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Ligue des champions : encore sur le chemin de la professionnalisation, la D1 féminine française doit changer de statut

L’Olympique Lyonnais et le Paris-Saint Germain féminins débutent leur campagne de Ligue des champions mardi et mercredi. Ils affronteront des clubs européens renforcés par la professionnalisation de leur championnat tandis que la D1 féminine française n’a toujours pas adopté ce statut. 

Article rédigé par Hortense Leblanc
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 8min
  (NICOLAS LIPONNE / HANS LUCAS)

Imitant la première division féminine anglaise, professionnalisée en 2017, et la fédération de football italienne, qui a annoncé la professionnalisation de la Serie A féminine à l’horizon 2022, l’Espagne a décidé de la professionnalisation de sa première division en juin dernier. En France, alors que sept des dix dernières Ligues des champions ont été remportées par l’Olympique lyonnais, le premier échelon du football féminin attend toujours sa professionnalisation. Les Lyonnaises et les Parisiennes, qui font leur entrée en coupe d’Europe, font face à une nouvelle concurrence de clubs européens renforcés par leurs statuts professionnels.

Pour la première fois depuis 2014, aucun club français n’était présent en finale de la Ligue des champions féminine la saison dernière. L’Olympique Lyonnais et le PSG, fers de lance du football féminin dans l’Hexagone, dominent outrageusement le championnat national, faisant face à peu de concurrence le week-end. Faudrait-il professionnaliser la D1 Arkema pour offrir plus d’adversité et réhausser le niveau du football féminin français ? "La professionnalisation, c’est un tout : c’est réfléchir à un modèle économique, à la formation, à la diffusion médiatique. Il faut une économie", répond Fabien Safanjon, vice-président de l’Union nationale des footballeurs professionnels (UNFP). 

En Angleterre, la Women’s Super League a signé un contrat record pour ses droits TV, s’élevant à 8 millions d’euros par saison. En Espagne, Mediapro paie 3 millions d’euros par an pour diffuser la Primera Iberdrola, tandis qu’en France, le groupe Canal s’est procuré les droits de la D1 Arkema pour 1,2 million d’euros par an jusqu’en 2022. "On ne sait pas trop par quel côté il faut commencer : est-ce qu’il faut développer le championnat pour ensuite attirer des financements et des diffuseurs, ou bien est-ce qu’il faut attendre des financements pour le développer ?", s’interroge Fabien Safanjon.

Un processus ralenti par la FFF ?

"Je ne pense pas que ça soit une question de moyens, mais plutôt d’envie. En France, plus personne ne fédère derrière l’équipe de France et le championnat. J’ai la sensation que ce n’est pas une priorité pour la fédération, alors qu’elle devrait dynamiser tout ça, organiser les discussions avec les clubs et proposer une enveloppe budgétaire", rétorque Marinette Pichon, ancienne attaquante des Bleues. Les syndicats et les clubs ont commencé à travailler sur une éventuelle professionnalisation : "Il faut que la Fédération française de football (FFF) se joigne à nous. Il y a eu un gros travail de fait sur la masse, le nombre de licenciées, mais il faut maintenant s’occuper de l’élite, qu’on ne rate pas ce virage là, et qu’on réagisse assez rapidement", ajoute Fabien Safanjon. 

Pascal Bovis, président du FC Fleury 91, le rejoint : "La France avait de l’avance avec la Coupe du monde 2019, mais trois ans après, on va être en retard, parce qu’on n’a rien fait depuis. Où sont passées les recettes du Mondial ? Elles n’ont pas servi au développement du foot féminin et on prend du retard par rapport aux autres nations. On travaille entre clubs, mais il faut que la fédération nous suive et qu’elle réponde à nos demandes". La FFF n'a pas donné suite à nos demandes d'interview.

Des joueuses professionnelles sans le statut

Aujourd’hui, la D1 Arkema est une compétition amateure, organisée par la FFF. Les joueuses des clubs du haut de tableau, comme Lyon, Paris, Bordeaux ou Montpellier, vivent du football. Elles disposent d’un contrat fédéral, régi par la convention nationale collective des sports, mais pas par une convention collective spécifique, comme pour leurs homologues masculins. D’autres joueuses sont "semi-professionnelles", un terme qui n’a aucune réalité juridique et qui regroupe les footballeuses qui étudient ou travaillent en dehors des terrains, pour qui le football n’est qu’un complément de revenus.

L’investissement sportif à l’entraînement et dans la préparation n’est donc pas le même entre ces joueuses et une professionnalisation du championnat permettrait d’uniformiser leurs statuts et peu à peu le niveau de la D1. "Ça nous permettrait aussi d’accéder à l’économie du sport, en percevant des droits TV, ce qui n’est pas le cas actuellement. Il faudrait plus de recettes de billetterie et surtout toucher des indemnités de formation et des droits de vente pour les joueuses qui s’en vont", ajoute Pascal Bovis.

L’UNFP, l’Association pour le Football Féminin Professionnel (AFPF), ainsi que les syndicat des clubs et des entraîneurs travaillent sur une convention collective pour la D1 Arkema. "On peut imaginer qu’elle puisse être effective l’année prochaine", envisage le vice-président de l’UNFP. En attendant, lFédération Nationale des Associations et Syndicats de Sportifs (FNASS), associée à des sportives, a formulé des propositions en faveur de la professionnalisation du sport féminin et les a adressées au ministère des Sports. Ces propositions concernent notamment la systématisation de contrats de travail, la sécurisation de la situation sociale et financière des femmes enceintes ou encore l’investissement dans des structures administratives pour les clubs. "À la suite de ces propositions, des axes de réflexion concrets sont en cours de discussion avec le cabinet de la Ministre pour mettre en oeuvre concrètement une partie des idées soumises", affirme Camille Delzant, secrétaire générale de la FNASS. 

La France perd son avance sur les championnats voisins

Ce processus n’est pas assez rapide selon Marinette Pichon : "Je trouve ça un peu lent et on a l’impression d’être en retard. Aujourd’hui on a une masse de joueuses et on doit s’appuyer dessus pour éviter qu’elles s’exilent. Et moins le niveau sera exigeant, avec peu d’adversité dans le championnat, plus les équipes françaises auront du mal face aux équipes des nations qui se développent plus rapidement".

Si plusieurs joueuses avaient filé en Angleterre à l’été 2020 comme Kenza Dali à West Ham, les clubs français n’ont cependant pas connu un exil massif de leurs footballeuses vers les championnats professionnels cet été. En revanche, ils n’étaient pas parvenus à attirer des joueuses américaines de renom pendant que les équipes anglaises profitaient de l'arrêt du championnat américain en 2020 pour enrôler Alex Morgan ou encore Rose Lavelle. Preuve de la progression de la Women’s Super League depuis sa professionnalisation, Chelsea est devenu le premier club anglais à atteindre la finale de la coupe d’Europe féminine la saison dernière (défait par le FC Barcelone). 

Dès ce mardi soir, les septuples championnes d’Europe lyonnaises tenteront de réparer l’impair de leur élimination en quart de finale (par le PSG) lors de la dernière édition. Les Fenottes se déplacent en Suède, sur la pelouse du BK Häcken. Mercredi, les Parisiennes seront quant à elles opposées aux Islandaises de Breidablik pour lancer leur conquête de la Ligue des champions.

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