: Reportage Football : modèle "inédit", "alternative au PSG"... On était au match gratuit du Paris FC face à Bastia
C'était une première mondiale sur une saison entière, alors il fallait l'annoncer en grande pompe. Samedi 11 novembre, le Paris FC a reçu Bastia pour le premier match de son "opération portes ouvertes". Le club de Ligue 2 a en effet décidé de rendre la billetterie de son stade Charléty gratuite. "Le pouvoir d'achat en France est très abîmé, a justifié le président Pierre Ferracci dans un entretien pour So Foot. Donner un signe fort comme on le fait, c’est aller dans le bon sens." L'offre court également pour l'équipe féminine, troisième de la dernière D1 Arkéma, mais n'est pas transposable à ses matchs de Ligue des champions.
Samedi soir, l'initiative a fait des émules devant l'enceinte du XIIIe arrondissement de la capitale. "C'est une bonne chose, il y a clairement un créneau à prendre pour le Paris FC derrière le PSG, qui est beaucoup plus cher", souffle Jean, la cinquantaine, sur le parvis du stade. Stabilisé en deuxième division depuis 2017, le PFC peine à s'en extraire et évolue dans l'ombre de son encombrant voisin. "Le Paris FC a un vrai problème de notoriété, c'est un moyen de faire naître un socle de supporters", indique Jean-Pascal Gayant, économiste du sport.
Sur l'ensemble de la saison 2022-23, le club a attiré en moyenne 4 030 spectateurs sur les 20 000 places disponibles. Ouvert aux quatre vents et souvent décrié pour piste d'athlétisme éloignant ses travées du terrain, le stade Charléty peut pourtant en attirer cinq fois plus. Avec 21% de remplissage, le Paris FC affichait de loin le pire taux de la division l'an passé.
Ils étaient 6 438 samedi soir, dont 1 100 supporters bastiais massés dans un parcage dédié. Le stade sonnait ainsi encore creux, ce qui n'a pas empêché quelques déçus de ne pas avoir de billet. Flavien et Alexandre, deux Bretons dans la vingtaine, imaginaient obtenir leur sésame directement au stade pour ce qu'ils considèrent comme "une alternative au PSG". Las, le club avait indiqué, deux jours plus tôt, que la jauge fixée pour ce match était atteinte grâce à des réservations en ligne et que les billets ne seraient plus édités. "On peut adapter notre dispositif, rappelle Ferracci. Cette jauge n'est pas la même quand on reçoit Saint-Etienne ou Rodez, par exemple."
1,5 million de recettes espérées
Présentée comme une manière de réduire les coûts de sécurité pour les affiches de moindre importance, cette jauge a permis au club de présenter l'opération comme un "grand succès" découlant d'un "engouement sans précédent". Mais le Paris FC, peu accoutumé à recevoir un public aussi "massif", a connu quelques couacs dans son organisation. À tel point qu'au coup d'envoi, plusieurs centaines de personnes bénéficiaires d'un billet attendaient encore de pénétrer dans l'enceinte. "Quand on reçoit une petite équipe comme Dunkerque en plein hiver, ça va, mais quand il y a du monde...", peste Valentin, la trentaine.
On a aperçu la barbe volumineuse de cet abonné – dédommagé au prorata des matchs "devenus" gratuits – passer les portiques aux alentours de la 15e minute. Même dépourvus de billets, les Rennais Flavien et Alexandre ont profité des largesses de la sécurité pour s'introduire dans le stade. "Le PFC est victime de son succès, lâchait quelques minutes plus tôt le premier. Mais je pense que beaucoup ont réservé plusieurs billets sur internet et ne sont pas venus. En les mettant à un euro symbolique, on éviterait peut-être cela."
"Le signal de la gratuité crée une différence psychologique fondamentale, indique de son côté Jean-Pascal Gayant, économiste du sport. Le contexte local est important : on va capter des gens qui aiment le foot en région parisienne mais se sentent exclus par la politique bling-bling du PSG." Par le passé, le Paris FC n'hésitait pas à brader ses places, souvent vendues aux alentours de 10 euros.
La bataille des droits TV en toile de fond
"Et cet argent que je ne paie pas en billetterie, je pourrais le réinjecter dans une boisson et un sandwich", affirme Mathieu, spectateur occasionnel. Dans cette logique, le président Ferracci espère combler le million de manque à gagner en recevant "1,5 million de recettes supplémentaires", incluant par exemple la buvette ou la vente de maillots. Surtout, l'image d'un stade mieux rempli bénéficiera forcément au Paris FC, dont le socle de supporters est pour l'heure confidentiel.
Pour Jean-Pascal Gayant, cette initiative répond à un diagnostic établi lorsque les matchs se jouaient sans public, au plus fort de la pandémie de Covid-19.
"On s'est rendu compte que la présence de supporters démonstratifs faisait partie de la valeur du spectacle. Pour la valeur des droits TV, c'est mieux que de ne pas avoir de spectateurs."
Jean-Pascal Gayant, économiste du sportà franceinfo: sport
Les droits de diffusion de la Ligue 2, en cours de renégociation, constituent une part non négligeable du budget d'un club (40%), bien plus que les recettes de billetterie (7%). Une impression visuelle de stade plein pourrait aider à les revoir à la hausse.
"Je pense que l'initiative va faire des émules en France et en Europe", estime Jean-Pascal Gayant. Celle-ci a par exemple été partiellement mise en place par le Fortuna Düsseldorf, club de deuxième division allemande. Dans des proportions plus impressionnantes, puisque les 52 000 places du Merkur Spiel Arena ont été garnies contre Kaiserslautern fin octobre. "Je ne m'attends pas à une affluence extraordinaire dans l'immédiat, avoue Pierre Ferracci à So Foot. Remplir Charléty renvoie aussi à nos performances."
Malgré sa victoire contre Bastia (1-0) pour poursuivre sa série positive (trois succès et un nul), le PFC occupe une anonyme douzième place de L2, à sept points du premier barragiste. Son piètre bilan à domicile l'an passé (15e) n'a pas aidé à fidéliser un public qui pourrait se tourner vers un autre club francilien, le Red Star, basé à Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis) et large leader de National. Fort d'une ambiance chaude dans un stade en pleine mue, le club audonien pourrait imposer "une concurrence sur les parts de marché en Ligue 2", estime Jean-Pascal Gayant.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.