Premier League : comment Jürgen Klopp a réussi à régénérer Liverpool, actuel leader du championnat anglais
Nous sommes le 1er avril 2023. Liverpool vient d'encaisser un cinglant 4-1 par Manchester City et cela n'a rien d'une mauvaise blague qu'on oublie facilement. Les Reds sont alors huitièmes de Premier League, leur pire classement après 29 journées depuis l'arrivée de Jürgen Klopp, en octobre 2015.
Le manager, justement, est réellement remis en question pour la première fois depuis ses premiers pas en Angleterre. Une frange des supporters pense qu'il n'est plus l'homme de la situation, que son management a vécu et que son équipe est sur les rotules à cause du jeu énergivore qu'il prône. "Nous n'étions plus là, trop passifs, trop loin de tout", avait-il constaté à l'issue de cette cinglante défaite.
Présent depuis huit ans et demi dans le Merseyside, Jürgen Klopp a eu la chance de ne pas perdre la confiance de ses dirigeants, gardant le privilège de leur patience. Bien leur en a pris puisque depuis cette date, Liverpool n'a concédé qu'une défaite en... 30 matchs de championnat, et trône en tête de la Premier League après 20 journées. Le sorcier Klopp, qui affronte Arsenal en Coupe dimanche (17h30), a su se réinventer sans changer sa philosophie. "Nous sommes en train de construire le Liverpool 2.0", dévoilait-il le 19 septembre dernier. Comment y est-il parvenu ?
Il a gardé la confiance de ses joueurs
Sa méthode de management n'a pas vraiment changé : ses deux principes importants, le jeu vertical (projection éclair vers l'avant) et le contre-pressing (récupération rapide à la perte de balle) sont toujours présents. Son lien avec ses joueurs est toujours fusionnel, signe que les soubresauts n'ont pas altéré leur confiance envers lui.
"Il est très proche de ses joueurs, il les protège, il marche beaucoup à l'affectif. Les joueurs ne l'ont pas lâché, bien au contraire. Il y a eu une remise en question de Klopp et des joueurs. Aujourd'hui, Liverpool est premier et c'est mérité", détaille Loïc Rémy, consultant pour France Télévisions. Cette saison, une statistique rappelle que "son" Liverpool ne le lâche jamais : sur les 10 fois où les Reds ont été menés au score, ils ont finalement empoché 19 points (5 victoires, 4 nuls, 1 défaite).
Il peut toujours compter sur une défense solide, la 2e de Premier League, consolidée par le retour en grâce du gardien Alisson et du défenseur Virgil van Dijk. "La défense est la base de tout et si nous le faisons bien, le potentiel offensif de nos joueurs va se révéler", avait-il dévoilé après la victoire face à Newcastle le 1er janvier.
Il a fait les bons choix sur le mercato
Sous contrat jusqu'en 2026, Jürgen Klopp est un coach qui s'investit beaucoup dans le recrutement. L'an passé, les Reds étaient souvent étouffés au milieu de terrain, bloquant leurs schémas de jeu offensif. A l'été, il a en plus fallu compenser le départ des tauliers Fabinho et Jordan Henderson. Si les noms recrutés - Dominik Szoboszlai, Alexis Mac Allister, Wataru Endo, Ryan Gravenberch - n'étaient pas ceux de joueurs de premier plan, leurs cinq mois passés à Anfield ont déjà fini de convaincre les supporters.
Le Hongrois a été l'auteur de débuts tonitruants, apportant une justesse technique et une projection vers l'avant qui manquaient cruellement. "Dès le premier entraînement, c'était assez impressionnant. C'est facile pour lui d'entrer dans le jeu, dans l'équipe. C'est un garçon qui a naturellement confiance en lui, ça aide", disait de lui Jürgen Klopp le 28 septembre.
Sa récente méforme a coïncidé avec l'ascension du Japonais Endo, plus défensif mais essentiel pour reprendre le travail de l'ombre de Fabinho. "Quel garçon et quel joueur, il est si important", a loué le technicien allemand. Le milieu de terrain, si important dans l'animation de Jürgen Klopp, était un enjeu décisif pour la renaissance de Liverpool. Pour l'instant, le pari de l'Allemand est réussi. "Je ne suis pas forcément surpris car ce sont des choix judicieux, mais ça montre encore la patte de Klopp à dénicher ces talents bruts et à les façonner à sa manière", confirme Loïc Rémy.
Il a placé ses jeunes joueurs dans les meilleures conditions
Mais pour faire rugir de nouveau Anfield, Jürgen Klopp a aussi revigoré son effectif. Le jeune Jarell Quansah (20 ans) bouscule la hiérarchie aux côtés de van Dijk, un poste longtemps creux avant l'arrivée d'Ibrahima Konaté. Les deux jeunes espoirs Harvey Elliott et Curtis Jones, souvent cantonnés à jouer les jokers, sont désormais souvent titulaires et décisifs.
Mais le changement principal est le repositionnement de Trent Alexander-Arnold. Le jeune latéral anglais, dont le pied est aussi soyeux que sa défense est poreuse, a coûté plusieurs buts les années passées. Cette saison, Klopp l'a replacé au centre du jeu en phase offensive et Liverpool s'est transformé. "Dans l'axe, on voit toute l'étendue de son talent. Sa qualité de passe et sa projection vers l'avant, c'est du pain béni pour les joueurs en contre-attaque", développe Loïc Rémy.
"Je sentais que je pouvais dicter les matchs dès l’arrière, mais j’ai l’impression que mon jeu prend une autre dimension", s'est félicité l'international anglais début janvier. À 25 ans, il est déjà le meilleur passeur décisif de l'histoire de la Premier League parmi les défenseurs (57), à égalité avec... Andrew Robertson, l'autre latéral de Liverpool.
Il a gardé foi en son ossature
Malgré la saison dernière ratée (5e, pas de Ligue des champions), Jürgen Klopp a conservé son 4-3-3 qui lui a si bien réussi. Les retouches sont là, mais les hommes de base ne changent pas. Le technicien continue notamment de faire confiance à Darwin Nunez malgré son inefficacité (cinq buts en 19 matchs) car il peut compter sur Mohamed Salah, toujours aussi décisif [co-meilleur buteur du championnat avec 14 réalisations] mais dont le départ pour la CAN pourrait ralentir les Reds.
La capacité à tuer les matchs et à gérer un avantage au score sont les prochains chantiers dans une saison où la lutte pour le titre bat encore son plein. "Ça va mieux, cela ne fait aucun doute. J'aime beaucoup des choses que nous avons faites, mais ce n'est pas comme si nous y pensions vraiment. C'est tellement tôt", a tempéré le manager le 29 décembre. "Liverpool a clairement le profil type et l'effectif pour aller jusqu'au bout. Mais il y a beaucoup de matchs qui s'enchaînent. Tiendront-ils le rythme ?", s'interroge Loïc Rémy.
Si la lutte vers un deuxième titre de champion sous son commandement (après 2020) est encore loin, le redressement des Reds porte indéniablement la patte de son manager. "Ils ont une équipe et des joueurs fantastiques. C'est l'équipe la plus forte au monde ces dernières années", osait reconnaître son rival Pep Guardiola, le 24 novembre. C'est d'ailleurs du coach de Manchester City que vient peut-être le meilleur compliment adressé à ce Jürgen Klopp 2.0. "Il m'a aidé à réfléchir à beaucoup de choses. Il a fait de moi un meilleur entraîneur avec ses équipes."
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.