Ligue des champions : vu d'Espagne, une rivalité à sens unique entre le PSG et le Barça

Devenus des adversaires réguliers en C1 et marqués par la mémorable remontada de 2017, les deux clubs ont développé une inimitié, mais les Catalans ne considèrent pas encore Paris comme un rival.
Article rédigé par Anna Carreau
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 7min
Pedri en duel face à Kylian Mbappé lors du 8es de finale retour de Ligue des champions entre le Paris Saint-Germain et le FC Barcelone, le 10 mars 2021 (CHRISTOPHE SAIDI / SIPA)

Le Paris Saint-Germain s’apprête à affronter le FC Barcelone en Ligue des champions pour la onzième fois depuis le passage sous pavillon qatarien en 2011, mercredi 10 avril au Parc des Princes. Une affiche désormais classique pour les supporters des deux clubs, dont certains ont appris à se détester au fil des années, marqués par la fameuse "remontada" du 8 mars 2017. Si depuis, les "Puta Barça" sont repris à pleins poumons dans le virage Auteuil, les aficionados catalans eux sont loin d’entretenir une haine viscérale à l'égard de leur adversaire.

"Il n'y a pas de rivalité PSG-Barça, pose Melvin, supporter français du FC Barcelone et membre de la Penya Blaugrana de Paris, un groupe de supporters du club catalan implanté dans la capitale. On a déjà suffisamment de rivalités, que ce soit celle avec le Real Madrid ou celle avec l'Espanyol Barcelone."

Au Camp Nou, ou au stade olympique de Barcelone où évolue le Barça cette saison, les quelques chants contre le club parisien sont repris souvent par les plus jeunes, biberonnés à la haine entretenue sur les réseaux sociaux, ou les touristes. Devenu socio du Barça, Melvin estime que cette rivalité est "à sens unique", sur fond de remontada mal digérée : "Ça a marqué leur image à long terme et le PSG est devenu un loser en Europe à partir de cet événement-là." 

Deux modèles en concurrence plutôt qu'une rivalité

Depuis, le Paris Saint-Germain n’a pas ménagé le club responsable de son humiliation historique : achat de Neymar l’été suivant quitte à payer sa clause libératoire de 222 millions d’euros, recrutement de Lionel Messi, ultime idole barcelonaise, après que celui-ci n’a pas pu prolonger avec le club de son cœur…

Des événements "dramatiques" pour Laia Bonals Ruiz, journaliste suivant le FC Barcelone pour le journal El Periodico, face auxquels le Barça a eu "du mal à se relever". Elle estime qu’il existe aujourd’hui une concurrence entre les deux clubs, plus qu’une rivalité, liée aux "relations très tendues qu’entretiennent les deux clubs depuis le transfert de Neymar". Deux clubs qui selon Laia Bonals Ruiz "ne peuvent plus travailler ensemble". 

Elle s'accorde avec Melvin, le socio de la Penya de Paris : s’il y a une rivalité avec le Paris Saint-Germain, elle ne cible pas directement l’institution parisienne, mais bien son modèle. Celui d’un club-Etat aux liquidités presque illimitées et qui doit ses succès européens aux pétrodollars. "Il y a un certain mépris vis-à-vis de ces nouveaux riches qui ne respectent rien, sortent de l'argent et construisent une équipe sans vraiment d’identité", appuie le supporter du Barça.

Laia Bonals Ruiz va même plus loin : "La rivalité n’existe pas parce que le PSG représente un autre modèle, mais parce qu’il n’est pas calqué sur le modèle du Barça. Les socios sont très attachés aux valeurs humaines et sociales du club, qui sont à l’opposé de ce que peut être Paris dans sa façon de faire les choses. "

"Tu as l'impression de ne pas jouer avec les mêmes règles."

Melvin, supporter français du FC Barcelone

à Franceinfo: sport

Un modèle qui montre aujourd’hui ses limites sportives et financières, avec un FC Barcelone obligé d’hypothéquer une partie de ses biens pour relancer la machine à gagner. "Nous, l'argent, on l'a eu et on en a fait n'importe quoi, concède celui qui se rappelle des signatures impulsives de Philippe Coutinho et d'Antoine Griezmann. Mais eux ont le droit de faire toutes ces erreurs-là, ils n’ont qu’à ressortir le chéquier."

Joan Laporta, président du Barça, l'a rappelé à plusieurs reprises lors de conférences de presse parfois très agressives vis-à-vis d’un adversaire qu’il nomme rarement. À savoir Nasser Al-Khelaïfi, dirigeant qatarien du PSG qui est loin de coller avec l’image que se font les socios barcelonais d’un président, devant représenter l’ADN du club et l’identité catalane. 

Une escorte policière tout de même attendue

En poste du côté du Parc des Princes depuis 2011, Nasser Al-Khelaïfi aime lui aussi titiller son vis-à-vis, en allant régulièrement recruter chez les Catalans, jusque dans les catégories de jeunes (Xavi Simons ou encore Kays Ruiz). L'autre moyen d'écraser son adversaire est, depuis son trône de président de l'ECA (association européenne des clubs), d'œuvrer contre le projet de Superligue sur lequel le géant blaugrana compte pour renflouer ses caisses.

Des épisodes de tension qui n’influent pas pour autant sur le traitement d’une telle double-confrontation par la presse catalane. "On traite le PSG comme un adversaire normal, d’égal à égal, avec tout le respect que l’on peut avoir pour leur chemin parcouru jusqu’ici en Ligue des champions", juge Laia Bonals Ruiz, qui n’a pas écrit le moindre article sur la remontada depuis l’annonce du tirage. En même temps, une double confrontation, survolée par les Parisiens en 2021, est venue recouvrir l'affront.

Melvin, qui a grandi à Paris dans une famille espagnole, fustige le "storytelling" entretenu par les médias français. L'Equipe a par exemple titré "Plus qu'une rivalité" en une, mardi. "Le PSG avait tout son prestige européen à construire et pour exister en tant que top club européen, il devait aussi se construire des adversités. Je pense que c'est important pour les supporters de se dire que si tu crées une rivalité avec un grand club historique, tu existes aussi en tant que grand club." Il prend l’exemple du communiqué du Collectif Ultras de Paris, qui a invité les supporters parisiens à faire du Parc des Princes "un territoire plus qu’hostile" pour "l’ignoble Barcelone si souvent favorisé par l’arbitrage". 

"Je pensais qu'ils étaient sortis de la remontada et qu'ils grandissaient en tant que club à part entière", regrette Melvin, qui s’est dit plus "choqué" et "surpris" par le communiqué des supporters parisiens que de voir Mona Lisa porter un maillot blaugrana sur les réseaux sociaux du Barça. Pour Laia Bonals Ruiz, pas de rivalité dans cette initiative, juste une façon de "montrer son respect pour la culture française et parisienne".

Mais si l’on assure côté barcelonais que le respect sera de mise, l’animosité alimentée depuis la remontada côté parisien va contraindre Melvin et les 2 000 autres supporters barcelonais à rejoindre le Parc des Princes sous escorte policière, dans une soirée déjà marquée par une sécurité renforcée après des menaces "caractérisées" d'attentats, diffusées par l'État islamique.

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