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Pourquoi Patrice Evra est indispensable à l'équipe de France

Que cela vous plaise ou non, les Bleus ont plus de chances de passer l'obstacle ukrainien avec le latéral de Manchester United que sans lui.

Article rédigé par Pierre Godon
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Patrice Evra (au centre) et Franck Ribéry lors d'un entraînement de l'équipe de France, le 25 mars 2013, au stade de France, à Saint-Denis. (FRANCK FIFE / AFP)

Surtout, pas de question sur Patrice Evra. Consigne donnée aux journalistes pour les conférences de presse précédant la rencontre Ukraine-France du 15 novembre, match aller des barrages de la Coupe du monde, à Kiev. Le nom de l'arrière latéral de Manchester United est pourtant sur toutes les lèvres : Didier Deschamps n'a pas cillé au moment de l'appeler chez les Bleus, malgré son interview incendiaire à Téléfoot et son passif de capitaine des Bleus lors de la désastreuse Coupe du monde en Afrique du Sud. Voilà pourquoi.

Parce qu'il demeure un leader

"Leader en équipe de France, ça ne s'improvise pas du jour au lendemain. Il faut de la légitimité, du vécu, de l'expérience, et forcément c'est ceux qui sont là depuis longtemps qui en ont le plus. Evra est un leader, ça fait six ans qu'il est titulaire à Manchester United et joue 60 matchs par saison", déclarait Didier Deschamps en dressant le portrait-robot du chef de file du groupe France sur TF1 en septembre.

Quand France Football demande à William Gallas, ancien international, vers qui il se tournerait s'il débutait chez les Bleus, il répond sans hésiter Eric Abidal ou Patrice Evra, deux des "bannis" de Knysna. "Patrice saura trouver les mots, il connaît 'le truc'. C'est essentiel, car j'ai déjà vu des joueurs perdre leurs moyens quelques secondes avant le coup d'envoi." Moralité : Evra, 32 ans, apporte encore beaucoup au groupe France, même après l'épisode sud-africain de Knysna. On se souvient de son intervention décisive à la mi-temps du match mal engagé en Biélorussie en septembre. Remplaçant, il a pourtant pris la parole dans le vestiaire et remobilisé les troupes, menées 1-0 à la pause de cette rencontre qualificative pour le Mondial brésilien. 

Pour le psychologue du sport Yvon Trotel, contacté par francetv info, "un groupe de joueurs a nécessairement besoin d'un leader, mais selon les circonstances, il s'en choisit un différent. Pour ces barrages, les Bleus ont besoin d'un leader technique, qui les emmène vers la réussite. Un Franck Ribéry est tout adapté. Comme un Patrice Evra répondait au besoin des Bleus en 2010, où l'ambiance était tellement conflictuelle qu'il fallait un leader résistant. Patrice Evra a joué au délégué syndical, avec un leadership très vindicatif, car il y avait une ambiance de mutinerie. Mais je suis prêt à parier que dans un autre contexte, il se serait comporté différemment avec le brassard de capitaine." 

Parce que les Bleus ont besoin de joueurs de caractère

"Dans le sport de haut niveau, vous devez avoir des personnalités importantes. S'il ne se passe rien entre les joueurs, vous n'aurez pas de résultats. Les conflits, s'ils restent en interne, permettent de créer une dynamique", remarque Jean-Cyrille Lecoq, psychologue du sport, interrogé par francetv info. Des joueurs comme Patrice Evra ou Franck Ribéry, qui contrastent avec le politiquement correct et la langue de bois en vigueur chez les Bleus, sont indispensables au groupe. Evra, perçu comme un joueur franc et blagueur outre-Manche, est particulièrement apprécié. 

Patrice Evra fait face à Franck Ribéry lors d'un entraînement de l'équipe de France, le 12 novembre 2012, à Clairefontaine (Yvelines).  (FRANCK FIFE / AFP)

Il n'y a rien de pire que l'apathie, raconte un membre du staff de Jacques Santini, sélectionneur des Bleus en 2004, dans le livre La décennie décadente du football français, de Bruno Godard et Jérôme Jessel. "D'habitude, il y a des rires et des engueulades, mais là, il ne se passait rien. (...) Très vite, des joueurs sont venus nous voir pour nous demander de parler et de tenter des trucs pour souder l'équipe."

Parce qu'il est bien intégré à l'équipe

"S'il n'était pas accepté, Deschamps ne l'aurait pas rappelé, note Jean-Cyrille Lecoq. Dans le vestiaire, il fait l'unanimité pour ses grandes qualités techniques." Avec 52 sélections, il toise ses concurrents, qui n'ont pas réussi à le déboulonner de son poste. 

Et sa sortie récente contre les consultants, loin de le fragiliser, l'a renforcé en interne. Comme l'a rappelé Raymond Domenech, "au moins la moitié des joueurs pensent à peu près comme Patrice Evra. Ils n’osent pas le dire mais ils le pensent réellement. Et qu’il y en ait un qui soit capable de le dire renforce sa position de leader à l’intérieur. Et ça, ça peut souder les mecs."

Parce qu'il n'a pas fait une "Ginola"

On peut trouver beaucoup de défauts à Patrice Evra, mais il n'a pas attaqué frontalement l'équipe, ce qui lui vaut un soutien appuyé dans le vestiaire. Exclure un joueur accepté par ses pairs, on l'a vu avec l'affaire Anelka en Afrique du Sud, est prompt à déstabiliser une équipe. Y maintenir un pestiféré constitue également une erreur. Mais Patrice Evra n'a rien dit contre l'équipe. C'est la fédération qui l'affirme : "Aucune attaque n'a été formulée à l'encontre de la FFF, de l'Equipe de France, de son sélectionneur et de ses joueurs."

Contrairement à David Ginola. A l'époque au PSG, il se répand dans la presse avant le France-Bulgarie de 1993 pour expliquer qu'il doit jouer, lui, et pas le duo d'attaque estampillé OM Papin-Cantona. Le public du Parc des Princes, où se joue le match, prend fait et cause pour Ginola et conspue le tandem tricolore. Gérard Houllier, sélectionneur, raconte la suite dans le livre Secrets de coachs, de Daniel Riolo et Christophe Paillet : Ginola "est un salaud parce qu'à chaque fois que Papin ou Cantona touchaient le ballon, ils se faisaient siffler. J'ai fait l'erreur de ne pas l'exclure. Aimé Jacquet [son adjoint à l'époque] m'en a empêché. Je voulais le dégager. Sans lui, je suis sûr qu'on se qualifiait." Un but d'Emil Kostadinov à la dernière minute a privé les Bleus du Mondial américain.

Reste à espérer qu'Andriy Yarmolenko, le joueur ukrainien le plus dangereux, ne douchera pas de la même façon les chances des Bleus. Attention : il attaque sur le côté où défend Patrice Evra...

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