Ligue 1 : instabilité, résultats en berne… Pourquoi l’Olympique de Marseille peine à sortir de la crise
En général, quand l’OM pique sa crise, c’est un feu d’artifice. Comme en février 2021, quand quelques cyprès brûlés par des fumigènes avaient provoqué le départ de Jacques-Henri Eyraud. En septembre dernier, c’est une nouvelle fois à la Commanderie que la situation s’est envenimée entre les supporters et Pablo Longoria, justement devenu président après la fronde de 2021, et qui a alors menacé de démissionner. Une réunion tendue qui a provoqué le départ du coach d’alors, Marcelino, et plombé durablement la saison du club.
Appelé à la barre, Gennaro Gattuso tente, depuis, de redresser le cap d’un navire phocéen qui tangue toujours, et qui ne sait pas où il va. Eliminés de la coupe de France et septièmes de Ligue 1 à cinq points des places qualificatives pour la prochaine Ligue des champions, les Marseillais doivent impérativement battre Monaco samedi pour rester dans la course. Sauf que l’OM avance sur un fil, fragilisé par une instabilité chronique à tous les niveaux.
Le changement, c'est tout le temps
Car si Gattuso a assuré l’essentiel en qualifiant ses troupes pour les barrages de Ligue Europa, l’Italien n’a toujours pas trouvé la formule pour redonner à l’OM les moyens de ses ambitions dans le jeu. Quatre joueurs en défense, puis trois, puis quatre. Deux en attaque, puis un, puis à nouveau deux : l’Italien tâtonne, sans grande réussite.
"Je n’ai pas vu un match référence, un match plein. A la 60e, tu sais qu’il y a une cassure. Il n’y a pas d’ossature. Quatre, cinq joueurs tiennent la route : Pau Lopez, Jordan Veretout, Valentin Rongier mais il est blessé, Jonathan Clauss, Pierre-Emerick Aubameyang et puis c’est tout", dissèque Marc Libbra, l'ancien attaquant aux 149 matchs avec l’OM.
Sportivement, la situation n'a pas empiré depuis septembre, mais elle ne s’est pas non plus améliorée dans un club qui risque, en cas de contre-performance contre Monaco, de vivre une saison blanche. Un sacré déclassement sportif pour l’OM qui, sous Sampaoli et Tudor, était redevenu un sérieux concurrent pour le PSG, et avait enchaîné deux podiums d’affilée pour la première fois depuis douze ans. "Tudor et Sampaoli, ce qu’ils ont créé en termes d’envie et de courage, c’était fantastique. Aujourd’hui, Gattuso ça ne fonctionne pas", s’inquiète Marc Libbra.
"Les supporters ne sont pas fous : ils ont l'impression que les mecs n’avancent pas, ne se donnent pas, et ils s’ennuient. L’ennui est mortel dans le football."
Marc Libbraà franceinfo: sport
Comme beaucoup, l’ancien buteur phocéen estime que la non-qualification en Ligue des champions en août, face au Panathinaïkos, a tué la saison olympienne. Sauf que ce volet sportif n’est que la partie visible du mal qui ronge l’Olympique de Marseille depuis près d’un an. Car si le navire phocéen tangue autant, c’est à cause d’une instabilité chronique à tous les niveaux. Au sein de l’effectif, d’abord, avec un chassé-croisé incessant de joueurs, et les départs de plusieurs cadres appréciés du public (Payet, Guendouzi, Ünder…).
"Au début, Pablo Longoria, c’était un faiseur de miracle qui récupérait des joueurs, et là il a perdu le mojo. Ce turnover incessant, ce n’est pas possible. Lodi en est l’exemple parfait", résume Marc Libbra, en prenant l’exemple de Renan Lodi, arrivé l’été dernier à Marseille et déjà revendu cet hiver. Depuis 2021, 35 joueurs sont arrivés, 29 sont partis : "Ça me paraît difficile de collaborer avec quelqu’un qui fait autant de trading, de business sur le système footballistique", regrette Libbra.
Si les premiers mercatos de l’ère Longoria, réalisés avec des bouts de ficelle, avaient enflammé le public, ce dernier semble désormais lassé par le court-termisme sportif du club. D’autant plus que, depuis un an, Pablo Longoria est passé à la seconde phase de son plan en investissant des sommes importantes sur le marché des transferts. Problème : les joueurs concernés (Vitinha, Iliman Ndiaye, Ismaïla Sarr…) n’ont pas répondu aux attentes.
Instabilité à tous les niveaux
"Le problème, c’est que Longoria n’a pas l’air d’avoir envie de construire sur la durée. C’est la génération Football Manager, qui voudrait changer aussi facilement son équipe qu’en jouant aux jeux vidéos", tacle un ancien collaborateur du club. Le constat est d’ailleurs le même du côté des entraîneurs : Sampaoli, Tudor, Marcelino, Gattuso… Quatre entraîneurs en trois ans, sans compter les intérimaires, dont trois partis d’eux-mêmes. Ce qui n’a pas aidé l’OM à trouver de la stabilité, et qui a aussi contraint le président à adapter à chaque fois l’effectif à son nouvel entraîneur.
Subi ou pas, ce court-termisme ne se limite pas au vestiaire. Alors que la cellule recrutement a vu plusieurs de ses membres déménager du côté de l’Olympique lyonnais, l’équipe dirigeante a elle aussi connu son lot de mouvements ces dernières saisons. Visée par les supporters en septembre, la garde rapprochée de Pablo Longoria (Javier Ribalta, Pedro Iriondo et David Friio) a ainsi quitté le bateau ces dernières semaines. Un trio qui avait valu au président des accusations de déracinement, entouré de son "clan d’Espagnols."
Et ce même si le président a rapatrié Jean-Pierre Papin, légende du club, comme conseiller, avant de faire la même chose avec Mehdi Benatia, formé à l’OM et aujourd’hui conseiller sportif. "Au début, Longoria a vraiment essayé de s’intégrer, mais j’ai compris qu’il était dans une logique de foot business et que le reste était secondaire. Tout faisait partie d’une opération séduction", dénonce un autre ancien collaborateur du club.
"Pablo Longoria, c’est un bricoleur. Les responsabilités changent tous les six mois, il y a une instabilité constante. Ses décisions peuvent être très erratiques, volatiles."
un ex-collaborateur de l'OMà franceinfo: sport
Le manque d'ancrage local du président marseillais lui a été reproché en septembre, quand les supporters ont profité de la fameuse réunion pour notamment s’alarmer du sort du centre de formation. Le problème ? De moins en moins de jeunes locaux y ont leur chance, remplacés par des talents venus de tout le pays.
Directeur du centre de formation de 2019 à 2022, Nasser Larguet a justement quitté le club à cause de ce changement de cap : "Le club a tout misé sur la post-formation, et je n’étais pas d’accord avec ça, parce que ça va à l’encontre de l’identité d’un club. Or, l’OM a besoin au contraire de retrouver son identité, celle qui a fait sa force, son histoire, et qui s’est perdue…" Le Marocain regrette le virage pris par le club : "La post-formation doit être un complément de la formation de talents locaux, pas le cœur du projet."
C’est dans ce contexte, et sans sept joueurs partis à la CAN - dont les précieux Chancel Mbemba, Amine Harit ou encore Azzedine Ounahi - que l’OM aborde une difficile fin de mois de janvier : Monaco ce samedi, puis l’Olympique lyonnais. Sans compter un passage par les périlleux barrages de Ligue Europa contre le Shakhtar Donetsk (15 et 21 février prochain), qui représentent la dernière chance pour l’OM de sauver sa saison.
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