraste avec l'arrivée en fanfare de Robert Louis-Dreyfus, sauveur d'un club exsangue, en 1996. Choisi pour sa surface financière, l'enveloppe promise au mercato (70 millions de francs à l'époque) et la promesse d'apurer la dette, "RLD" avait promis aux supporters de faire de l'OM "le Bayern du Sud", de ne pas rater les talents locaux – "un garçon comme Zinedine Zidane n'aurait jamais dû échapper à l'OM" – et de coter le club en Bourse, "même sur le second marché anglais".

S'en était suivi un recrutement ambitieux (l'international Reynald Pedros, l'attaquant Xavier Gravelaine, la vedette bulgare Yordan Letchkov...) qui avait décuplé les ambitions des supporters, prêts à sacrifier les jeunes du cru pour un retour en haut de l'affiche : "les minots, on s'en fout, seule la victoire compte, même avec quatre Bosniaques", clamait l'un d'eux au Monde.

Le cocktail d'un recrutement tardif, d'un entraîneur anxieux qui a fini par ne plus dormir la nuit, et de dirigeants pas forcément bien choisis s'est avéré explosif. Bilan : une piteuse 11e place conclue par une tout aussi piteuse défaite 8-0 contre Lyon.

Un projet encore flou

On sait encore très peu de choses du projet McCourt, si ce n'est qu'il a nommé Jacques-Henri Eyraud, PDG de Paris turf, prof à Sciences-Po à ses heures perdues, à la tête du club. Un homme auquel les supporters donnent le bon dieu sans confession. Mais ce poste à hauts risques a fait perdre pied à plus d'une tête bien faite. 

L'investisseur américain a évité le faux pas en évoquant sur TF1 sa volonté de "rivaliser avec le PSG". "C'est habile, ça ne peut pas être interprété comme vouloir bâtir un PSG bis, souligne le journaliste Romain Canuti, du site LePhocéen.fr. Les gens sont prêts à entendre que l'OM vise la Ligue Europa, et que faire jouer des jeunes du centre de formation coûtera des points. Ils ne l'étaient pas il y a cinq ans." Les fans ne se font pas d'illusions sur cette com' taillée sur mesure pour les séduire. "Vous imaginez un repreneur qui investit autant d'argent ,qui dise que l'objectif c'est de finir tous les ans deuxième derrière le PSG ?", s'interroge Romain "Camelus Blaah".

Le supporter marseillais, réputé excessif, serait-il devenu raisonnable ? Ghislain Foucque reconnaît que "le niveau d'exigence des supporters vis-à-vis d'un éventuel repreneur a baissé". Jack Kachkar, l'homme d'affaires libano-canadien qui a failli reprendre le club en 2007 alors qu'il n'en avait pas les moyens, est passé par là. Son tour d'honneur sur la pelouse du Vélodrome, écharpe blanche et bleu ciel autour du cou, a durablement traumatisé les esprits.

Oubliés les rêves de stars, le supporter phocéen pense chiffres, management et gouvernance. Vincent, toujours abonné au virage Nord, prend même pour modèle le rival lyonnais et son président Jean-Michel Aulas : "Ca me fait mal au cœur de le dire, mais une gestion façon OL, avec un vrai investissement sur la formation et des achats bien ciblés, ça peut marcher." 

Un businessman, et alors ?

Le nouveau patron de l'OM, Franck McCourt, avec sa compagne, dans les tribunes du Vélodrome, lors du match Marseille-Lyon, le 18 septembre 2016. (PHILIPPE LAURENSON / BLUEPIX)

Rien ne dit non plus que Franck McCourt suive le modèle des businessmen américains venus s'engraisser sur le dos des clubs qu'ils ont acheté. Comme à Manchester United où les Glazer se sont remboursés sur le dos du club, à Liverpool où le duo Hicks et Gillett s'est vite découvert des oursins dans les poches, voire, pire, comme Randy Lerner, qui a transformé Aston Villa, institution de la Premier League, en un club anonyme de Football League Championship, la D2 anglaise, avant de le bazarder à un businessman chinois aux affaires chancelantes.

D'ailleurs la caricature du méchant homme d'affaire américain fait sourire Nicolas : "S'il remet l'OM sur les rails et qu'il vend le club aussi cher qu'il a vendu les Dodgers [deux milliards d'euros] au bout de cinq ans, ça me va."

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